Gravitation

Astrophysique - Sciences

Institut d’Astrophysique et de Géophysique - Université de Liège

L’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’Université de Liège, créé il y a environ 115 ans, est connu du monde entier non seulement pour ses recherches et ses enseignements mais aussi par ses séminaires et ses colloques internationaux:

Les deux dernières manifestations ont eu l’honneur d’être placées sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Baudouin.

Le 31ème colloque a été organisé du 21 au 25 juin 1993, et a eu pour thème “Gravitational Lenses in the Universe”, sujet qui est à la base d’un programme-clé de l’Observatoire Européen Austral (ESO) dont les Liégeois sont les “principal investigators”; le 32ème de la série a eu lieu du 3 au 5 juillet 1995 et a été consacré à “Stellar Evolution: What Should Be Done”. Quant au 33ème colloque, il a célébré le 20ème anniversaire d’un schéma de formation d’étoiles particulières proposé à l’occasion du 20ème colloque: il a eu lieu du 1 au 3 juillet 1996 sur le thème de “Wolf-Rayet Stars in the Framework of Stellar Evolution”.

Son 34e colloque international (du 15 au 18 juin 1998) est consacré au “Next Generation Space Telescope” (NGST), successeur du Hubble Space Telescope (HST).

L’Institut d’Astrophysique de Liège, qui compte actuellement plus de 80 personnes, est, de façon indiscutable, le principal centre d’enseignement et de recherches en astrophysique de la partie francophone du pays (pour ne pas dire de Belgique !). Il est en expansion régulière : environ 60 chercheurs y travaillent aujourd’hui, soit plus que jamais au cours de son histoire, y compris durant les “riches” années soixante-septante.

De nombreux cours d’astrophysique, ou liés à ce domaine, sont donnés par des membres des corps académique et scientifique de l’lnstitut en candidatures et licences en sciences Physiques, mathématiques, géographiques, ainsi que dans plusieurs sections d’ingénieurs. De plus, un enseignement hautement spécialisé est délivré à Cointe sous la forme d’un troisième cycle “Maîtrise en astrophysique et géophysique” qui, en fait, attire des étudiants de toutes les régions du pays, et même de France. Au total, plus de 30 étudiants ont suivi cette maîtrise (DEA) depuis sa création en 1987.

Ce sont essentiellement les activités de recherche des équipes d’astrophysiciens liégeois qui sont à la base de leur renommée. Ces activités, qui couvrent presque tous les aspects de l’Astrophysique contemporaine, peuvent être réparties selon cinq orientations principales :

(i) astrophysique théorique (y compris relativité et cosmologie, évolution et stabilité stellaires, structure galactique,…);

(ii) astrophysique observationnelle à partir du sol et de l’espace (y compris: système solaire, comètes, étoiles, matière interstellaire, objets extragalactiques, quasars, mirages gravitationnels);

(iii) spectroscopie solaire et atmosphérique (y compris, en particulier, des observations de l’évolution de la composition de la stratosphère, à partir d’une haute montagne, de ballons stratosphériques et de la navette spatiale);

(iv) physique planétaire (y compris observations spatiales) et géophysique externe (y compris la climatologie);

(v) spectroscopie (atomique et moléculaire , théorique , de laboratoire, et d’intérêt astrophysique).

La renommée de l’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de Liège a été particulièrement exacerbée en 1997, non seulement par l’octroi de deux contrats importants dans le contexte du programme européen “Développement Durable”, mais également, et peut-être surtout, par l’attribution du rôle de pilote dans le cadre d’un “Pôle d’Attraction Interuniversitaire” en astrophysique entre Liège, Leuven et l’Observatoire Royal.

Dans le domaine de la recherche spatiale, l’Institut d’Astrophysique a joué depuis les années 60 un rôle important dans la conception et la réalisation d’expériences (telles les spectrographes auroraux lancés par fusées et le spectrophotomètre S2/68 embarqué à bord du satellite TD1), dans des tests d’appareillages, ainsi que dans l’obtention et l’analyse de données en provenance d’expériences à bord de satellites comme TD1, ANS, Copernicus, IUE, HST, Hipparcos et ensuite ISO et SOHO. Plusieurs membres de l’Institut d’Astrophyique préparent activement des missions futures, telles XMM, INTEGRAL, FIRST, etc.

Institut d’Astrophysique et de Géophysique
de l’Université de Liège
Allée du 6 Août, 17,
B-4000 LIEGE (Belgique)

Tél : (32-4) 366.97.39
(32-4) 366.97.74
Fax : (32-4) 366.97.29

Site Internet : http://www.astro.ulg.ac.be/
Courriel : wwwadm@astro.ulg.ac.be
Département : departement@astro.ulg.ac.be

IAGL : Mirages gravitationnels

Quasars et mirages gravitationnels

Les quasars sont bien connus pour être les astres les plus énergétiques et aussi les plus distants dans notre Univers. Il semblerait toutefois que la brillance des quasars les plus lumineux soit en partie due à une cause extrinsèque (i.e. extérieure). En effet, si une galaxie (ou autre objet massif) se trouve très près de la ligne de visée entre un quasar étudié et un observateur terrestre, l’espace autour de la galaxie peut être déformé (de par sa présence) de façon telle que plusieurs rayons lumineux distincts nous parviennent du même quasar. Il en résulte que l’observateur pourra voir une image multiple, déviée, déformée et aussi amplifiée d’un quasar normalement ordinaire. A I’instar des mirages atmosphériques, la déflexion de la lumière par le champ gravifique d’un objet massif peut donc conduire à la formation d’extraordinaires mirages gravitationnels.

Bien qu’il soit facile de deviner les effets détestables des mirages gravitationnels pour la cosmologie moderne, il faut savoir que ces objets exotiques nous apportent d’autres grands espoirs : l’observation des mirages gravitationnels devrait non seulement nous permettre de détecter et d’évaluer la quantité de matière manquante cachée dans l’Univers mais aussi de mesurer d’une façon originale le taux d’expansion (c’est-a-dire la constante de Hubble), la courbure (c’est-a-dire le paramètre de décélération) et par voie de conséquence l’âge notre Univers.

Le NGST, successeur du Télescope Spatial Hubble

Le “Next Generation Space Telescope” (NGST) est un projet de la NASA destiné à étudier la formation et l’évolution des galaxies tôt après le début de l’Univers. Le NGST consiste en un télescope de 6 à 8 mètres, à miroir éventuellement déployable, qui sera lancé vers 2007. Il est considéré comme le successeur de l’actuel Télescope Spatial Hubble (HST).

Les astrophysiciens européens ont exercé une pression importante sur l’ESA, l’Agence Spatiale Européenne, afin qu’elle envisage une participation significative au NGST. Suite aux recommandations d’un groupe de travail mis sur pied par l’ESA en 1997, des études européennes ont démarré en coordination avec la NASA sur le concept du NGST (son télescope, son instrumentation, son orbite, …). Le groupe de travail recommandait aussi l’organisation en 1998 d’un colloque spécifiquement consacré au NGST, d’où le 34e Colloque d’Astrophysique de Liège du 15 au 18 Juin (Amphithéâtres de l’Europe, Domaine universitaire du Sart Tilman).

Ce colloque sera présidé par le Pr D. REIMERS, de l’Observatoire de Hambourg (Allemagne) et est organise avec l’aide de la NASA, de l’ESA, de l’Observatoire Européen Austral (ESO), du Space Telescope Science Institute (STScI), du FNRS, de l’Université de Liège et de la Communauté française de Belgique. Il bénéficie également du soutien de HiServ (sponsor principal), du Centre Spatial de Liege (CSL), de AMOS et de Spacebel Informatique.

Le colloque sera officiellement ouvert le 15 juin à 9h30 par M. Yvan YLIEFF, Ministre de la Politique scientifique, et par le Recteur M. Willy LEGROS.

L’objectif principal du colloque est d’offrir à la communauté scientifique internationale un forum dans lequel elle pourra baliser les objectifs poursuivis par le successeur du Télescope Spatial Hubble et déterminer les complémentarités entre les grands projets spatiaux. Ceci en passant en revue les défis technologiques et particulièrement ceux pour lesquels l’industrie européenne est en mesure d’apporter des solutions intéressantes. Le colloque réunira près de 200 participants américains et européens (astrophysiciens, “managers” de projets et industriels) qui aborderont différents thèmes liés au développement de NGST, à l’origine et à l’évolution des étoiles, des galaxies et des quasars, aux supernovae éloignées, aux planètes extra-solaires et aux jeunes étoiles, à la technologie des miroirs allégés, etc.

Une maquette du NGST (1m sur 1,5) sera installée aux Amphithéâtres de l’Europe pendant toute la durée du colloque.

Pour tout contact :
Jean-Pierre SWINGS
Président du Comité Organisateur

Centre Spatial de Liège

Facilité coordonnée de l’Agence Spatiale Européenne (ESA)
Université de Liège

ACTIVITIES AND CAPABILITIES

Centre Spatial de Liège
Université de Liège
Parc de Recherche Scientifique du Sart-Tilman
Avenue du Pré-Aily
B - 4031 ANGLEUR - LIEGE
BELGIUM

Site Internet :http://www.csl.ulg.ac.be/

Phone : + 32 4 367.66.68
Fax : + 32 4 367.56.13

Courriel : CSLULG@ULG.AC.BE

Pr. Dr. Ing. C. JAMAR, General Manager
Dr. J.P. MACAU, Deputy General Manager

Union Astronomique Internationale

International Astronomical Union

L’Union Astronomique Internationale a éée fondée en 1919 dans le but de fournir aux astronomes du monde entier un moyen de développer l’astronomie dans tous ses aspects grâce à la coopération internationale. Depuis cette époque, I’Union s’est consacrée à cette tache et sa reputation est telle que la majeure partie de la coopération en astronomie passe par l’UAI.

L’Union a comme membres des organismes adhérents dans 50 pays et environ 6000 membres individuels. Le caractère de l’Union est diversifié et son activité scientifique est reflètée, au sein de ses 40 Commissions, par un travail qui traite de tous les phénomènes de l’Univers.

Une Assemblée générale a lieu tous les 3 ans et près de 240 réunions scientifiques importantes ont été parrainées par l’UAI. De nombreuses autres réunions sont patronnées conjointement avec d’autres unions et comités scientifiques internationaux dans le cadre du Conseil International des Unions Scientifiques (ICSU).

Un effort particulier est fait pour promouvoir l’astronomie dans les pays où cette science n’a pas encore trouvé son plein développement, par exemple en organisant des Ecoles Internationales pour Jeunes Astronomes et en etablissant un Plan pour Conférenciers Visiteurs. L’aide aux jeunes astronomes se fait dans le cadre du programme d’Echange des Astronomes.

L’UAI est la seule autorité habilitée à attribuer des noms ou dénominations aux corps célestes et aux particularités topographiques à la surface de ceux-ci.

Les Publications de l’UAI comprennent les “Transactions”, les “Highlights of Astronomy”, et les compte-rendus des Symposia. Le Bulletin d’information de l’UAI paraît deux fois par an, en janvier et en juin. Il est envoyé gratuitement à tous les membres de l’UAI et aux organismes adhérents, ainsi qu’à tous les principaux instituts d’astronomie du monde.

Pour rappel, la 55ème réunion du Comité Exécutif de l’Union Astronomique Internatinale a eu lieu à Liège, au Château de Colonster, du 19 au 22 septembre 1986. Elle fut précédée d’une réunion du Bureau de l’UAI à l’Institut d’Astrophysique de l’Université de liège, le 18 septembre.

La dernière réunion du Comité Exécutif tenue en Belgique, à Liège en fait, datait de juin 1963 : l’année suivante, le Professeur P. Swings (Vice-président de l’UAI de 1948 à 1955) devenait Président de cette Union pour la période 1964-1967. Son fils, Jean-Pierre Swings, actuel Président du Conseil de département à l’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’Université de Liège, fut élu Secrétaire Général Adjoint de l’UAI pour la période 1982-1985, puis Secrétaire Général pour la période 1985-1988.

UAI-IAU Secrétariat
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Calendrier des phases de la Lune

European Southern Observatory

Organisation Européenne pour des Recherches Astronomiques dans l’Hémisphère Austral

L’ESO, organisation intergouvernementale européenne, a été fondée en 1962 pour installer et faire fonctionner un observatoire astronomique dans l’hémisphère austral et promouvoir et organiser la coopération dans la recherche astronomique en Europe.

Ses Etats membres sont la Belgique, le Danemark, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la République Fédérale d’Allemagnc, la Suède et la Suisse.

L’ observatoire se trouve au Chili, sur la montagne La Silla, à 2400 m d’altitude, environ 600 km au nord de Santiago. Quatorze télescopes optiques, dont le plus grand a un miroir de 3,60 m de diamètre, ainsi qu’un radiotélescope submillimétrique de 15 m sont actuellement en service. L’instrument le plus récent (achevé en 1989) est le NTT (New Technology Telescope) qui est le télescope optique le plus avancé du monde.

Un télescope géant de 16 m (Very Large Telescope = VLT), comprenant le couplage de quatre télescopes de 8,20 m, est en cours de construction. Lorsqu’il sera terminé vers la fin des années 90, il sera le plus grand télescope optique du monde. La première des quatre unités du VLT (UT1) est opérationnelle depuis mai I998.

Le siège principal de l’ESO, avec ses départements scientifiques et techniques, se trouve à Garching, près de Munich, en République Fédérale d’Allemagne.

ESO
Département Education et Relations publiques
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Agence Spatiale Européenne

European Space Agency

Agence Spatiale Européenne
Division de la Communication
8, 10 rue Mario-Nikis F-75738 Paris cedex 15
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Tel : +33 (0) 1 53 69 71 55
Fax : +33 (0) 1 53 69 76 90

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Le programme scientifique de l’ESA (1/2) - De l’apprentissage à la majorité

Roger Bonnet pendant son exposé dans l’amphi de l’Institut d’Astrophysique.
(© Photo Actuel GP/A. Boos, Liège)
A l’occasion de son élection en tant que membre correspondant de la Société royale des Sciences de Liège, Roger M. Bonnet, Directeur du programme scientifique de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), vient de présenter, dans le cadre du 1.011e séminaire de l’Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège, un exposé général sur la programmation scientifique de l’Agence. Ce fut pour lui l’occasion de faire l’historique de l’ESA, face au bipôle soviéto-américain, de son programme scientifique dans ses catégories obligatoires et optionnelles et dans ses trois phases : la phase d’apprentissage, la phase de majorité et la phase de maturité de son programme “Horizon 2000”. Nous abordons, ici, les deux premières phases qui ont trait au passé et au présent, de manière à pouvoir développer la troisième, celle qui nous ouvre les portes du futur, à l’occasion d’un second article qui paraîtra vendredi prochain.
Jean-Pierre Swings, agrégé de Faculté, vice-président du Conseil de Département d’Astronomie et d’Astrophysique de l’ Université de Liège, président du “Astronomy Working Group” et membre du “Space Science Advisory Committee” de l’Agence Spatiale Européenne, présenta brièvement Roger Bonnet, directeur du programme scientifique de l’Agence spatiale européenne depuis 1983 ainsi que directeur de recherche au CNRS.

Roger Bonnet, qui est aussi l’auteur d’un ouvrage “Les horizons chimériques” qui vient de sortir aux éditions Dunod, a entrepris de doter l’ESA de son premier programme scientifique à long terme “Horizon 2000” qui fut endossé sans réserve par les ministres représentant les Etats membres au Conseil de 1985 à Rome. S’étendant sur 20 ans, il est, de par sa stabilité, devait souligner Jean-Pierre Swings, un élément très important de la crédibilité de l’Europe dans le domaine de la recherche spatiale.

Dans son aperçu historique, Roger Bonnet se plut à quelques rappels nécessaires. Née de considérations stratégiques dans une compétition Est-Ouest, la recherche spatiale comme objet scientifique rencontrait au moins trois considérations, sans compter que l’espace est aussi un outil très performant pour la mise au point de technologies nouvelles, indispensables au développement industriel : elle permettait de se placer au-dessus de l’astmosphère de la Terre et ainsi de pouvoir découvrir l’ensemble du spectre électromagnétique, elle permettait l’exploration du Système solaire, et, ce qui était non moins important, d’être à même d’observer notre propre planète, son état, son comportement et tous les paramètres qui gouvernent son équilibre.

Programmes obligatoires et optionnels
Organisme de recherche et de développement dans le domaine de l’exploration pacifique de l’espace au service de la communauté scientifique des treize pays membres qui la composent, l’ESA sert actuellement plus de 2.000 scientifiques, plus de 50 instituts de recherches impliqués dans le développement d’expériences et environ une centaine de groupes d’observations, d’instituts, de centres de recherches engagés dans l’étude des données et l’analyse des données obtenues par les satellites. Ses programmes reposent sur l’industrie européenne qui se regroupent en une cinquantaine d’entreprises.

Le programme scientifique fait partie des programmes obligatoires de l’Agence. Les programmes optionnels (presque obligatoires) regroupent l’observation de la Terre, la microgravité, les télécommunications, le développement des infrastructures orbitales et les lanceurs.

La contribution budgétaire à ces programmes se fait sur base d’une proportion du produit national brut de chacun des Etats membres. La Belgique a une contribution de 3 % au programme obligatoire. Pour le programme optionnel, cette proportion est différente, certains pays préférant ce dernier. C’est le cas de la Belgique qui y consacre presque le double de son budget de participation par rapport au programme obligatoire.

Le programme scientifique représente à peu près 10 % du budget de l’ESA alors que les programmes d’observation de la Terre représentent 16 % et les programmes de télécommunication 9 %. La plus grande part du budget de l’ESA va donc aux programmes d’infrastructure: lanceur Ariane, avion Hermès, développement de la station spatiale Columbus.

La science de l’espace de l’ESA concerne tout l’Univers (sauf la Terre du ressort optionnel). Le service de la communauté scientifique est continu par le biais d’un mécanisme de niveau de ressource. Le Conseil de l’ESA se réunit tous les trois ans pour définir ce qu’on appelle un niveau de ressource, c’est-à-dire un budget pour une période de cinq ans. Cette façon de procéder qui empêche des remises en cause budgétaires qui font la faiblesse de la NASA régule une continuité dont il faut tirer le meilleur parti./p>

Le double succès de Giotto
Sur près de trente ans, l’ESA a lancé seize satellites scientifiques représentant deux catégories de missions : les satellites d’apprentissage, les satellites de la phase de majorité de l’ESA, phase à partir de laquelle, les Européens se sont montrés capables de réaliser des programmes tout à fait originaux comme Géos, Giotto, IUE (International Ultraviolet Explorer), Hipparcos. La troisième phase dans laquelle se trouve aujourd’hui l’ESA, correspond à la phase de maturité. Elle est caractérisée par le programme “Horizon 2000”.

Ce fut l’occasion pour Roger Bonnet de souligner quelques résultats “qui ont montré au reste du monde que l’Europe existait aussi dans le contexte de l’exploration spatiale. La Belgique y a contribué de façon notable.”

Le double succès de la mission de la sonde cométaire européenne Giotto d’abord dans sa rencontre avec la comète de Halley le 13 mars 1986 (la rencontre du siècle), puis avec celle non prévue, au départ, avec la comète Grigg-Skjellerup, le 10 juillet dernier, en passant à moins de 200 km de son noyau, est dans toutes les mémoires.

Cette formidable odyssée dans l’exploration “in situ” du Système solaire a conduit à des résultats qui ont permis de vérifier pour la première fois qu’une comète avait un noyau relativement solide. On a pu en mesurer les propriétés physiques et la composition chimique ainsi que celles des poussières et du gaz qui s’en échappaient.

Les prouesses d’Hipparcos
Le lancement du satellite d’observation d’astrométrie Hipparcos, par une Ariane 4, le 8 août 1989, a représenté l’aboutissement de plus de quinze années d’études et de construction. Cet “arpenteur du ciel” comme il fut surnommé, avait pour mission d’établir la position de quelque 118.000 étoiles avec une très haute précision (de l’ordre de un à deux millièmes de seconde de degré : un millième de seconde de degré est l’angle sous lequel on voit un centimètre à une distance de 2.000 km, une précision de plus de mille fois supérieure à celle de l’œil nu), impossible à obtenir par les observatoires au sol à cause de l’atmosphère.

Malgré la défaillance de son moteur d’apogée qui l’empêcha de se placer sur l’orbite géostationnaire prévue, le laissant sur une orbite basse, le satellite européen parvint à remplir sa mission qui, en plus de dresser un catalogue d’étoiles, devait établir de quelle façon les étoiles se déplacent à l’intérieur de notre Galaxie et leur distance de notre propre Système solaire. Il va résulter de cette mission qui n’est pas terminée, une amélioration spectaculaire de notre connaissance de la Galaxie et des processus évolutifs des étoiles qui en font partie.

Mieux, dès janvier 1991, ce fleuron de l’Agence spatiale européenne avait déjà réussi la découverte de plusieurs centaines de nouvelles étoiles doubles et la détermination de la magnitude de plus de 30.000 étoiles avec une précision de 1/100e de magnitude.

Le Télescope spatial et Ulysse
Dans cette période de majorité, l’ESA a également contribué avec la NASA au Hubble Space Telescope (HST), le plus grand observatoire jamais envoyé dans l’espace, mis sur orbite par une navette américaine le 25 avril 1990, en fournissant les panneaux solaires et la FOC (Faint Object Camera, camera pour objets faiblement lumineux) placé à l’intérieur du télescope et qui est l’un des instruments clés de l’observation des objets faibles et de la mission du HST, mission qui est de plonger son regard quelque 15 milliards d’années en arrière et d’enregistrer les plus vieux objets cosmiques visibles comme les très lointains quasars, ce qui devrait nous aider à prévoir le destin de l’Univers.

La mesure des distances est aussi un des objectifs fondamentaux du HST qui, il y a seulement quelques semaines, a pu déterminer, de façon plus précise, l’âge de l’Univers grâce à des observations de 27 étoiles variables géantes, les céphéides, dans la lointaine galaxie spirale IC 4182. (Les céphéides constituent un élément essentiel de la calibration des distances cosmiques.) Cet âge serait supérieur à 15 milliards d’années.

Le dernier exemple est la sonde Ulysse, lancée le 6 octobre 1990 par Discovery, dont la vocation est de sortir du plan de l’écliptique (plan dans lequel tournent les planètes autour du Soleil), en utilisant l’énorme champ gravitationnel de Jupiter, (mission parfaitement remplie) pour aller observer les pôles du Soleil, mais aussi tout son environnement.

Le premier rendez-vous que nous propose la sonde Ulysse : son passage au-dessus du pôle sud du Soleil entre mai et septembre 1994.

Nous aborderons la phase de maturité de l’ESA, concrétisée par son programme “Horizon 2000”, dans ce supplément, vendredi prochain 23 octobre.

Pierre Bastin

Le programme scientifique de l’ESA (2/2) Les pierres angulaires d’Horizon 2000

Dans un premier article paru la semaine dernière, intitulé “De l’apprentissage à la majorité”, nous avons résumé la première partie d’un exposé général que fit Roger M. Bonnet, directeur du programme scientifique de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), dans le cadre du 1.011e séminaire de l’Institut d’Astrophysique de l’ Université de Liège, et à l’occasion de son élection en tant que membre correspondant de la Société royale des Sciences de Liège. Ce fut pour lui occasion de faire l’historique de l’ESA, face au bipôle soviéto-américain, de son programme scientifique, programme obligatoire de l’Agence (il ne comprend ni l’observation de la Terre comme le satellite ERS, ni le lanceur Ariane, ni les infrastructures spatiales comme Hermès et Columbus, ni les expériences en microgravité concrétisées, entre autres, par la plate-forme récupérable Eureca-1, ni les télécommunications comme le satellite Olympus, ceux-ci faisant partie du programme optionnel laissé à l’appréciation de chacun des treize pays membres de l’Agence).
Comme l’expliqua Roger Bonnet, le programme scientifique de l’ESA peut être envisagé en trois phases : la phase d’apprentissage, la phase de majorité et la phase de maturité concrétisée plus particulièrement par son programme “Horizon 2000”.

Dans notre premier article, nous avons détaillé les deux premières qui ont trait au passé (l’apprentissage) et au présent (la majorité). Programme scientifique dit satellites scientifiques. Le présent désigne ceux qui sont dans leur phase opérationnelle en orbite.

Ce fut donc l’occasion de rappeler le double succès de la sonde cométaire Giotto pour laquelle une troisième mission n’est pas tout à fait exclue, le satellite d’observation d’astrométrie Hipparcos, “arpenteur du ciel” dont l’une des missions est d’établir la position de quelque 118.000 étoiles avec une précision jamais atteinte; le HST (Hubble Space Telescope), le plus grand observatoire jamais envoyé dans l’espace pour scruter les confins de l’Univers (en collabortation avec la NASA); la sonde Ulysse dont la mission est l’observation des pôles du Soleil et de tout son environnement.

Ces quatre exemples montrent à suffisance l’originalité du programme scientifique de l’ESA. Roger Bonnet insista sur la méthode de choix particulièrement sévère des projets choisis de façon compétitive, ce qui a l’avantage d’une quasi-certitude sur le meilleur choix et le plus opportun, mais surtout sur l’avantage de les inscrire dans un programme bien conçu, par rapport à ce qui prévalut dans un premier temps : le choix de projets au coup par coup, ce qui entrainait le gaspillage de matières grises et ne permettait pas aux scientifiques, aux industriels, d’avoir une vue à long terme.

Ce programme a été formulé sur des idées des scientifiques eux-mêmes et choisi par eux lors de colloques et de séances de travail qui ont impliqué plusieurs dizaines de scientifiques, dont des scientifiques belges. Leur adhésion et leur soutien ont joué un rôle prépondérant dans les décisions de financement de ce programme par les délégués des Etats membres représentés au Conseil de l’Agence, financement représentant une augmentation du pouvoir d’achat supérieur à 50 % sur une période de 9 ans.

Rosetta
Roger Bonnet s’attacha alors à illustrer l’unicité de cette programmation de planification à long terme pour des projets considérés comme majeurs, baptisé “Horizon 2000”. Ces projets comportent des missions scientifiques ambitieuses sur lesquelles la communauté scientifique se prépare à travailler ou travaille déjà ou encore pour lesquelles elle a entrepris des recherches technologiques.

C’est par exemple le cas de la mission “Rosetta”, mission ambitieuse s’il en est, et qui consistera à aller effectuer un prélèvement de matériaux sur un noyau cométaire et de le ramener sur Terre. Rappelons-le, les comètes sont réputées pour être représentatives du stade primitif du Système solaire. Cette mission constituera un élément majeur de la science planétaire.

FIRST
La même ambition se retrouve dans la mission FIRST (Far Infrared Space Telescope, c’est-à-dire télescope spatial dans l’infrarouge lointain et le domaine submillimétrique) dont le 29e Colloque international, organisé début juillet 1990 par l’Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège, consacré à “L’astronomie submillimétrique” (domaine couvrant l’infrarouge lointain et la région submillimétrique, constituant la dernière fenêtre non explorée du spectre électromagnétique en raison de son absorption par l’atmosphère terrestre) a examiné en détail les objectifs pour les rendre compatibles avec le budget de l’ESA.

Rappelons que le spectre électromagnétique se compose d’un éventail très large de rayonnements de longueurs d’onde différentes, se propageant à la vitesse de la lumière. Les ondes radio, les plus longues (jusqu’à plusieurs centaines de mètres), sont suivies, par ordre décroissant, des ondes submillimétriques, l’infrarouge (ondes optiques) (proche, moyen, lointain), le visible (la lumière blanche), l’ultraviolet (optique), le rayonnement X et le rayonnement gamma qui couvre des longueurs d’onde du millionième de millionième de mètre. Tout objet de l’Univers rayonne de l’énergie et, plus un corps est chaud, plus il émet d’énergie et plus la longueur d’onde du rayonnement émis est courte.

Rosetta et FIRST sont deux pierres angulaires du programme “Horizon 2000” qui s’étend jusqu’en 2006. Cette perspective à long terme n’empêche pas l’Agence d’introduire de façon régulière des idées nouvelles et de tenir compte de l’opportunité de projets de vols soit chez les Russes, soit chez les Américains.

ISO
La première mission “type” du programme “Horizon 2000” est bien évidemment le satellite ISO (Infrared Space Observatory) qui se propose d’observer l’Univers froid dans l’infrarouge, dans une longueur d’onde de quelques microns à 200 microns. Il va offrir la possibilité d’observer, en détail l’Univers, des objets proches du Système solaire jusqu’aux sources extragalactiques les plus lointaines, avec une sensibilité de plusieurs centaines de fois supérieures à ce qui a pu être obtenu jusqu’à présent. Il devrait aussi être capable de percer le mystère des embryons stellaires au sein de l’opacité des nuages interstellaires et nous permettre de mieux comprendre l’évolution dynamique des étoiles et de découvrir d’éventuelles planètes autour d’autres étoiles.

Mais ISO constitue un formidable défi technologique. Il exige, en effet, l’emploi des techniques cryogéniques pour refroidir constamment, à quelques degrés du zéro absolu, tous les instruments du télescope, instruments dont les signaux, dus aux émissions thermiques de ces mêmes instruments, sont plus intenses de parfois plusieurs dizaines d’ordres de grandeur que les émissions des objets que le télescope devra observer. Il faut donc éviter absolument le risque de telles perturbations sans quoi la mission d’ISO serait compromise.

XMM
Autre satellite astronomique sur lequel les scientifiques travaillent actuellement : le satellite XMM (X-Ray Multi-Mirro) destiné à l’observation dans le rayonnement X et dans les longueurs d’onde de quelques angströms (un å vaut dix-milliardièmes de mètre, soit 10-10 mètre) à quelques fractions d’angström, c’est-à-dire avec une sensibilité 100 fois supérieure au satellite précédent Exosat.

Ce satellite a des particularités tout à fait étonnantes. Le miroir dont on va doter le télescope est constitué d’une série de tubes dont les formes sont des paraboles et des hyperboles pour permettre de réflechir la lumière en incidence rasante. En effet, dans le domaine des rayons X, la longueur d’onde de la lumière est plus petite que la séparation des atomes qui constituent le miroir. Pour être réfléchie, l’émission X doit aborder le miroir en incidence rasante pour avoir le support d’un maximum d’atomes.

XMM comprendra trois télescopes constitués chacun de 58 télescopes en incidence rasante, emboîtés les uns dans les autres. C’est, devait constater Roger Bonnet, une véritable gageure qui devrait aboutir pour la fin de cette année. XMM est destiné à l’observation d’objets très chauds et même très violents comme les quasars et certains noyaux galactiques, les étoiles à neutrons, les trous noirs.

SOHO-CLUSTER
Une autre pierre angulaire du programme “Horizon 2000” est le projet SOHO-CLUSTER (SOHO : Solar Heliospheric Observatory) qui s’inscrit dans l’étude des relations Soleil-Terre. Pris en charge par la NASA, SOHO sera consacré à l’étude du Soleil, de son activité physique interne, de la variation de la propagation d’ondes de pression, de sa composition chimique, de sa température et même de la vitesse de rotation à l’intérieur du Soleil, ce qu’on appelle l’héliosismologie, de manière à vérifier si le Soleil est conforme au modèle standard qu’on lui attribue.

Pendant ce temps, la mission CLUSTER, composée de quatre petits satellites identiques se tiendront au-dessus des pôles de la Terre, à environ une trentaine de rayons terrestres, pour étudier la magnétosphère et l’héliosphère dans les zones polaires et effectuer des mesures de ces phénomènes de physique des plasmas (plasma : stade de l’état fluide de la matière après le stade gazeux) dont la magn¢tosphère est l’objet lorsqu’elle est soumise à un flux de particules et à des variations importantes de l’activité solaire.

Cassini-Huygens
Le dernier exemple de cette unicité de ce programme de l’Agence : la mission Cassini-Huygens qui sera menée conjointement avec la NASA. L’ESA profitera du satellite Cassini pour explorer l’astmosphère de Titan, satellite de Saturne, au moyen de sa sonde Huygens. C’est le seul satellite à posséder une atmosphère et celle-ci est assez semblable à celle de notre planète, il y a quelque quatre milliards d’années. Lancée en 1997, cette sonde atteindra la surface de Titan en l’an 2005.

Les objectifs du programme scientifique de l’ESA après l’an 2000 ? Roger Bonnet les a évoqués brièvement. Parmi eux, la possibilité d’utiliser le calendrier de la Pleine Lune 2024 comme observatoire scientifique. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Cela dit, nous n’hésiterons pas à assimiler le programme scientifique de l’Agence Spatiale Européenne à cette constatation du grand philosophe rationaliste et savant mathématicien allemand Leibniz (1646-1716) (et ami du physicien et astronome hollandais Christiaan Huygens) : “Tout état présent d’une substance simple découle de son état précédent, de telle manière que son présent est gros de son futur”.

Pierre Bastin

Le programme scientifique - Horizon 2000 Plus

Aux missions du programme scientifique de l’ESA présentées dans les deux pages précédentes intitulées respectivement “De l’apprentissage à la majorité” et “Les pierre angulaires d’Horizon 2000”, il y a lieu d’ajouter la mission INTEGRAL.

INTEGRAL pour le gamma
Laboratoire international dans le rayonnement gamma, INTEGRAL (INTErnational Gamma RAy Laboratory) est spécialisé dans la spectrométrie fine et l’imagerie précise des sources célestes de rayons gamma, dans la région des 15 keV à 10 MeV. INTEGRAL a été choisi comme deuxième mission de taille moyenne du programme Horizon 2000, et son lancement aura lieu en 2001. Il relancera le rôle de l’ESA dans l’astronomie des rayons gamma, dont la mission COS-B d’il y a quelque vingt ans avait été le précurseur. Les rayons gamma mettent en évidence les phénomènes les plus violents de l’Univers, notamment les bouffées de rayons gamma qui passionnent tellement les astrophysiciens d’aujourd’hui.

Il y a aussi lieu de rappeler que le lancement de la mission Cassini-Huygens a eu lieu le 15 octobre 1997.

Cela dit, à la conférence ministérielle de Grenade de 1992, le Conseil de l’ESA avait demandé que soit échafaudé un plan dessinant des objectifs de science spatiale à mettre en œuvre au-delà du programme Horizon 2000. Les travaux menés à ce sujet ont abouti à une réunion qui s’est tenue à Rome du 29 septembre au 1er octobre 1994. Le plan arrêté à Rome concerne les domaines de l’exploration du Système solaire, de l’astronomie et de la physique fondamentale. En juin 1993, la communauté scientifique (en l’occurence, plus de 2500 chercheurs européens) avait répondu massivement à un appel aux concepts de missions et proposé quelque cent-dix idées nouvelles illustrant les tendances de la science spatiale à l’horizon du prochain millénaire et représentant les principaux domaines d’intérêt de cette communauté.

Le programme, dénommé Horizon 2000 Plus, s’étendra sur une dizaine d’années et portera sur des missions débutant en 2006. Il est conçu comme un programme à enchaînement successifs, assurant ainsi continuité et cohérence avec les objetifs d’Horizon 2000.

Dans la pratique, ce programme Horizon 2000 Plus n’a toujours pas été définitivement arrêté, d’autant que les problèmes budgétaires se font toujours plus pesants. “Comme on ne peut pas faire plus avec moins d’argent, nous allons faire différemment”. En présentant au salon du Bourget de 1997 les objetifs scientifiques de l’ESA, Roger-Maurice Bonnet, directeur des programmes scientifiques de l’Agence, a présenté un plan révisé en fonction des restrictions budgétaires.

Rosetta
En résumé, les satellites astronomiques XMM (rayon X), INTEGRAL (rayons gamma) et Rosetta (comète Wirtanen) sont confirmés pour les années 1999, 2001 et 2003.

Plus précisément, en ce qui concerne la mission cométaire Rosetta qui sera lancée en janvier 2003, il faut noter un changement de mission intervenu depuis sa présentation de 1992 (notre page “Les pierres angulaires d’Horion 2000”). Elle aura besoin de huit années pour atteindre sa cible : la Comète 46P/Wirtanen, découverte le 15 janvier 1948 à l’Observatoire de Lick de l’Université de Californie sur le mont Hamilton. C’est en 2011 qu’aura lieu son rendez-vous. L’année suivante, Rosetta se placera sur une orbite proche de la Comète Wirtanen qu’elle escortera pendant dix-sept mois riches d’observations, tandis que celle-ci se rapprochera du Soleil dont elle sera au plus proche en septembre 2013, point culminant de la mission.

Au cours du long périple de Rosetta à proximité directe du noyau de la comète, une série d’instruments de télédétection permettront de cartographier et étudier la totalité de la surface du noyau. Rosetta larguera un module d’atterrissage qui se posera à la surface de la comète pour faire une étude détaillée de sa topographie et de sa composition chimique avec la possibilité de percer la surface du noyau et de s’y déplacer à volonté.

FIRST et Planck Surveyor
Cluster 2, qui remplacera la mission perdue en 1996 avec l’échec du premier lancement d’Ariane 5, est programmmée pour l’an 2000. L’observatoire infrarouge FIRST et Planck Surveyor (origine des galaxies) seraient lancés sur un seul et même véhicule spatial en 2005. FIRST sera utilisé pour détecter les ondes longues dans l’infrarouge dans la gamme submillimétrique. Plank Surveyor doit établir une cartographie du fond cosmique dans les hyperfréquences avec une précision nettement supérieure à celle de la mission COBE de la NASA afin de mettre en évidence les agrégats de matière qui ont donné naissance aux galaxies.
De petites missions baptisées F1, F2 et F3, dont la première destinantion connue (la planète Mars en 2003) marque le degré de liberté du programme, s’inscrivent pour la première fois. Il en est de même de petites missions technologiques baptisées Smart1, 2, 3 et 4, dont l’ambition est de mettre à l’épreuve les technologies clés des futurs missions dont la propulsion hélio-électrique, perçue depuis longtemps comme un progrès plus que nécessaire des moteurs spatiaux.

Le “Next Generation Space Telescope”
Parmi les autres possibilités à l’étude, citons la participation à un projet de remplacement du télescope spatial Hubble (projet “Next Generation Space Telescope”) et des occasions de projets scientifiques associés à la Station spatiale internationale.

Un véhicule spatial qui graviterait autour de la brûlante planète Mercure, à peine explorée jusqu’ici, projetterait une lumière nouvelle sur l’histoire du Système solaire. Une mission astronomique d’interférométrie, utilisant la combinaison de deux télescopes ou plus, observerait les étoiles et les galaxies avec une meilleure précision en lumière visible ou infrarouge.

Et une forme inédite d’astronomie est promise par une ambitieuse mission d’étude des ondes gravitationnelles visant à détecter les radiations prévues dans la théorie d’Einstein sur la gravitation universelle, radiations dont on suppose qu’elles étirent et compriment l’espace lui-même.

Voilà bien de magnifiques projets scientifiques pour le prochain millénaire. Reste à espérer que le budget de l’ESA restera, lui aussi à la hauteur de ses ambitions spatiales. A dire vrai, c’est une nécessité impérieuse pour l’avenir même de l’Europe.

Pierre Bastin
Mai 1998

National Aeronautic & Space Administration

Principaux sites

L’HISTOIRE DU CONCEPT DE GRAVITATION

  1. Introduction
  2. L’époque antique et Médiévale
    2.1 La représentation du monde d’Aristote
    2.1.1 Le monde sublunaire (ou terrestre)
    2.1.2 Le monde Céleste
    2.2 Le modèle de Ptolémée
  3. Copernic (1473-1543) et Kepler (1571-1630)
    3.1 Copernic
    3.2 Tycho Brahe et Kepler
  4. Galilée (1564-1642)
    4.1 Le ciel à la lunette
    4.2 Le mouvement des corps
  5. Isaac Newton (1642-1727)
    5.1 La gravitation universelle et l’expérience de la pomme
    5.2 Les 3 lois de Newton
    5.3 La force de gravitation
    5.3.1 Masse inertielle et masse pesante
    5.3.2 Les orbites des planètes du système solaire.
    5.3.3 Equation de L’orbite
    5.3.4 Equation du mouvement
    5.4 Exercices
    5.4.1 Calcul de la vitesse de libération
    5.4.2 Distance minimum des étoiles
    5.4.3 Masse du Soleil
    5.4.4 Orbite géostationnaire
    5.5 Le retour de la comète de Halley
  6. L’avènement de la mécanique céleste et les succès de la mécanique Newtonienne
    6.1 Succès de la mécanique céleste
    6.1.1 Découverte de Neptune
    6.1.2 La forme de la Terre
    6.2 Le problème à N corps
    6.2.1 Les marées et la limite de Roche
    6.2.2 Les points de Lagrange d’une planète
    6.2.3 Les résonances
    6.2.4 Le Théorème du Viriel pour la gravitation
    6.3 L’échec de la découverte de Vulcain
  7. Albert Einstein (1879-1955)
    7.1 La relativité restreinte
    7.1.1 Contraction des longueurs
    7.1.2 Dilatation du temps
    7.1.3 Le principe fondamental de la dynamique
    7.1.4 Energie de masse
    7.2 La relativité générale
    7.2.1 Le principe d’équivalence
    7.2.2 La Métrique de l’espace-temps
    7.3 Tests de la relativité générale
    7.3.1 La courbure de la lumière
    7.3.2 La précession du périhélie de Mercure
    7.3.4 Déformation du temps dans un champ de gravitation
    7.4 Conséquences de la relativité générale à grandes échelles
    7.4.1 La topologie de l’univers
    7.4.2 Les ondes gravitationnelles
    7.4.3 Les trous noirs

La gravitation

La gravitation a toujours constitué un sujet de grand intérêt pour l’humanité. Sa nature omniprésente et “immatérielle”, presque “magique”, en est peut-être la raison profonde. Avant la révolution newtonienne, la gravitation était assimilée à une propriété intrinsèque des corps. Selon les conceptions aristotéliciennes, la nature était composée de quatre éléments fondamentaux : l’air, le feu, l’eau et la terre. Chacun de ces éléments possédaient en eux-mêmes les principes qui présidaient à leurs mouvements. Ainsi, le feu, de même essence que les astres, cherchait-il à rejoindre ses derniers ce qui lui imprimait naturellement un mouvement ascendant. A l’inverse, la terre, et tous les corps composés à partir de cet élément, tendaient-ils à se déplacer vers le sol. L’image du Monde que nous renvoie la philosophie d’Aristote et de ses prédécesseurs est celle d’un univers hiérarchisé, constitué de niveaux de perfection croissants, allant de l’imperfection (la Terre) à la perfection absolue des Dieux (les astres). Dans cette vision du monde en forme de pelures d’oignon concentriques, la Terre occupait donc nécessairement la position centrale.

La mécanique newtonienne et classique a jeté un éclairage rationnel sur la gravitation, l’intégrant au grand édifice des lois de la nature. La gravitaiton y jouissait même du statut de loi universelle. A l’aide d’une formule très simple, l’Homme pouvait dès lors calculer la trajectoire des planètes et bientôt celle des satellites artificiels. Cependant, les bouleversements qui ont frappé la physique du XXième siècle - la relativité et la mécanique quantique - n’ont pas épargné notre vision et notre compréhension du phénomène gravitationnel. De force universelle, la gravitation a été “reléguée” à une simple manifestation de la courbure d’un espace-temps relativiste “élastique” pour finalement se dissoudre dans les incertitudes et l’indéterminisme de la physique quantique. Aujourd’hui, trois siècles après la publication des Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (Principes mathématiques de philosophie naturelle) de Newton, il est tout à fait légitime de se poser la question de la nature profonde de la gravitation. Après tout ce chemin parcouru par l’aventure scientifique, cette question revient avec encore plus de résonnance : qu’est-ce que la gravitation ?

Je n’ai pas l’ambition de répondre à cette question mais plutôt celle de tenter de décrire le plus simplement possible les idées maîtresses qui ont guidé le parcours des sciences sur ce sujet. Le découpage que j’ai adopté pour cette présentation ne fait pas preuve d’une grande originalité. Il comprend quatre parties :

  1. La gravité selon Newton
  2. La gravité selon Einstein
  3. La gravité quantique
  4. Conclusion

Visitez mes pages d’introduction à la mécanique classique. Cliquez ici.
Pour en savoir plus :
Une histoire de la gravitation (en français)
Bibliothèque du Centre Européen de Recherches Nucléaires (CERN) à Genève
Archives du Los Alamos National Laboratory (LANL)
Introduction à la cosmologie (université de Cambridge, UK)
Quantum Theories and Gravitation Group (QTGG) à Buenos Aires
Le “Net Advance of Physics” : base de données d’articles avancés sur la physique
Particles, Special Relativity and Quantum Mechanics collection d’articles sur les paradoxes soulevés par la physique moderne
Présentation des concepts de la cosmologie moderne par l’université de Cambridge (UK)

Observatoires et Instituts de France

Les Observatoires

Instituts, Centres et Laboratoires

Observatoires et Instituts au Québec

Observatoires et Instituts dans le monde

Quelques observatoires importants

Quelques observatoires de radio astronomie

Missions spatiales

L’univers ultraviolet - Le riche héritage d’IUE

Du 11 au 14 novembre 1997, la cite espagnole de Séville a accueilli la conférence scientifique qui a constitué le point d’orgue de vingt ans d’exploitation d’IUE, satellite international d’exploration dans l’ultraviolet (de son nom anglais: International Ultraviolet Explorer). Dans le numéro de décembre 1996 de notre bulletin , nous avons déjà publié un premier bilan des “moissons d’IUE” récoltées tout au long de son épopée dans l’ultraviolet.

Des astronomes du monde entier ont passe en revue les résultats absolument exceptionnels de cette mission. A cette occasion, l’équipe du projet a présenté à la communauté scientifique les archives définitives qu’elle a constituées en retraitant l’ensemble des observations réalisées. La mine de données ainsi mise a la disposition des astronomes leur permettra de faire de nouvelles découvertes dans les années a venir.

Le satellite IUE a battu tous les records de longévité et surtout de productivité de l’histoire de l’astronomie spatiale. Projet réalise en commun par l’ESA, la NASA et le Royaume-Uni, IUE a été mis sur orbite le 26 janvier 1978 pour une mission qui devait durer trois ans. Dix huit ans et sept mois plus tard, il fonctionnait encore vingt-quatre heures sur vingt-quatre et continuait à engranger des données d’un grand intérêt pour les astronomes. Les dernières observations ont été réalisées le 26 septembre 1996 à partir de la station sol de l’ESA à Villafranca (Espagne); quatre jours plus tard, le satellite était désactive.

Depuis lors, les équipes de Villafranca et du Centre spatial Goddard de la NASA ont retraité, grâce aux technologies de l’information et aux moyens de traitement les plus récents, 100.000 spectres ultraviolets de comètes, de planètes, d’étoiles, de galaxies et de quasars, recueillis par le satellite tout au long de sa mission. Les archives définitives d’IUE sont d’ores et déjà accessibles sur Internet pour les centaines d’utilisateurs qui en ont fait la demande. Les derniers éléments (environ 2% du total des données) seront intégrés d’ici fin novembre. L’ESA a présenté également à Séville un système très convivial de consultation, de sélection et de distribution de produits de données qu’elle a dénomme INES (pour IUE Newly Extracted Spectra).

Les archives définitives d’IUE sont le troisième ensemble de données majeur que l’ESA propose depuis le début de l’année à la communauté internationale des astronomes. Début 1997, l’Agence avait déjà diffusé les catalogues Hipparcos et Tycho, qui contiennent les données d’astrométrie d’une précision inégalée enregistrées par son satellite Hipparcos.

“L’astronomie spatiale a donné l’exemple en livrant des données d’une qualité exceptionnelle et en mettant ses archives à la disposition de la communauté scientifique”, affirme Roger Bonnet directeur du Programme scientifique de l’ESA. “Aujourd’hui, les observatoires au sol en font autant. Les données léguées par IUE seront communiquées aux chercheurs de façon à ce qu’ils puissent continuer à les exploiter longtemps après la mise hors service du satellite.”

La spectroscopie dans l’ultraviolet

IUE a analysé l’univers ultraviolet dans les longueurs d’onde comprises entre 1150 et 3200 angströms, qui ne peuvent franchir l’atmosphère terrestre.

De son poste d’observation au-dessus de l’atmosphère, IUE a enregistré des spectres faisant apparaître l’intensité du rayonnement émis à différentes longueurs d’onde par des objets célestes prédéfinis. Pour un astrophysicien, les spectres en disent beaucoup plus long que les images sur les mécanismes qui génèrent et dissipent l’énergie des objets. Un spectre UV donne en effet des indications sur les paramètres tels que température, mouvement, magnétisme et composition chimique.

Les astronomes ont donc obtenu avec IUE une bien meilleure image des atmosphères brûlantes des étoiles. Même l’atmosphère très chaude du Soleil, étoile calme de taille moyenne dont le comportement est maintenant suivi en permanence par le satellite SOHO de l’ESA et de la NASA, émet dans l’ultraviolet. Les surfaces brûlantes d’autres étoiles, allant des petites naines blanches aux étoiles massives, émettent elles aussi dans ces longueurs d’onde. Les gaz stellaires, violents et à haute température, affectent profondément le comportement de l’environnement des étoiles et des compagnons qui se situent sur leur trajectoire. IUE a jeté un éclairage nouveau sur le comportement d’un vaste ensemble d’étoiles de types différents, au point que les astrophysiciens seront peut-être amenés à réviser radicalement certaines de leurs hypothèses.

D’autres participants se sont penchés sur la contribution d’IUE à l’étude des galaxies. En effet, celles-ci témoignent également d’une activité très fébrile dans l’ultraviolet. Lors d’une campagne spéciale, une équipe internationale a fait appel à IUE pour observer environ soixante fois en l’espace de huit mois la très violente galaxie NGC 5548.

Ces observations ont permis de découvrir les phénomènes provoques, à l’échelle de plusieurs semaines, par des éruptions se propageant du noyau brûlant de la galaxie vers des régions adjacentes moins chaudes. Pour ce qui est de la galaxie NGC 7469, observée simultanément par IUE et par le satellite Rossi XTE fonctionnant dans le rayonnement X, cette échelle de temps n’a été que de quelques jours.

Les quasars sont des galaxies éruptives très éloignées. Leur observation dans l’ultraviolet par IUE et, récemment par Hubble, apporte quelques renseignements particuliers sur la nature des gaz présents dans l’espace intergalactique quasiment vide ainsi que sur la formation des éléments chimiques au sein des galaxies. Les études de quasars occupent d’ores et déjà une place importante dans la compréhension de la nature et de l’évolution de l’Univers au sens large.

Les données recueillies dans l’ultraviolet sur la formation des éléments laissent entendre qu’il y avait beaucoup plus d’étoiles massives, nettement plus grandes que le Soleil, au temps où les galaxies étaient jeunes.

Les avantages d’une longévité

La longévité d’IUE a permis aux astronomes de réexaminer de nombreux objets sur une période de presque vingt ans et de les voir évoluer. L’étude prolongée du trou noir de 3C390.3 en est la parfaite illustration.

La supernova 1987A illustre elle aussi de façon très éloquente les avantages d’une mission de longue durée. A mi parcours de la mission d’IUE, son explosion a été observée dans le Grand Nuage de Magellan, galaxie voisine de la notre, et IUE a été le premier télescope à avoir été pointé vers cette supernova. Il a permis d’identifier avec précision l’étoile qui avait explose ainsi que les éléments chimiques présents dans ses débris, mettant aussi en évidence un anneau de gaz et de poussières préexistant autour de l’étoile. Pendant les neuf années qui suivent, IUE a de nouveau observé 1987A à plusieurs reprises, ce qui a permis, d’analyser comme jamais auparavant l’évolution initiale des restes d’une supernova. Des explosions d’étoiles moins spectaculaires, les novae, ont elles aussi été souvent retenues comme cibles occasionnelles pour les observations d’IUE.

A l’occasion du retour de la Comète de Halley en 1985-1986, IUE a mesuré la vitesse à laquelle cet objet spectaculaire éjectait de la vapeur d’eau dans l’espace. Mais d’autres comètes, venues par surprise, ont également été dans la ligne de mire d’IUE, de Sergeant en 1978 à Hale-Bopp en 1986. Les astronomes ont brossé un tableau détaillé des comètes observées dans l’ultraviolet à différents stades de leur évolution et à des distances différentes du Soleil, tableau qui leur a beaucoup appris sur la façon dont ces objets réagissent et se transforment lors de leurs rares passages au voisinage du Soleil et de la Terre. IUE a vécu suffisamment longtemps pour avoir la chance d’observer des événements rares. Il comptait plus de seize ans de bons et loyaux services lorsque la comète Shoemaker-Levy a percuté Jupiter en juillet 1994. La collision ayant été prévue longtemps à l’avance, IUE a pu observer Jupiter dans son état normal, puis enregistrer les changements survenus dans son spectre UV pendant et après les impacts des fragments de la comète.

Le “choucou” des astronomes

IUE a été la source de résultats opérationnels et scientifiques remarquables. Ses observations ont déjà donne lieu à plus de 3600 articles scientifiques, publiés par plus de 3000 astronomes de 25 pays. A cela s’ajoutent quelque 500 thèses de doctorat témoignant de l’intérêt porte à cette mission dans les universités du monde entier. Les astronomes amateurs ont également affiché beaucoup d’enthousiasme pour IUE, qui leur a permis de nouer des relations très précieuses avec des astronomes professionnels.

“Bien qu’IUE n’ait jamais suscité le même engouement que le télescope Hubble, il a toujours été le chouchou des astronomes professionnels”, fait remarquer Willem Wamstecker, astronome néerlandais responsable du projet IUE a l’ESA. “Les astronomes ont pu se rendre à Villafranca ou au centre Goddard pour superviser les opérations comme s’ils s’étaient trouvés dans un observatoire au sol. Vers la fin de sa mission, ils ont même pu conduire leurs observations a distance, sans quitter leurs laboratoires. Il y a fort à parier que les historiens de l’astronomie verront dans IUE le symbole d’un grand changement dans les pratiques de la profession. Avec IUE, les observatoires spatiaux sont passés du stade de l’outil réserve à quelques spécialistes high-tech à celui d’instrument accessible à l’ensemble des astronomes.”

La conférence de Séville qui s’est terminée par un passage en revue des perspectives à venir dans le domaine de l’astronomie ultraviolette. Le Télescope spatial Hubble et certaines missions de la Navette américaine offrent des occasions limitées en matière de spectroscopie UV. C’est également le cas pour la mission XMM dans le rayonnement X, de l’ESA. La seule mission confirmée qui soit spécifiquement consacrée à l’astronomie dans ultraviolette est celle du satellite FUSE de la NASA, de portée et de durée toutefois limitée, dont le lancement est prévu en 2000.

Avec l’expérience d’IUE, les astronomes des pays en développement sont convaincus qu’ils pourront eux aussi participer à des observations spatiales sans quitter leur pays. L’ESA a contribué à encourager ces ambitions. La question de la création d’un Observatoire spatial mondial, recommandée lors d’un atelier ONU/ESA organisé en 1996 au Sri Lanka, a été évoqué à Séville dans le contexte des futurs moyens de l’astronomie UV envisageables pour l’avenir.

Entre-temps, il sera difficile de trouver un remplaçant à IUE. Aucune des missions approuvées à venir ne réunira les deux avantages que sont un large domaine spectral et une grande souplesse d’opérations. Les données d’IUE font déjà défaut aux campagnes d’astronomie actuelles, qu’il s’agisse de l’étude des aurores planétaires ou de l’analyse des mystérieux et spectaculaires sursauts gamma dans l’Univers lointain. Toutefois, loin d’être négative, la perte éprouvée par les astronomes est un hommage au satellite qui a dominé, presque vingt ans durant, l’astronomie dans l’ultraviolet.

Pierre Bastin

ISO

Le satellite ISO en test au Centre spatial de Liège - Le don de l’absolu

Dans moins de quatre mois, les Européens disposeront d’un instrument unique, le second du genre dans l’histoire de l’astrophysique spatiale, pour l’étude des sources " cachées " de l’Univers et, peut-être, la découverte de naissances d’étoiles. ISO, satellite d’astronomie de l’Agence spatiale européenne (ESA), est enfin prêt pour son lancement, malgré " les défis scientifiques et techniques extrêmement difficiles " qu’il a pu poser, selon l’expression même de Roger-Maurice Bonnet, directeur scientifique de l’Agence. Fin mai, il était en partance pour la Guyane française. Son lancement par une Ariane IV (44P-vol V80), à partir du deuxième ensemble de lancement Ariane (ELA2) sur le site du Centre spatial européen à Kourou, est maintenant prévu, par priorité, aux environs du 20 octobre prochain, la fenêtre de tir étant suffisamment large.

ISO sera placé sur une orbite terrestre très elliptique ayant une période de 24 heures, avec un périgée
de 1 000 km et un apogée de 70 500 km. Il passera environ seize heures par jour à l’extérieur des ceintures de protons et d’électrons captifs qui entourent la Terre, pendant lesquelles les instruments scientifiques pourront fonctionner à leur maximum de sensibilité. Un système complexe de commande d’orientation pointera le satellite avec une très grande précision et empêchera qu’il soit pointé vers le Soleil ou la Terre. Précaution supplémentaire, un pare-soleil a été prévu pour protéger l’optique de leur rayonnement.

Le rouge au frais
La toise et la balance nous le précisent: 5 mètres de hauteur, 2,5 mètres de largeur et 2,4 tonnes au décollage. Ce sont les principales mensurations d’ISO, joyau de la haute technologie européenne et première mission " type " du programme " Horizon 2 000 " de l’Agence spatiale.

Pourquoi spécifier que la masse du satellite est de 2,4 tonnes au lancement? Cela veut-il dire qu’il est prévu pour lui un nombre important de corrections d’orbite et qu’il est chargé du carburant nécessaire en conséquence? La raison est autre. Certes, ISO est un satellite d’astrométrie. Mais il est beaucoup plus que cela.

Son nom nous rappelle aussi bien la nouvelle unité de sensibilité des émulsions photographiques que le préfixe issu du mot grec " isos " signifiant " égal ". En fait, ISO est le diminutif de " Infrared Space Observatory " (laboratoire spatial pour l’infrarouge). Il est bien un télescope spatial qui se propose d’observer l’Univers froid dans l’infrarouge, dans une longueur d’onde de quelques microns à 200 microns.

Rappelons que seuls des observatoires spatiaux peuvent permettre l’exploration céleste dans les longueurs d’ondes situées entre le visible et les ondes radio, l’atmosphère terrestre empêchant quasiment toute observation au sol.

Il va offrir la possibilité d’observer en détail l’Univers, des objets proches du Système solaire jusqu’aux sources extragalactiques les plus lointaines, avec une sensibilité de plusieurs centaines de fois supérieures à ce qui a pu être obtenu jusqu’à présent. Les missions spécifiques de cet instrument qui va ouvrir une nouvelle fenêtre sur l’Univers feront l’objet d’un second article que nos lecteurs trouveront dans un prochain numéro du " Le Ciel ".

Pour observer le " froid ", le télescope d’ISO doit être refroidi constamment à quelques degrés du zéro absolu. D’où l’utilisation de 2 400 litres d’hélium liquide, en lente " ébullition ". Tant que durera son évaporation dans l’espace, cet hélium réfrigérant maintiendra le télescope et ses instruments dans les conditions de fonctionnement requises, leur assurant une durée de vie de 18 mois.

C’est peu et c’est beaucoup par rapport aux performances réalisées par le satellite IRAS dont il prend le relais. En 1983, pour la première fois et pendant 10 mois, IRAS (Infra-Red Astronomy Satellite) a exploré le ciel et révélé plus de 200 000 sources infrarouges jusqu’alors inconnues.

Donc, contrairement à l’art de la dégustation du vin qui veut que l’on apprécie la suavité d’un Chambolle-Musigny ou le velouté d’un Château-Pétrus des meilleures années à une température voisine des 17° C, en astronomie, c’est le rouge qu’il faut mettre au frais!

Après Giotto, Hipparcos et les autres
ISO, c’est aussi le plus gros projet que le Centre Spatial de Liège (ex-IAL SPACE) aura eu à tester jusqu’à présent, que ce soit au niveau investissement en personnel qu’au niveau financier. ISO a également fait entrer le CSL dans un domaine encore bien peu maîtrisé, celui du froid absolu.

Facilité coordonnée de l’Agence spatiale européenne, ce Centre de recherche de l’Université de Liège a pourtant déjà eu de gros " morceaux " à mettre sous la dent de son savoir-faire, comme, par exemple, le satellite d’astrométrie Hipparcos, autre fleuron du programme scientifique de l’ESA, lancé le 9 août 1989 et dont la mission s’est achevée le 15 août 1993 après avoir rempli tous les objectifs qui lui avaient été assignés.
Les résultats de cette mission sont attendus pour l’année prochaine. Selon les termes d’une note publiée par l’ESA à l’issue de cette moisson, " les résultats obtenus par Hipparcos marqueront une étape décisive pour la connaissance de la structure et de l’évolution de notre galaxie et seront un héritage sans prix pour les futures générations d’astronomes ".

Il y a encore la caméra pour objets faibles du Télescope spatial Humble (Humble Space Telescope), mis sur orbite en 1990. Bien avant, on trouve la caméra de la sonde cométaire Giotto qui nous donna les premières images au monde d’un noyau de comète, celui de la célèbre comète de Halley lors du fameux rendez-vous dans la nuit du 13 au 14 mars 1986.

Aujourd’hui chef de Département au CSL, Antonio Cucchiaro fut le responsable des essais d’étalonnage et des essais de simulation au sol de l’approche de la sonde par rapport à la comète de Halley. Nous le retrouvons " test-directeur " du programme ISO. C’est bien sûr à lui que nous nous sommes adressé pour faire le point sur la contribution liégeoise au programme ISO, contribution qui, comme on va pouvoir s’en rendre compte, relève aussi du défi scientifique le plus haut et nous introduit dans le domaine passionnant mais encore bien peu maîtrisé qu’est celui du froid absolu.

Glaciation au CSL
C’est ainsi que le CSL a vécu son " ère de glaciation ". Allons-y voir d’un peu plus près. Le satellite ISO comporte trois parties: les panneaux solaires, le module de service (système de télémétrie, les batteries, le gyroscope de stabilisation, etc.), et le module dit de la charge utile, celui qui contient les instruments scientifiques.

Ces instruments sont: un télescope du type Ritchey-Chrétien doté d’un miroir primaire d’une focale de 9 m et d’une ouverture de 60 cm de diamètre (silice allégé pourvu d’un revêtement d’or), quatre instruments montés sous le miroir primaire: une caméra (ISOCAM), un photopolarimètre (ISOPHOT), un spectromètre de courtes longueurs d’onde (SWS) et un spectromètre de grandes longueurs d’onde (LWS). Compte tenu de leur technicité très poussée, ces instruments auront un rendement jamais atteint jusqu’à maintenant.

Pour éviter le rayonnement infrarouge parasite émis par ses propres instruments ultrasensibles, rayonnement qui aurait pour conséquence de perturber les mesures réalisées par le télescope, (le télescope comme tout autre objet émet de l’infrarouge), il a fallu recourir aux techniques cryogéniques de manière à maintenir, de façon constante, la température de la charge utile d’ISO à quelques degrés du zéro absolu, dès qu’il sera en orbite. C’est la raison pour laquelle, l’ensemble de la charge utile a été placée dans un cryostat de 2,3 m de diamètre et d’une masse de 1,5 tonne, sorte de grand Thermos de 2 200 litres d’hélium superfluide à 3° K, c’est-à-dire à la température extrême de -270° C, quasiment la plus basse que l’on puisse atteindre dans la pratique.

Les concepteurs ont également été confrontés à la difficulté d’obtenir à l’intérieur du cryostat un degré d’obscurité encore plus poussé que dans la région la plus obscure de l’Univers, afin d’éviter de perturber les mesures effectuées par le télescope qui doit présenter une très haute précision et la plus grande stabilité quelles que soient les circonstances.

Cela revient à dire que la mission du CSL fut de caractériser ( calibrer, étalonner, certifier) ce même ensemble dans les mêmes conditions, ou dans des conditions de température aussi proches que possible de celles qui seront les siennes en orbite. Etant donné la taille du télescope, cette condition impérative a nécessité le développement d’un certain nombre de technologies peu courantes, voire uniques, de très haut niveau, tels des senseurs thermiques à très basses température.

Comme tient à le préciser Antonio Cucchiaro, ces recherches ont pu être menées à bien grâce à l’aide du Laboratoire des basses températures de l’Université de Liège et à la collaboration précieuse de Robert Blanpain, chargé de cours associé honoraire de notre Alma Mater.

Le génie du quartz
L’ensemble de l’infrastructure de test a dû être créé et, ensuite réalisé, en partie en sous-traitance, par un certain nombre de PME liégeoises, comme Amos, La Précision liégeoise, Britte, Les Ateliers de la Meuse. Cet ensemble a dû, lui aussi, être certifié avant son utilisation.

" En fait, explique Antonio Cucchiaro, quand on assemble ce type de télescope, c’est à température ambiante, parce qu’on ne peut intervenir quand il est à -270°. Une modélisation est donc nécessaire pour la bonne raison que la structure bouge en fonction de la température à laquelle elle est soumise. Il faut donc vérifier que l’agencement de départ conduit bien à son bon agencement pour la température à laquelle il devra fonctionner en vol. C’est la condition essentielle pour obtenir une image de qualité exceptionnelle. "

Il est un autre défi dont le Centre Spatial de Liège s’est acquitté avec la plus parfaite maîtrise. Placé dans le caisson de simulation spatiale Focal 5, le télescope qui devait être testé lui aussi à des températures cryogéniques, reposait sur un support qui lui, par contre, devait rester à température ambiante et parfaitement stable.

" Nous avons imaginé, poursuit Antonio Cucchiaro, des interfaces mécaniques pour empêcher des fuites thermiques. Il s’agit d’une conception tout à fait originale, qui a fait l’objet de plusieurs publications, et qui fait appel à des supports en quartz. Cela n’était pas évident, car il a fallu vaincre un autre problème de taille, celui de la fragilité. Imaginez un système pesant 150 kg, reposant sur des tubes en quartz de 1,5 mm d’épaisseur, d’un diamètre de 16 cm… ".

Une haleine de trop
Autre défi tout aussi essentiel: éviter durant les tests et leurs préparatifs la contamination particulaire ou moléculaire des miroirs du télescope qu’une simple respiration humaine peut rendre à jamais inutilisable.

Comme nous l’a expliqué le " test-directeur " du CSL, " il était impératif de travailler dans ce qu’on appelle un environnement de classe 100, c’est-à-dire dans un environnement 100 fois plus propre en particules que celui habituel de la chambre blanche où se trouve Focal 5, et 10 000 fois plus propre que l’environnement d’un bureau qui est de classe 3 à 4 millions! Ce n’est pas facile à imaginer. Cet impératif a exigé une méthode et une philosophie de travail d’une rigueur extrême. "

Cet ensemble de défis dont les essais de qualifications optiques aux températures cryogéniques menés à bien par le Centre spatial de Liège constitue véritablement une grande première européenne qui ne peut que susciter notre admiration.

A Liège, le programme ISO a démarré en 1988, il y a donc sept ans. Il s’est terminé avec le plus grand succès le mardi 6 juillet 1993 par le dernier test du modèle de vol du télescope. Le CSL a d’abord procédé à des tests d’identité séparée: le miroir primaire seul, le miroir primaire sur sa structure métallique, puis l’ensemble du télescope sans ses expériences scientifiques, puis l’ensemble du télescope avec toutes ses expériences.

Cela représente quelque 15 000 heures de travail par an, pour les scientifiques et pour les techniciens liégeois. L’équipe de base comportait six à sept scientifiques et trois ou quatre techniciens. Cette équipe avait en charge la préparation des tests, la conception des instruments de test, leur réalisation, leur suivi quand le travail était sous-contracté.

En période de tests, c’est la moitié des effectifs du CSL, soit 22, 23 personnes, qui fut mobilisée, pour la bonne raison qu’un test se poursuit non-stop, jour et nuit, du début à la fin. Au niveau budgétaire, on peut estimer qu’un test représente un coût d’une dizaine de millions de francs belges. Si l’on comprend le matériel de tests, l’enveloppe globale est de l’ordre de 400 millions. Ce n’est pas négligeable, même en face du budget total consenti par l’ESA et l’ensemble de ses membres, soit quelque 20 milliards de francs belges. Il n’est pas inutile de le rappeler, le programme scientifique fait partie des programmes obligatoires de l’Agence.

L’excellence en cryogénie
ISO sera le seul satellite d’observation scientifique dans l’infrarouge fonctionnant en orbite pendant les dix prochaines années au moins, voire plus. En effet, la réalisation du projet américain similaire, le SIRTF (Space Infra-Red Telescope Facility) a été repoussée sine die, faute de crédits.

C’est non sans quelque fierté amplement justifiée que le CSL a quitté son " ère de glaciation ". A présent, il prépare l’arrivée toute prochaine du télescope du satellite astronomique XMM (X-RAY MULTI-MIRRO), deuxième " pierre angulaire " du programme scientifique " Horizon 2 000 " de l’ESA.

Destiné à l’observation dans le rayonnement X, XMM va donc s’intéresser aux objets très chauds, violents, voire cataclysmiques, comme les quasars et certains noyaux galactiques, les étoiles à neutrons, les trous noirs. Le CSL va passer au torride. Nous y reviendrons.

Grâce à ISO, il lui reste l’expérience acquise dans le domaine de la cryogénie. Le Centre liégeois poursuit actuellement un programme de recherche fondamentale pour la mise au point de détecteurs à 0,3° Kelvin (-272,80 C) destinés à réaliser de futurs tests spatiaux pour le compte de l’ESA.

En cryogénie aussi, le Centre spatial de Liège est devenu un centre d’excellence.

Le don de l’absolu.

Pierre Bastin

Missions liégeoises sur ISO

Dix-huit mois de vie pour un observatoire spatial infrarouge, c’est un fameux défi. Il n’en reste pas moins vrai que c’est très peu de temps par rapport à tout ce qui mérite d’être étudié, à la moisson espérée et attendue. Ainsi, pas une minute d’observation ne devra être laissée au hasard.

Dans ce domaine, rien non plus n’a été simple. Les projets d’observations se sont bousculés au portillon. Près des cinquante pour cent du temps d’observations d’ISO, dit " temps garanti " sont réservés aux astronomes associés à la construction et à l’exploitation de l’installation du télescope, c’est-à-dire qui ont passé quelques années de leur vie à le mettre au point, au moins dans un de ses composants. Ces observations ont été réunies dans un programme central, cohérent, couvrant tous les domaines majeurs de l’astronomie (voir l’article principal qui précède).

Le reste, c’est-à-dire plus de la moitié du temps d’observation d’ISO (le temps dit " disponible ") est offert aux astronomes des Etats membres de l’ESA, du Japon et des Etats-Unis sur une base concurrentielle.

Une sélection pointue
Pour cette seconde partie, l’Agence Spatiale Européenne a ainsi reçu quelque 1.000 propositions portant sur plus de 30.000 observations, soit quatre fois plus environ que le satellite ne peut en offrir. L’Agence a dû avoir recours à des comités d’experts chargés d’effectuer les meilleurs choix possibles en fonction de critères extrêmement rigoureux: intérêt intrinsèque, faisabilité en fonction de la trajectoire du satellite, des possibilités de ses instruments scientifiques, en fonction de la durée fatalement limitée des observations.

Un quart des observations proposées a été retenu. Un dixième seulement sera assuré d’être réalisé. Ce sont les propositions qui sont considérées comme indispensables et qui devront être faites en priorité.

Cela dit, les experts ont prévu deux fois plus d’observations qu’il ne sera possible de faire, de manière à en avoir de réserve pour le cas où le satellite vivrait un peu plus longtemps que prévu. De plus, un instrument pouvant se dégrader pour une raison ou une autre, il faudra être en mesure, à tout moment, de pouvoir remplacer les observations qu’il devait assurer par d’autres projets.

L’obligation de faire face à toutes ces éventualités n’a rendu la sélection que plus pointue. Elle donne une auréole supplémentaire aux projets retenus. Cela mérite d’autant plus d’être souligné que deux projets liégeois se retrouvent parmi les élus! Ainsi, un jeune astrophysicien liégeois, Damien Hutsemékers, a vu ses projets de mission acceptés par le comité de sélection.

Observer les poussières
Actuellement chercheur qualifié FNRS, Damien Hutsemékers travaille depuis une dizaine d’années au sein du prestigieux Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège. Attaché à l’Equipe de Recherche extragalactique (mirages gravitationnels et quasars), il s’est également intéressé aux étoiles massives, donc très lumineuses. Certaines ont une masse initiale qui peut atteindre 60 à 80 fois celle du Soleil. Ces étoiles massives laissent échapper en permanence de la matière dans l’espace. C’est dans ce cadre qu’il a introduit deux demandes de mission totalisant une dizaine d’heures sur ISO.

" L’intérêt de l’infrarouge dans l’espace, explique-t-il, c’est justement de pouvoir étudier ce rayonnement qui n’est pas visible depuis la Terre du fait de son absorption par l’atmosphère. En ce qui me concerne, c’est la possibilité d’observer la poussière que l’on retrouve partout dans l’Univers.

Cette poussière comporte de fines particules solides de silicate, ou de graphite dont les dimensions sont inférieures au micron (un millionième de mètre ou 0,000 001 mètre), mais c’est forcément un mélange de compositions et de tailles. Elle ne se forme qu’à une certaine distance des étoiles, là où les températures sont suffisamment basses. Très loin de l’étoile, elles rayonnent l’énergie stellaire absorbée dans l’infrarouge lointain, c’est-à-dire dans le domaine d’observation accessible aux instruments d’ISO.

Le premier programme d’observation que j’ai proposé est justement de pouvoir observer les poussières froides autour d’étoiles très massives, telles qu’il s’en trouve dans notre galaxie voisine le Grand Nuage de Magellan.

ISO va me permettre de faire des observations avec une plus grande sensibilité et une meilleure résolution spatiale et donc d’étudier plus loin, dans une autre galaxie, des objets qui n’étaient auparavant observables que dans notre Galaxie. "

L’intérêt de telles observations est évident. En effet, si les poussières observées autour d’une étoile ont été éjectées par elle, si elles en sont donc des résidus, leur analyse permettra de connaître les propriétés de cette même étoile, de préciser son évolution et les mécanismes à l’origine de ses éjections.

" Les étoiles massives, précise Damien Hutsemékers, depuis leur naissance jusqu’à leur mort, éjectent de la matière, un peu plus à certains moments, un peu moins à d’autres, selon les étapes successives de leur vie. Quand elles ont brûlé tout leur hydrogène, il se passe un changement dans leur évolution, et, à ce moment-là, on va observer des éjections de matière beaucoup plus intenses, plus violentes. "

Tester la nucléosynthèse

Il faut préciser qu’il est d’ailleurs possible que certaines observations ne se fassent jamais dans la mesure où il existe pour le satellite des fenêtres de visibilité. Suivant le moment où il sera lancé, certaines parties du ciel ne pourront jamais être observées. Deux périodes de lancement ont été retenues, celle de septembre-octobre 95 et celle de mars-avril 96. Nous avons été obligés de faire des propositions d’observations pour ces deux dates, sachant que l’une d’entre elles ne servira jamais. C’est plus complexe qu’il n’y paraît. "

C’est pour ces mêmes raisons que Damien Hutsemékers a proposé et a obtenu un second projet d’observation. Modeste, il reste plus discret à son sujet. Il est vrai que la priorité de cette seconde mission est plus faible et qu’elle a donc moins de chance d’être réalisée. Cette mission concerne l’observation spectrale des étoiles massives. Cette recherche permettrait une analyse de l’abondance des éléments, là où le vent stellaire a atteint sa vitesse terminale, et ainsi de tester la nucléosynthèse ( ensemble des processus qui conduisent à l’apparition des éléments chimiques constituant la matière de l’Univers) à l’intérieur de l’étoile même.

Et l’astrophysicien liégeois de souligner avec enthousiasme: " Le fait d’étudier ce qu’il y a à l’extérieur de l’étoile, sachant que cela a été formé à l’intérieur puis éjecté à un moment donné, cela nous permet réellement de retracer la vie de l’étoile, de mieux comprendre son fonctionnement et, peut-être, de découvrir des choses tout à fait étonnantes. "

Des retombées immédiates
Quant aux retombées possibles, il est évidemment trop tôt pour les évoquer. C’est aussi un autre sujet. Le tout dépendra bien évidemment de la réalisation complète ou partielle de la mission liégeoise. Si résultats il y a, ils auront des retombées immédiates, tant pour Damien Hutsemékers que pour notre Institut d’Astrophysique. Les données obtenues après dépouillement seront l’occasion de nouvelles études, d’effectuer des travaux avec des étudiants, éventuellement dans le cadre de mémoires, de thèses de doctorat.

Il est clair aussi que l’expérience acquise durant cette première mission peut permettre plus tard à notre jeune astrophysicien de concevoir ou de participer à la construction d’un autre instrument et ainsi d’obtenir du temps garanti sur une mission spatiale future.

A l’Institut d’Astrophysique de Liège, rien ne se perd et tout se gagne.

Pierre Bastin

Chronique de naissances annoncées - Orion appelle ISO

"Le télescope spatial Hubble (HST) a donné les premières images détaillées des phénomènes violents accompagnant la formation d’une étoile. Ces observations donnent une idée de ce qui s’est passé lorsque le Soleil est né il y a 4,5 milliards d’années, et confirment les théories actuelles. La Terre et les autres planètes de notre système se sont condensées au sein d’un disque “circumstellaire” qui tournait autour du (futur) Soleil - ce qui permet d’expliquer pourquoi leurs orbites sont approximativement dans un même plan (l’écliptique), et pourquoi elles tournent dans le même sens. Selon cette théorie, lorsque le Soleil s’est “allumé”, son puissant rayonnement a rapidement éjecté les restes du disque circumstellaire, laissant planètes, astéroïdes et autres comètes à leurs ballets respectifs. "

Le numéro de juin de notre bulletin " Le Ciel " annonçait cette formidable nouvelle reprise par la revue " Pour la Science " dans son numéro du mois d’août sous le titre " Naissance d’une étoile ". On peut lire, sous la plume d’Eric Gourgoulhon (Observatoire de Meudon, Darc): " A l’aide du télescope spatial Hubble, des chercheurs du Space Télescope Science Institute et de l’Agence spatiale européenne ont confirmé ce modèle de la naissance des étoiles et des planètes. Ils ont en effet mis en évidence le disque de poussières qui entoure l’étoile en formation appelée Herbig-Haro 30. Cette proto-étoile est située à 450 années-lumière de nous dans la constellation du Taureau; elle était connue auparavant comme une petite nébulosité filiforme que l’on interprétait comme un jet de matière en provenance de la région où se forme l’étoile. (…) Pour la première fois, on observe le disque d’accrétion perpendiculaire au jet d’une proto-étoile. (…) La proto-étoile elle-même est masquée par les poussières du disque… "

Bon nombre de nos lecteurs auront fait certainement la même réflexion après avoir lu dans le même numéro du " Ciel ", notre article " Le satellite ISO en test au Centre Spatial de Liège ". Oui vraiment, si ISO avait été là, il aurait pu percer les poussières du disque d’accrétion et nous donner à voir la première image d’un " bébé étoile "!

Il n’est peut-être pas trop tard puisque le lancement de ce satellite d’astronomie de l’Agence spatiale européenne (ESA) est actuellement prévu pour le 3 novembre prochain depuis le site du Centre spatial européen à Kourou en Guyane française. Cependant, toutes ses missions ayant été programmées préalablement (voir notre article “Missions liégeoises sur ISO”), il n’est pas certain de pouvoir l’en distraire pour une visite d’hommage et de curiosité scientifique à ce nouveau-né tant attendu mais non prévu ou pour un remake expurgé de " La Nativité " de Domenico Beccafumi, de la " Naissance de Vénus " de Botticelli, de " La Chemise ôtée " de Fragonard, aussi bien. Les voyants sont aussi des voyeurs. C’est bien connu.

Cela dit, le programme d’ISO comporte certainement des missions semblables destinées à pousser la porte des pouponnières que sont les gigantesques nébuleuses, essentiellement composées d’hydrogène, telle que la toute belle nébuleuse d’Orion, joyau de nos nuits d’hiver mais hélas bien peu encore appréciable aujourd’hui depuis le sol de la Belgique, premier pays au hit-parade des éclairages inutiles!

Proche du zéro absolu
Dans notre premier article, nous avons présenté en détail la contribution liégeoise à ISO, contribution qui s’est concrétisée par un certain nombre de tests de très haute technicité de sa charge utile. Ces tests ont été réalisés par le Centre Spatial de Liège (CSL ex IAL SPACE), facilité coordonnée de l’Agence spatiale européenne et Centre de recherche de notre Université, sous la conduite d’Antonio Cucchiaro, chef de département et " test-directeur " du programme.

Calibrages, étalonnages, certifications ont été menés à bien grâce à des techniques cryogéniques créées par les ingénieurs du CSL, obligés de certifier tous les instruments du télescope à des températures proche du degré absolu c’est-à-dire à moins de -270° C. Il faut savoir que ces instruments seront placés dans un cryostat, sorte de grand Thermos de 2.200 litres d’hélium supra-fluide, pour les isoler de toute émission infrarouge parasite dès la mise sur orbite. En effet, les émissions thermiques des instruments du télescope peuvent être plus intenses de parfois plusieurs dizaines d’ordres de grandeur que les émissions des objets que le télescope devra observer.

La réalisation du cryostat et du télescope a posé un défi technique majeur compte tenu des connaissances limitées et du peu d’expérience dont on disposait sur le comportement des matériaux à des températures aussi basses. Ce défi scientifique fut parfaitement réussi.

Décrire, comprendre
Ce second article a l’humble prétention d’aborder les missions scientifiques d’ISO, joyau de la haute technologie européenne et première missions " type " du programme " Horizon 2000 " de l’Agence spatiale. ISO (Infrared Space Observatory ou laboratoire spatiale pour l’infrarouge) se propose d’observer l’Univers froid dans l’infrarouge, dans les longueurs d’ondes situées entre le visible et les ondes radio, ce qui est réservé aux observatoires spatiaux, l’atmosphère terrestre empêchant quasiment toute observation au sol.

Par une expression fort imagée mais parfaitement juste, Martin Kessler, responsable scientifique d’ISO, définit ainsi l’observation terrestre de l’infrarouge: " Observer du sol dans l’infrarouge, équivaut pour les astronomes à travailler de jour, en utilisant des télescopes bordés de feux clignotants."

Comme nous le rappelle l’astrophysicien français Pierre Léna (" Méthodes physiques de l’observation ", collection Savoirs Actuels, éd. InterEditions/Editions du CNRS, 1986), le but de l’astrophysique est de décrire, de comprendre et de prévoir l’ensemble des phénomènes physiques qui se produisent dans l’Univers: composition, processus physico-chimiques, nature de la matière cosmique, des astres, interaction nucléaire, composition isotopique de la matière, etc.

C’est à partir de l’information reçue par l’observateur, explique-t-il, que s’établissent les classements, les modèles physiques, les prédictions qui en font la valeur. Le but de l’observation est d’élaborer une stratégie de collecte de cette information. Le rayonnement électromagnétique occupe une situation très largement dominante puisqu’il transporte la quasi-totalité de l’information sur laquelle est aujourd’hui bâtie l’astrophysique. En d’autres termes, notre connaissance de l’Univers provient presque exclusivement de l’étude du rayonnement électromagnétique.

Les ondes électromagnétiques
Le spectre électromagnétique comprend une vaste gamme d’ondes, de fréquences et de longueurs d’onde très diverses: de 10-3 à 1022 hertz ou cycles/sec et de longueurs d’onde de 10-12 à 105 mètres
(de 0,000 000 000 001 à 100.000 mètres).

Rappelons-nous. La lumière est constituée d’ondes qui se déplacent dans l’espace à la vitesse
de 300 000 km par seconde (299 792,458 km exactement), et qui présentent certaines analogies avec les vagues. La distance entre deux crêtes est la longueur d’onde, et elle est mesurée en milliardièmes de mètre ou nanomètres (nm) (10-9 mètre), ou, pour simplifier, en micron (µn) (10-6 mètre). Le nombre de crêtes passant par seconde devant un observateur est la fréquence.

Les ondes électromagnétiques, constituées d’ondes rayonnées dans l’Univers tant par la matière condensée d’astres comme les étoiles que par la matière diffuse des espaces interstellaires, consistent en des variations du champ électromagnétique se propageant dans le vide.

Les ondes électromagnétiques sont produites par des charges (particules chargées) électriques accélérées. Elles sont constituées d’un champ magnétique oscillants, perpendiculaires entre eux et perpendiculaire à la direction de propagation de l’onde. Elles peuvent être détectées à de très grandes distances. En outre, elles transportent de l’énergie et ce qu’on appelle de la quantité de mouvement.

En effet, les ondes électromagnétiques ont des effets énergétiques selon leur fréquence. Lorsque celle-ci est basse, leur énergie est faible, et le moindre obstacle les arrête (c’est le cas des ondes hertziennes, des infrarouges, de la lumière visible et des ultraviolets); les radiations de haute fréquence (rayon X, rayons gamma) sont beaucoup plus énergétiques. On connaît assez les effets destructeurs des rayons gamma issus des transformations nucléaires, et qui sont les radiations de plus haute fréquence connue.

Une loi importante de la physique, dite loi de Wien, exprime que la longueur d’onde d’un rayonnement est inversement proportionnelle à la température du corps qui l’émet. Ainsi, les rayonnements gamma, X et ultraviolets sont émis par des objets très énergétiques ou très chauds alors que les rayonnements infrarouge et radio sont caractéristiques d’objets plutôt froids.

On peut rappeler aussi que la lumière visible couvre une gamme de longueurs d’ondes allant d’un peu moins de 400 nm à environ 700 nm, et l’oeil humain distingue des différentes longueurs d’onde de cet intervalle comme des couleurs. Le violet et le bleu sont les longueurs d’onde les plus courtes, tandis que l’orange et le rouge sont les plus longues.

L’accès à l’espace
Cependant, la lumière visible ne représente qu’une étroite bande du spectre électromagnétique. La lumière de longueurs d’onde plus courtes que le visible est dite ultraviolette (ultraviolet proche et lointain). Les ondes encore plus courtes constituent les rayons X et les rayons gamma.

Les ondes plus longues que le visible sont l’infrarouge (infrarouge proche et lointain), les ondes sub-millimétriques (entre 50 microns et 1 mm: 0,000 050 (50x10-6) à 0,001 (10-3) étant entendu que 1000 microns = 1 mm), puis les micro-ondes et enfin, les ondes radio ou ondes hertziennes, les plus longues de toutes.

L’astronomie au sol est limitée au visible, au proche infrarouge avec de nombreuses absorptions, ainsi qu’aux longueurs d’ondes millimétriques et centimétriques. Les ondes de grande énergie ne sont observables que par les engins spatiaux. Notons cependant que de bons résultats ont été obtenus dans l’infrarouge avec le télescope de 3,6 m de l’ESO à Silla au Chili, équipé de son optique adaptative.

L’observation infrarouge et sub-millimétrique est possible dès l’altitude de 12 km, donc à partir d’un avion, d’un ballon ou encore d’une navette spatiale. On s’oriente vers l’utilisation d’observatoires en orbite de manière à maîtriser les conditions d’observation permettant de s’affranchir, comme pour le visible ou les autres longueurs d’ondes, de l’absorption atmosphérique (vapeurs d’eau surtout pour l’infrarouge lointain, entre 25 et 700 microns), variation de l’ozone (ultraviolet), le gaz carbonique, l’ionisation de la haute atmosphère, la température, les turbulences…

L’accès à l’espace permet d’ouvrir à l’observation la totalité du spectre électromagnétique. C’est bien ce qui caractérise l’astrophysique aujourd’hui: la possibilité d’explorer l’Univers dans l’ensemble des longueurs d’ondes du spectre électromagnétique, depuis les ondes radio jusqu’aux photons gamma.

Et c’est ce que se propose de réaliser le programme scientifique de l’Agence spatiale européenne dont on peut saluer ici l’intelligence et la cohérence parfaite. En effet, son programme " Horizon 2000 " comprend:

Le " zappeur " d’Uranus
Tout objet de l’Univers rayonne de l’énergie et, plus un corps est chaud, plus il émet de l’énergie et plus la longueur d’onde du rayonnement est courte. Le rayonnement infrarouge peut se déceler sous forme de chaleur que dégage, par exemple un grille-pain avant que ses éléments commencent à rougir. Le corps humain aussi dégage de la chaleur et émet donc un rayonnement infrarouge.

Pour la petite histoire (et pour la grande!), ce domaine du spectre a été découvert, voici deux siècles, par Sir William Herschel (1738-1822), le " zappeur " d’Uranus et le découvreur des effets thermiques du rayonnement infrarouge. Il fit cette découverte en constatant une montée de la température quand il plaçait un thermomètre en deçà de l’extrémité rouge de la suite des couleurs résultant de la composition de la lumière solaire, (les couleurs du prisme ou encore celles de l’arc-en-ciel). Le célèbre astronome y vit les effets d’un rayonnement invisible se situant littéralement en deçà du rouge, ou " infrarouge ". Le premier rayonnement " invisible " était découvert.

L’astronomie infrarouge
Le domaine de l’infrarouge, surtout lointain, constitue la dernière fenêtre encore très peu explorée du spectre électromagnétique, pourtant domaine extrêmement riche puisqu’il englobe tout l’Univers à basse température. L’astronomie infrarouge a un champ d’application particulièrement fertile: la composition et la physique des atmosphères des planètes géantes, la composition et la photométrie des étoiles froides, la spectrophotométrie des régions du milieu interstellaire où le gaz est ionisé, la répartition de la poussière et des molécules interstellaires et celles des étoiles de grande masse.

De plus, la connaissance de la distribution des sources infrarouges extragalactiques constitue actuellement l’un des meilleurs indicateurs de la structure de l’Univers.

L’examen de l’infrarouge lointain (sources infrarouges froides) permet l’étude des nébuleuses, des poussières et des nuages interstellaires, des premières phases de la formation des étoiles au travers de nuages interstellaires obscurs, des activités stellaires précoces, des éjections de matière des proto-étoiles; de mesurer l’âge des sources émettant dans l’infrarouge lointain (quelques dizaines de millions d’années).

Bref, le domaine infrarouge présente en effet un grand intérêt scientifique, car c’est dans cette partie du spectre que les objets froids (15 - 300° K) rayonnent la plus grande partie de leur énergie, mais aussi parce que les spectres IR livrent de nombreuses informations sur la composition de la matière (atomes, ions, molécules, matière solide).

Les mesures faites dans ces longueurs d’onde nous permettrons de déterminer de nombreux paramètres physiques tels que bilan d’énergie, température, abondance, densité et vitesse, intéressant les sources observées.

Les instruments scientifiques
Pour se faire, ISO (5,3 m de longueur et 2,3 m de largeur, avec une masse au lancement de 2.400 kg) comporte trois parties: les panneaux solaires, le module de service (un système de télémétrie, un système de gestion de données, les batteries, un gyroscope de stabilisation sur trois axes qui assurera une précision de pointage de moins de 2,7 secondes d’arc, etc.), et le module dit de la charge utile, celui qui contient le télescope et ses instruments scientifiques.

Le télescope du type Ritchey-Chrétien est doté d’un miroir primaire d’une focale de 9 m et d’une ouverture de 60 cm de diamètre (silice allégé pourvu d’un revêtement d’or), fabriqué par l’Aérospatiale basé à Cannes (France), maître d’oeuvre du satellite dont la construction a été assurée par quelque 35 sociétés européennes.

ISO emporte quatre instruments scientifiques dont la réalisation a été confiée à quatre consortiums européens regroupant des instituts et des entreprises industrielles, travaillant chacun sous la conduite d’un responsable de recherche. Ces quatre instruments montés sous le miroir primaire du télescope sont une caméra, un photo-polarimètre et deux spectromètres.

La caméra ISOCAM, d’une sensibilité mille fois supérieure aux détecteurs de son prédécesseur le satellite IRAS (décrit ci-après), travaillera dans le domaine de longueurs d’onde compris entre 2,5 et 17 µn. Le photo-polarimètre imageur ISOPHOT mesurera l’intensité du rayonnement des sources 3-245 microns.

SWS (Short-Wave lenght Spectrometer) est le nom du spectromètre de courtes longueurs d’onde qui travaillera dans la gamme de longueurs d’onde de 2,5 à 45 µn). Il est destiné plus particulièrement à étudier les objets très brillants.

LWS ( Long Wave lenght Spectrometer) désigne le second spectromètre. Il est destiné à fonctionner à des longueurs d’onde plus grandes (entre 45 et 180 µn), un domaine spectral auquel on n’a encore jamais eu accès.

Les spectromètres décomposent le rayonnement infrarouge en ses longueurs d’onde constitutives. Les spectres infrarouges ainsi obtenus apporteront des données nouvelles sur la composition chimique, la température et le déplacement d’objets à rayonnement infrarouge.

Avec sa seule station de suivi au sol, à Villafranca (Espagne), l’ESA ne pouvait bénéficier que de 13 h d’observation par jour. Un accord est intervenu avec l’Institut de science spatiale et d’astronautique (ISAS) du Japon. Cet accord entérine l’extension du soutien des opérations en vol d’ISO que doit assurer l’ISAS en contrepartie de 0,5 h par jour d’utilisation d’ISO par les scientifiques japonais.

La coopération avec la NASA est également assurée. L’agence américaine met à niveau à Goldstone une station d’antennes à utiliser comme deuxième station sol pour ISO. Avec cette deuxième station, les scientifiques disposeront d’environ 3 h supplémentaires de temps d’observation chaque jour. En contrepartie, la NASA disposera elle aussi de 0,5 h par jour de temps garanti pour les scientifiques américains.

La mission d’ISO
Premier véritable observatoire spatial d’astronomie au monde à travailler dans les longueurs d’onde de l’infrarouge, ISO est un instrument d’une sensibilité de plusieurs centaines de fois supérieure à ce qui a pu être obtenu jusqu’à présent. C’est fabuleux par rapport aux performances réalisées par le satellite américano-hollando-britannique IRAS (Infra-Red Astronomy Satellite). En 1983 et pendant dix mois, IRAS a exploré le ciel et révélé plus de 250.000 sources infrarouges jusqu’alors inconnues.

Placé sur une orbite terrestre très elliptique ayant une période de 24 heures, avec un périgée de 1.000 km et un apogée de 70.500 km, ISO dont la mission durera 18 mois, le temps que s’évaporent dans l’espace ses 2.400 litres d’hélium liquide, passera environ seize heures par jour à l’extérieur des ceintures de protons et d’électrons captifs qui entourent la Terre, pendant lesquelles ses instruments scientifiques pourront fonctionner à leur maximum de sensibilité avec une précision rare.

Travaillant dans les longueurs d’onde de 2,5 à 200 microns, ISO sera capable de " voir " un homme situé à une distance de 100 km et de mesurer la chaleur rayonnée par le cube de glace placé dans sa main!

La mission d’ISO ne se résumera pas à la visite, fut-elle grandiose, des pouponnières célestes. Il observera tout un éventail d’objets cosmiques, et ses cibles privilégiées seront nombreuses. ISO devrait mettre en évidence d’autres disques proto-planétaires comme celui qui entoure Bêta Pictoris, révélé par le satellite IRAS. Beaucoup de projets sont liés à la détection de planètes, de débris d’étoiles.

Cette mission comprend l’étude des nébuleuses diffuses, l’exploration du centre galactique, l’abondance des éléments dans la Voie lactée, les mécanismes qui président aux ultimes étapes avant l’allumage nucléaire des étoiles, les étoiles qui ne démarreront jamais comme les naines brunes, de masse trop faible, que l’on suppose être nombreuses et dont l’existence n’a encore jamais été confirmée par l’observation.

ISO calculera le taux de formation d’étoiles dans les galaxies, étudiera également les fameuses galaxies infrarouges ultralumineuses également découvertes par IRAS, effectuera une plongée aux confins de l’Univers avec l’observation de quasars pour remonter jusqu’à la formation des premières galaxies.

Découverts en 1960 par l’Américain A. Sandage, les quasars (Quasi Stellar Astronomical Radiosource) sont des objets extragalactiques d’apparence stellaire d’une luminosité prodigieuse. Leur décalage spectral vers le rouge (loi de Hubble) corrobore la théorie de l’expansion de l’Univers et implique donc qu’ils sont situés aux confins de l’Univers.

Compte tenu de leur dimension apparente faible et de leur éclat apparent très élevé, les quasars sont considérés comme des objets de dimension intrinsèquement très petits (1/100 de diamètre d’une galaxie de l’ordre de 100.000 AL) et de luminosité considérable, de l’ordre de celle qu’auraient 100 à 1.000 galaxies.

Ils sont le siège de phénomènes complexes qui peuvent expliquer le problème, non encore clairement résolu à l’heure actuelle, de l’extraordinaire puissance de leur rayonnement. L’hypothèse actuellement retenue, au moins pour certains d’entre eux, décrit un quasar comme étant l’accrétion par un trou noir supermassif pouvant atteindre jusqu’à 100 millions de fois la masse du Soleil, des étoiles et des gaz environnants, un peu comme si le coeur d’une galaxie était passé au stade du trou noir et " avalait " gloutonnement sa propre galaxie par attraction gravitationnelle.

Nous voilà devant la plus insondable de toutes les énigmes de la science moderne. Avec les lentilles gravitationnelles, les quasars ont été le thème du 24ème colloque international de Liège organisé fin juin 1983 par notre Institut.

Enfin, ISO pourra peut-être résoudre la question de la densité de matière de l’Univers, une matière qui, du coup, cesserait d’être sombre. Comme on le sait, cette masse obscure (ou masse cachée) représente environ 90 % de la masse totale de l’Univers. Une fois connue, cette masse nous dira si l’Univers est ouvert ou fermé. Ouvert, son expansion ne s’arrêtera pas; fermé, son expansion s’arrêtera pour faire place à une contraction fatale. Actuellement, les deux possibilités restent envisagées. Comme on peut le comprendre, la cosmologie pourrait faire un fameux bond en avant et améliorer fondamentalement notre compréhension de l’Univers.

D’une naissance à l’autre
William Herschel (toujours lui!) pressentait déjà l’existence d’une relation entre la naissance des étoiles et les nuages de gaz et de poussière interstellaires, et autres nébuleuses, lorsqu’il écrivait à propos de la belle nébuleuse d’Orion: " qu’elle était plus de nature à produire une étoile par sa condensation qu’à dépendre de l’étoile pour son existence ".

La naissance des étoiles: sujet fabuleux par excellence. Peu de connaissances et beaucoup de questions. Quelles sont les premières étapes de la formation d’une étoile? Pourquoi un nuage interstellaire primitif se transforme-t-il en étoile? Il est impossible de répondre à ces questions à partir des seules observations directes, car des nuages de gaz, de poussières voilent les étoiles entre le moment initial du processus et l’étape finale de leur naissance.

Des modèles mathématiques arrivent à séquencer les différentes étapes de l’évolution d’une étoile et permettent une compréhension quelque peu affinée de la formation de notre propre système solaire. Les étoiles se forment par effondrement des nébuleuses, nuages interstellaires de gaz et de poussières. On peut observer les nébuleuses là où elles sont sur le point de se former, grâce au rayonnement millimétrique. L’étape finale de la naissance d’une étoile qui vient de se former au sein de la nébuleuse " mère " peut être observée dans le domaine de l’infrarouge.

Entre ces deux possibilités d’observations, c’est le degré zéro de la connaissance. C’est un peu comme si, en biologie, on avait connaissance, d’une part, du spermatozoïde et de l’ovule, et d’autre part, du beau poupon qui vient de naître, sans rien connaître de la division méiotique, du processus de fécondation, des divers stades du développement embryologique, de la nidation à la parturition, en passant par la phase foetale, c’est-à-dire la grossesse.

Les astrophysiciens ne désespèrent pas de pouvoir arriver à " regarder " et comprendre l’évolution embryologique et foetale stellaire grâce à l’imagerie infrarouge, et de donc de mieux comprendre aussi la genèse de notre système solaire.

Urgence dans l’azur
ISO est bien l’instrument astronomique attendu avec le plus d’impatience par la communauté internationale des astrophysiciens. Prendre enfin possession de l’Univers dans ce qu’il a de plus intime, accéder à la transparence, aux secrets de la naissance des étoiles au sein de la matière sombre des nébuleuses, entrer enfin dans une pouponnière céleste et contempler la bouille de bébés étoiles. Voilà le plaisir infini de quiconque sait encore s’émerveiller de sa propre naissance comme de sa fabuleuse origine: les poussières d’étoiles.

C’est l’occasion de paraphraser Shakespear (Othello): l’Univers froid porte dans ses entrailles bien des événements qui verront le jour.

Vous avez dit urgence?

Dans son numéro de juillet-août, la revue " Ciel et Espace " y va aussi de son information exceptionnelle: " Nuage en explosion dans Orion ". Une équipe anglo-suisse travaillant au télescope de 2,2 m de l’ESO au Chili a découvert une nébuleuse d’hydrogène moléculaire constituée d’une multitude de jets qui se dispersent dans toutes les directions. Cette dynamique leur donne à penser que ce nuage est en train d’être détruit par de jeunes étoiles énergétiques qui se sont formées à l’intérieur… ".

L’urgence éclate dans toute son évidence.

Orion appelle ISO - Orion appelle ISO …

Pierre Bastin

Moisson prolongée pour le télescope spatial ISO - Le rouge de l’azur

Source essentielle d’information, le rayonnement électromagnétique est constitué d’ondes rayonnées dans l’Univers tant par la matière condensée d’astres comme les étoiles que par la matière diffuse des espaces interstellaires.

Il transporte la quasi-totalité de l’information sur laquelle est aujourd’hui bâtie l’astrophysique dont le but, faut-il le rappeler, est de décrire, de comprendre et de prévoir l’ensemble des phénomènes physiques qui se produisent dans l’Univers: composition, processus physico-chimiques, nature de la matière cosmique, des astres, interaction nucléaire, composition isotopique de la matière, etc. Notre connaissance de l’Univers provient presque exclusivement de l’étude du rayonnement électromagnétique dont le spectre comprend une vaste gamme d’ondes, de fréquences et de longueurs d’onde diverses: ondes hertziennes, infrarouges, lumière visible et ultraviolets pour les énergie faibles; rayons X et rayons gamma pour les hautes fréquences.

Il y a peu, le domaine de l’infrarouge, surtout lointain, constituait la dernière fenêtre encore très peu explorée de ce spectre électromagnétique. C’est un domaine extrêmement riche puisqu’il englobe tout l’Univers à basse température (grandes longueurs d’onde représentées par la couleur rouge).

L’astronomie infrarouge
L’astronomie infrarouge a un champ d’application particulièrement vaste: la composition et la physique des atmosphères des planètes géantes, la composition et la photométrie des étoiles froides, la spectrophotométrie des régions du milieu interstellaire où le gaz est ionisé, la répartition de la poussière et des molécules interstellaires et celles des étoiles de grande masse. De plus, la connaissance de la distribution des sources infrarouges extragalactiques constitue actuellement l’un des meilleurs indicateurs de la structure de l’Univers.

L’examen de l’infrarouge lointain (sources infrarouges froides) permet l’étude des nébuleuses, des poussières et des nuages interstellaires, des premières phases de la formation des étoiles au travers de nuages interstellaires obscurs, des activités stellaires précoces, des éjections de matière des proto-étoiles; de mesurer l’âge des sources émettant dans l’infrarouge lointain (quelques dizaines de millions d’années).

Bref, le domaine infrarouge présente en effet un grand intérêt scientifique, car c’est dans cette partie du spectre que les objets froids (15 - 300° K) rayonnent la plus grande partie de leur énergie, mais aussi parce que les spectres IR livrent de nombreuses informations sur la composition de la matière (atomes, ions, molécules, matière solide).

Les mesures faites dans ces longueurs d’onde doivent permettre de déterminer de nombreux paramètres physiques tels que bilan d’énergie, température, abondance, densité et vitesse, intéressant les sources observées. Fallait-il encore l’instrument approprié.

Un joyau de haute technologie
Lancé par une Ariane IV à partie du deuxième ensemble de tir du Centre spatial européen à Kourou (Guyane française), le 16 novembre 1995 à 22h20, heure locale, ISO (Infrared Space Observatory), satellite d’astrométrie, destiné à observer en détail l’Univers froid dans l’infrarouge, dans les longueurs d’onde de 2,5 à 200 microns, joyau de haute technologie, est la première mission " type " du programme " Horizon 2000 " de l’Agence spatiale européenne. Ce télescope spatial est capable de " voir " un homme situé à une distance de 100 km et de mesurer la chaleur rayonnée par le cube de glace placé dans sa main!

ISO est l’instrument qu’il fallait pour étudier des objets proches du Système Solaire jusqu’aux sources extragalactiques les plus lointaines. Premier véritable observatoire spatial d’astronomie au monde à travailler dans les longueurs d’onde de l’infrarouge, c’est un instrument d’une sensibilité de plusieurs centaines de fois supérieure à ce qui a pu être obtenu jusqu’à présent. C’est fabuleux par rapport aux performances réalisées par le satellite américano-hollando-britannique IRAS (Infra-Red Astronomy Satellite). En 1983 et pendant dix mois, IRAS a exploré le ciel et révélé plus de 250.000 sources infrarouges jusqu’alors inconnues.

Sa charge utile comprend un télescope du type Ritchey-Chrétien doté d’un miroir primaire d’une focale de 9 m et d’une ouverture de 60 cm de diamètre, et de quatre instruments montés sous le miroir primaire: une camera (ISOCAM), un photopolarimètre (ISOPHOT), un spectromètre de courtes longueurs d’onde (SWS) et un spectromètre de grandes longueurs d’onde (LWS). L’ensemble a été calibré, étalonné, certifié au Centre spatial de Liège (ex IAL SPACE), Centre de recherche de l’Université de Liège et Facilité coordonnée de l’Agence spatiale européenne (notre article dans le Bulletin de juin 95).

Il est aussi important de rappeler que pour observer le " froid ", ISO doit être refroidi en permanence
à 2° K (-271° C), soit environ 2° au-dessus du zéro absolu. Il est maintenu dans une sorte de Thermos contenant 2.400 litres d’hélium liquide, en lente " ébullition ". Tant que dure son évaporation dans l’espace, cet hélium réfrigérant maintient le télescope et ses instruments dans les conditions de fonctionnement optimales, assurant ainsi à la mission une durée de vie estimée au départ à 18 mois.

Placé sur une orbite terrestre très elliptique ayant une période de 24 heures, avec un périgée de 1.000 km et un apogée de 70.500 km, ISO passe environ seize heures par jour à l’extérieur des ceintures de protons et d’électrons captifs qui entourent la Terre, pendant lesquelles ses instruments scientifiques fonctionnent à leur maximum de sensibilité avec une précision rare.

Pénétrer l’intime de l’Univers
Cette mission comprenait l’étude des nébuleuses diffuses, l’exploration du centre galactique, l’abondance des éléments dans la Voie lactée, les mécanismes qui président aux ultimes étapes avant l’allumage nucléaire des étoiles, les étoiles qui ne démarreront jamais comme les naines brunes, de masse trop faible, que l’on suppose être nombreuses et dont l’existence n’a encore jamais été confirmée par l’observation.

ISO avait la charge de calculer le taux de formation d’étoiles dans les galaxies, d’étudier les fameuses galaxies infrarouges ultralumineuses également découvertes par IRAS, d’effectuer une plongée aux confins de l’Univers avec l’observation de quasars pour remonter jusqu’à la formation des premières galaxies.

ISO est bien l’instrument astronomique attendu avec le plus d’impatience par la communauté internationale des astrophysiciens. Prendre enfin possession de l’Univers dans ce qu’il a de plus intime, accéder à la transparence, aux secrets de la naissance des étoiles au sein de la matière sombre des nébuleuses, entrer enfin dans les pouponnières célestes bien cachées aux regards terrestres.

Une chevauchée fantastique
Qu’en est-il maintenant qu’ISO est arrivé au terme de ses 18 mois de missions? Les résultats obtenus ont été présentés le 25 août dernier aux astronomes du monde entier réunis à Kyoto, au Japon, à l’occasion de la XXIIIème Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale à laquelle participèrent plus de 1600 astronomes du monde entier. Une journée entière a été consacrée à une session spéciale pendant laquelle dix-huit présentation distinctes ont illustré l’importance d’ISO pour différents domaines de l’astronomie allant des observations lointaines et de la cosmologie à notre propre Système Solaire en passant par des études du milieu galactique et extragalactique.

Une partie des travaux présentés au cours de cette Assemblée a fait l’objet d’une petite synthèse diffusée par l’ESA et intitulée " ISO sonde nos origines cosmiques ". (Voir “Le Ciel” de novembre). A l’évidence, ISO a permis à l’astronomie européenne et mondiale d’effectuer une incursion sans précédent dans l’Univers particulièrement riche et fécond que recèle le ciel infrarouge et de lui apporter une vision entièrement renouvelée de l’Univers.

Les résultats n’ont cessé de pleuvoir. Dès le 28 novembre 1995, soit douze jours après sa mise sur orbite, ISO ouvrait les yeux et livrait ses premières images dans l’infrarouge, celles de la superbe galaxie spirale M51 et de son compagnon (les Chiens de Chasse), emblème de la SAL, distante de 20 millions d’années de lumière. Ces images font apparaître des régions de formation d’étoiles dans les bras spiraux de la galaxie et de chaque côté du noyau. Le lendemain, son télescope pointait l’étoile Gamma du Dragon. Depuis, l’ESA nous transmet des données précisant les étapes de ce qui s’avère être aujourd’hui une véritable chevauchée fantastique dans la lumière invisible et froide de l’infrarouge.

Les premiers résultats présentés en février 1996 mettent en évidence les catastrophes galactiques productrices de pépinières d’étoiles, cataclysmes qui se produisent lors des collisions de galaxies, événements les plus spectaculaires qui se produisent depuis l’origine de l’Univers. Ces mêmes résultats font aussi état de la découverte de molécules à l’état solide sous forme de glaces, certaines d’entre elles jamais observées jusqu’ici dans l’espace, notamment de la glace de cyanure d’hydrogène.

Des traces d’eau " cosmique "
Ainsi, parmi les résultats remarquables d’ISO enregistrés en 1996, figure la détection de traces d’eau " cosmique ". L’eau que nous buvons et celle qui compose les océans trouvent leur origine dans les étoiles. A proximité des étoiles mourantes, on observe clairement de la vapeur d’eau, issue de l’association d’hydrogène existant et des atomes d’oxygène produits par les étoiles. De l’eau apparaît ainsi lors de la formation de nouvelles étoiles et de nouvelles planètes dans le milieu interstellaire. Ce phénomène s’est produit lors de la naissance du Système solaire et a ainsi engendré l’eau, qui représente plus de la moitié du poids d’un être humain.

ISO a, par ailleurs, observé de l’eau sous forme de glace dans les zones plus froides autour d’étoiles et dans la matière entourant les jeunes étoiles. Des planètes peuvent naître à partir de cette même matière. Les comètes constituent une catégorie intermédiaire et il est possible que la Terre à peine formée, ait reçu une partie de son eau à l’occasion de bombardements cométaires.

Publié fin novembre 1996, un numéro spécial de la revue " Astronomy and Astrophysics " est aussi consacré aux premiers résultats d’ISO. Ses quelque nonante articles rendent compte d’observations allant des planètes aux galaxies. L’un d’eux propose une réponse à la question: " Les galaxies les plus brillantes trouvent-elles leur énergie dans des taux extraordinaires de formation d’étoiles ou abritent-elles des noyaux actifs contenant un trou noir? "

Un commentateur indépendant, Gerry Gilmore, de l’Institut d’astronomie de Cambridge écrit dans la revue anglaise " Nature " de novembre: " Les articles sur ISO parus dans " Astronomy and Astrophysics " apportent une réponse claire à cette question. Le résultat remarquable obtenu par ISO est, que sur trois galaxies ultralumineuses étudiées dans l’infrarouge, aucune n’a besoin d’un noyau actif pour expliquer ses émissions, qui sont dues à un taux important de formation d’étoiles. "

Tous ces articles ne sont qu’un avant-goût des centaines d’articles qui seront publiés au fur et à mesure de la progression des programmes d’observation et du traitement des données. A cette date un seul petit pour-cent de l’étude systématique d’une portion de la Voie lactée est abordée alors qu’ISO a déjà observé des milliers de sources infrarouges et que les surprises ont été nombreuses de telle manière qu’il faudra revoir les manuels d’astronomie!

La preuve par l’olivine
Dans une note du 28 mars dernier, l’ESA annonçait: " En remontant la filière des minéraux, ISO traque l’origine de la Terre et des étoiles ". Les comètes contiennent les reste de la matière première à partir de laquelle se sont formés la Terre et les autres planètes du Système solaire. Une confirmation spectaculaire de cette hypothèse formulée depuis longtemps par les astronomes a été fournie par la détection d’olivine (*) dans la comète Hale-Bopp par ISO. Dans sa livraison du 28 mars, la revue américaine " Science " publiait un rapport sur ces observations faites par une équipe européenne et américaine conduite par Jacques Crovisier de l’Observatoire de Paris-Meudon.

" ISO détecte les mêmes matières dans la comète Hale-Bopp que dans les nuages de poussières qui entourent les étoiles " note Jacques Crovisier. " L’un des principaux constituant de la poussière stellaire comme de la poussière cométaire est l’olivine sous forme cristalline. Or, c’est également l’un des principaux éléments constitutifs du manteau terrestre. Nous pouvons maintenant affirmer avec une quasi-certitude que nous nous trouvons sur un amas solidifié de poussières minérales semblables à celles que contiennent les comètes qui évoluaient autour du Soleil il y a 4500 millions d’années ".

Dans le cadre d’un programme apparenté, une équipe sous direction belge a étudié la composition de poussières à proximité de très jeunes étoiles. Elle a également découvert des cristaux d’olivine. La confirmation de la présence de cristaux d’olivine permet d’établir un lien entre les étoiles et les minéraux du Système solaire.

La preuve la plus claire de la présence de cristaux d’olivine provient d’observations réalisées aux abords de HD 100546, une jeune étoile bleue à environ 500 années de lumière, près de la Croix du Sud. Cette étoile n’a probablement que quelques millions d’années et elle émet fortement dans l’infrarouge. HD 100546 présente en outre de curieuses raies d’absorption dans l’ultraviolet enregistrées par le satellite IUE (voir Le Ciel de décembre) qui seraient dues à des impacts de comètes ou d’astéroïdes.

Pour Christoffel Waelkens de Louvain, il semble qu’un énorme nuage de comètes entoure cette jeune étoile. " Nous pensons, dit-il, que c’est à partir d’un nuage cométaire exactement de ce type, entourant notre jeune Soleil, que la Terre et les autres planètes se sont formées. Nous comparons maintenant nos notes avec celles de collègues qui étudient les minéraux présents dans les comètes et les météorites proche de nous. On peut donc inscrire parmi les succès d’ISO, et ce n’est pas le moindre, d’avoir jeté un pont entre l’astrophysique stellaire et l’étude du Système solaire."

Toujours au mois de mars, ISO découvrait des molécules de fluorure dans un nuage de gaz interstellaire à environ 20.000 années de lumière de la Terre, dans la constellation australe du Sagittaire. Bien que l’on ait détecté une centaine de molécules différentes dans le milieu interstellaire au cours des 30 dernières années, c’est la première fois que l’on observe une molécule contenant du fluor dans un gaz interstellaire. Cette découverte de fluorure d’hydrogène vient de faire l’objet d’une publication dans " Astrophysical Journal Letters ".

Au rendez-vous d’Orion
Nous n’étendrons pas la chronique de ce succès spatial. D’autres occasions se présenteront, d’autres raisons aussi de la poursuivre. Alors que l’observatoire spatial dans l’infrarouge ISO aurait dû se trouver aujourd’hui à court d’hélium, vingt mois après son lancement, l’ESA vient de porter sa durée de vie active à plus de 28 mois au lieu des 18 fixés dans les spécifications.

Grâce à une excellente préparation technique, des circonstances de lancement favorable et une perte d’hélium quotidienne inférieure de 17 % au niveau escompté, atteignant la limite la plus basse d’un éventail de possibilités envisagées par les ingénieurs, ISO devrait, selon les calculs actuels, rester opérationnel jusqu’en avril 1998.

Un tiers de vie en plus! Quand on sait qu’ISO examine en moyenne 45 objets cosmiques chaque jour, on imagine aisément le bonheur des scientifiques et leurs espoirs en la découverte de nouvelles données inestimables sur l’histoire et la chimie du cosmos.

Parmi les cibles principales de l’astronomie infrarouge, il en existe un certain nombre dans la direction de la constellation d’Orion. Depuis la mise en place du projet ISO, conduit depuis 1983, les espoirs sont haut placés pour Orion. Ce n’est pas sans raison si nous titrions notre présentation générale de la mission, publiée ici même en septembre 95, " Orion appelle ISO ".

Faute de pouvoir prolonger la mission, il n’était pas certain qu’ISO pourrait observer cette partie du ciel. Le télescope doit obligatoirement rester à l’abri du rayonnement infrarouge émis par la Terre et le Soleil, ce qui implique des contraintes d’orbites.

En août dernier, ISO a eu une première, difficile et courte occasion d’examiner le secteur d’Orion. La mission étant prolongée, ISO pourra procéder, en février 1998, à une série durable d’observations d’Orion. A l’occasion de ce qui devrait être son " chant du cygne ", peu avant l’épuisement complet de son réservoir d’hélium, la communauté scientifique espère vraiment réaliser de spectaculaires découvertes.

" Les astronomes s’apprêtent à tirer d’énormes avantages de la prolongation de la mission d’ISO ", déclarait, il y a peu, Martin Kessler, responsable scientifique du projet. " Maintenant que nous savons comment obtenir les meilleurs résultats possibles de cet observatoire spatial, (…). Les plus grandes pouponnières d’étoiles de notre voisinage s’étendent sur l’ensemble des constellations d’Orion et du Taureau, dont la célèbre nébuleuse d’Orion n’est que le point le plus brillant. En février-mars 1998, ISO passera une partie de son temps à traquer des étoiles en formation cachées dans les nébuleuses d’Orion et du Taureau. Voilà un atout considérable, et les résultats pourraient compter parmi les plus remarquables du tableau de chasse de cet observatoire. "

Directrice de recherche au CEA à Saclay (France) et responsable de la caméra d’ISO, Catherine Cesarsky précise: " Ce qui m’intéresse le plus avec ISO, c’est le fait que, grâce à sa sensibilité, nous pouvons observer des sursauts de formations d’étoiles dans des galaxies très jeunes et étudier l’histoire des galaxies de leur origine à nos jours. C’est seulement en étudiant d’autres galaxies que nous pourrons comprendre pleinement ce qui se passe dans la nôtre, la Voie lactée, et notamment comment les conditions de la vie y ont été réunies."

Avec ISO, le rouge de l’azur est au beau fixe.

Pierre Bastin

Résultats présentés à l’Union astronomique internationale - ISO sonde nos origines cosmiques

ISO, l’observatoire spatial dans l’infrarouge de l’Agence spatiale européenne, offre des possibilités inégalées pour explorer et analyser nombre des processus à l’oeuvre dans l’Univers grâce auxquels nous existons. Nous sommes les descendants des étoiles. Chaque atome qui compose notre corps est né dans l’espace intergalactique et s’est trouvé au voisinage du Soleil au moment de la formation de la Terre, participant au cycle ininterrompu qui préside à la naissance, à la mort et à la renaissance des étoiles.

Les zones de l’Univers les plus propices à l’apparition de ces phénomènes sont le règne du froid et de la poussière et se dérobent à notre vue, même avec le télescope spatial Hubble. Comme les rayons infrarouges traversent la poussière, ISO est capable d’observer des objets cachés, ainsi que les atomes et molécules qui interviennent dans la chimie du cosmos.

" ISO déchiffre les secrets de la nature ", déclare Roger Bonnet, directeur du Programme scientifique de l’ESA. " Etant le seul télescope au monde capable d’observer l’Univers sur une large gamme de longueurs d’onde dans l’infrarouge, ISO joue un rôle irremplaçable dans les découvertes astronomiques qui nous aident à comprendre nos origines. "

On trouvera ci-après la description d’un certain nombre d’étapes de nos origines cosmiques, qu’ISO a mis en lumière en étudiant les phénomènes encore visibles aujourd’hui qui en sont la trace.

L’évolution des galaxies
Au commencement était l’hydrogène, mélangé à de l’hélium et à d’autres éléments légers à l’état de traces. Il s’agissait d’atomes produits par le big bang, ce cataclysme qui aurait présidé à la formation de l’Univers il y a plus de 10 milliards d’années. Le gaz primitif était inerte. Il n’était pas apte à donner naissance à de la poussière et encore moins à des êtres vivantes. Mais, sous l’action de la gravitation, l’hydrogène et l’hélium se sont amalgamés pour former des étoiles, qui ont été portées à incandescence du fait des réactions nucléaires dont elles étaient le siège. Lorsque les premières étoiles ont commencé à vieillir, les réactions ont produit de nouveaux éléments chimiques, comme le carbone, l’oxygène et le silicium.

Expulsés à la périphérie des étoiles, ces éléments ont réagi entre eux, ainsi qu’avec l’hydrogène, ce qui a donné naissance à la poussière cosmique formée de glace et de particules carbonées ou pierreuses. Les énormes ensembles d’étoiles que nous appelons galaxies sont devenus des creusets où les lois de la physique et de la chimie ont donné naissance à de nouoveaux matériaux et à de nouvelles étoiles. Les rayonnements émis par les galaxies les plus éloignées ont mis plusieurs milliards d’années à nous parvenir, de sorte que l’aspect sous lesquels nous les voyons aujourd’hui est celui qu’elles avaient peu après leur formation. La galaxie la plus éloignée qui ait été observée jusqu’ici par ISO est un quasar dénommé BR 1202-0225 datant d’une époque où l’Univers n’avait même pas le dixième de son âge actuel. On constate déjà une forte concentration de poussière.

ISO a également observé de nombreuses galaxies dont l’âge est environ la moitié de celui de l’Univers en scrutant attentivement le cosmos à travers le trou de Lackman, une trouée existant dans les nuages de poussière de la Voie Lactée. Les astronomes pensent que les galaxies les plus nettement visibles dans l’infrarouge sont le siège de phénomènes intenses de formation d’étoiles en grand nombre. Dans les galaxies les plus proches, les astronomes d’ISO interprètent les fortes émissions dans l’infrarouge comme de violentes éruptions se produisant dans les noyaux galactiques et ponctuant l’évolution des galaxies.

" La présence d’ISO dans l’espace offre des possibilités inédites d’étudier le passé des galaxies " déclare l’astronome japonais Yoshiaki Taniguchi de l’université Tohoku. " En détectant des longueurs d’onde infrarouge qui sont difficiles à observer sur Terre, ISO met très clairement en évidence les galaxies qui évoluent le plus rapidement, caractérisées par des périodes intenses de formation d’étoiles. Certaines sources d’émissions infrarouges peuvent également provenir de galaxies possédant des noyaux galactiques actifs. "

La Voie lactée, qui est notre galaxie, doit son nom au disque étoilé dont nous voyons la tranche sous la forme d’un ruban de lumière. Elle a connu une vie tranquille par rapport à certaines autres galaxies, mais cette tranquillité est toute relative. Des phénomènes violents se sont traduits par la naissance et la destruction d’étoiles tout au long de sa vie, ce dont témoignent les débris disséminés tout autour de nous.

En observant la Voie lactée en coupe transversale, ISO détecte d’anciennes étoiles froides et de jeunes étoiles formées d’amas de poussière, caractérisées par de fortes émissions infrarouges. Mais les images obtenues font surtout apparaître de fins nuages de poussière répartis sur l’ensemble de la voûte céleste: il s’agit des débris éparpillés d’étoiles mortes. Çà et là, des nuages de poussière plus épais et plus lumineux témoignent de la formation de nouvelles étoiles. C’est de ce monde de poussière que sont nés le Soleil et la Terre.

Le cycle de la mort et de la naissance des étoiles
Le Soleil est une étoile d’âge moyen. Il est apparu il y a environ 4,5 milliards d’années, alors que l’Univers avait à peine plus de la moitié de son âge actuel. Aujourd’hui, le Soleil est arrivé à peu près à mi-parcours de sa durée de vie prévisible. Tous les atomes qui composent le Soleil, la Terre et nos propres organismes et dont la masse est suppérieure à celle de l’hydrogène et de l’hélium primitifs proviennent d’étoiles de la Voie lactée qui ont disparu avant la naissance du Soleil. Des particules de différentes origines, découvertes sur des météorites et identifiées par leur signature atomique, confirment qu’un grand nombre d’ancêtres stellaires distincts ont participé à la constitution du stock d’éléments chimiques du Système solaire. Les restes de ces étoiles disparues sont trop dispersés pour pouvoir être identifiés dans la galaxie aujourd’hui. Les astronomes peuvent toutefois retrouver leurs homologues parmi les étoiles les plus récentes. ISO leur offre la possibilité exceptionnelle d’étudier les différentes étapes qui conduisent de la mort d’une étoile à la naissance d’une autre.

Une étoile qui meurt disperse à travers l’espace interstallaire des matérieux chimiquement enrichis qui, en se concentrant à nouveau, donnent naissance à de nouvelles étoiles et planètes. Les résultats extraordinaires obtenus par l’analyse de la composition chimique des gaz et des poussières évoluant au voisinage d’étoiles de formation ancienne ou nouvelle, ainsi que dans le sillage des comètes, représentent une contribution majeure d’ISO. Les éléments recensés au moyen de leur signature dans l’infrarouge comprennent du monoxyde de carbone et de l’eau sous forme de vapeur ou de glace, des composés carbonés et des minéraux, notamment de l’olivine, qui est l’un des principaux composants du manteau terrestre.

Le Soleil lui-même, lorsqu’il arrivera au terme de son existance, enflera et se refroidira abant d’expulser dans l’espace une grande part de la matière qui le compose. Ayant consommé toute son énergie, son noyau s’effondrera sur lui-même et se transformera en une naine blanche. Une étoile d’une masse comparable à celle du Soleil donne naissance, au cours de l’ultime phase de son agonie, à une nébuleuse planétaire, sphère de cendres dispersées autour du coeur incandescent de la naine blanche. ISO a observé plusieurs nébuleuses planétaires, notamment la nébuleuse Hélice, dont il a fourni récemment une image remarquablement détaillée.

Les étoiles massives se consument nettement plus rapidement que les étoiles comparables au Soleil et finissent de manière beaucoup plus spectaculaire en supernovæ, ces étoiles qui explosent. Pendant quelques semaines, leur luminosité est alors un milliard de fois supérieure à celle du Soleil. Leur noyau se contracte et donne naissance à une étoile à neutrons beaucoup plus dense qu’une naine blanche, tandis que la matière constitutive des couches externes est éjectée dans l’espace. L’une des raisons pour lesquelles les supernovæ jouent un rôlent important dans la chimie du cosmos est qu’elles sont les seules à pouvoir produire les éléments les plus lourds, comme l’or et l’uranium.

Les vestiges de supernovæ restent détectables pendant des milliers d’années après l’explosion. La dernière supernova observée dans la Voie lactée remonte à un peu plus de 300 ans et a donné naissance à la nébuleuse dénommée Cassiopée A, dont ISO a réalisé le premier examen détaillé dans le rayonnement infrarouge, impossible à déceler sur Terre. On a pu ainsi constater directement que de la poussière est formée à partir des matériaux de cette supernova.

" Les éléments récemment produits par la supernova doivent refroidir avant de pouvoir constituer un nouvel apport de poussière interstellaire " déclare Pierre-Olivier Lagage du Service d’astrophysique du CEA à Saclay, qui a dirigé cette étude sur Cassiopée A. " Avec la caméra d’ISO, nous pouvons détecter les émissions de différents éléments et l’on constate que les globules de matière chaude éjectés de l’étoile contiennent maintenant de la poussière. "

Pour sa part, la nébuleuse Trifide est une zone de résurgence, où l’on asiste à la formation d’une nouvelle génération d’étoiles massives. Lorsqu’on l’observe en lumière visible, on voit de jeunes étoiles chaudes qui éclairent un grand nuage de gaz. La nébuleuse est traversée par un réseau de nuages de poussière sombres qui la divisent en plusieurs zones lumineuses, d’où son nom. Son observation par ISO dans l’infrarouge donne une image totalement différente: les nuages sombres deviennent lumineux et les régions brillantes apparaissent sombres. Comme il peut " voir " à travers la poussière, ISO révèle, à l’intérieur des nuages, l’existence de régions denses où se forment de nouvelles étoiles.

L’œuf cosmique dont l’éclosion fera naître une étoile
Parmi les buts que se sont fixés les astronomes d’ISO figure la détection des tout premiers stades de la formation des étoiles. Les noyaux protostellaires sont des objets ovoïdes nichés au coeur d’un grand nuage de poussière. Une épaisse enveloppe de poussière froide en obscurcit l’intérieur, où les gaz se concentrent sous l’effet des forces gravitationnelles pour constituer un embryon d’étoile. Avec le temps, la poussière se disperse et l’on assite à l’éclosion d’une étoile parfaitement visible, aboutissement du processus de formation de l’étoile. Au tout début, le nuage de poussière ne laissent passer que les ondes radio et les émissions dans l’infrarouge lointain, qui sont ainsi les seuls moyens dont nous disposons pour observer les origines proprement dites des étoiles.

Derek Ward-Thompson de l’Observatoire royal d’Edimbourg (Grande-Bretagne), avec l’aide de ses collègues de l’université de Cambridge et de chercheurs français, a été le premier à observer, dans les longueurs d’onde radio submillimétriques, le noyau protostellaire L1689B situé dans la constellation d’Ophiucus. Il s’agit d’un noyau protostellaire jeune, sur le point de s’effondrer pour donner naissance à une nouvelle étoile. L’équipe s’est ensuite servie d’ISO pour produire les premières images de L1689B dans l’infrarouge au moyen du photomètre ISOPHOT en travaillant en ondes infrarouges longues jusqu’à sa limite de 200 microns. L’enveloppe de poussière a une température tellement basse, d’environ -260° C (13 K), qu’elle est indétectable, même dans les longueurs d’onde infrarouge courtes ou moyennes.

Les astronomes peuvent maintenant combiner les résultats d’ISO avec les observations faites sur le même objet et sur des objets similaires dans des longueurs d’onde submillimétriques afin d’obtenir une image détaillée des tout premiers stades de la formation d’une étoile.

Ward-Thompson déclare: " Nos collègues astronomes pensaient que nous n’avions aucune chance de détecter des noyaux protostellaires avec un instrument existant. Maintenant que nous l’avons fait à l’aide de radiotélescopes basés au sol et du satellite ISO, un nouveau chapitre s’ouvre dans l’étude de la formation des étoiles.

Nos résultats contredisent d’ores et déjà la théorie selon laquelle un noyau protostellaire devrait être animé d’un mouvement de rotation rapide. Ce n’est pas le cas. En outre, nos observations ont montré que la manière dont une étoile en cours de formation s’effondre sur elle-même diffère des prévisions préalablement établies."

A la recherche des origines des planètes
Notre ascendance cosmique directe est la nébuleuse solaire, ce nuage de gaz et de poussière qui, pense-t-on, tourbillonnait autour du Soleil à sa naissance, il y a environ 4,5 milliards d’années. Sous l’effet des forces gravitationnelles, les gaz et les pourssières ont formé une sorte de disque aplati, que l’on pourrait comparer à une reproduction gigantesque des anneaux de Saturne. Des grains de poussière formés de particules pierreuses et de glace se sont agglomérés pour constituer les planètes du Système solaire, dont la Terre. Les comètes sont des résidus de la formation du Système solaire, dont ISO a étudié la composition chimique. En fait, le concept de formation des planètes à partir du disque de poussière de la nébuleuse solaire n’était qu’une théorie jusqu’à l’émergence de l’astronomie spatiale dans l’infrarouge.

L’un des programmes les plus lourds d’ISO a trait à l’existence de disque de particules de poussière autour des étoiles normales. Le Soleil possède encore un disque, qui apparaît sous forme de lumière zodiacale près de l’horizon après le coucher du Soleil au printemps ou avant son lever en automne. Il est impossible de détecter un phénomène similaire à proximité d’une autre étoile car la poussière est trop éparse.

Ce fut donc une grosse surprise lorsque le prédécesseur d’ISO, le satellite d’astronomie dans l’infrarouge IRAS lancé en 1983 dans le cadre d’une coopération entre les Pays-Bas, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, détecta des disques de poussière similaires autour de quelques étoiles proches, notamment Véga et b Pictoris, composés de matières beaucoup plus denses que le disque de poussière du Soleil. Toutefois, ces matières sont nettement plus froides que le nuage zodiacal et, par conséquent, plus éloignées des étoiles. Dans notre Système solaire, elles se trouveraient au-delà de Neptune.

Ces disques fascinent les astronomes car ils témoignent de la présence autour d’étoiles de matière remontant à l’époque de leur formation, ce qui laisse à penser que nombre d’étoiles autres que le Soleil pourraient posséder un " système solaire " avec des planètes, des astéroïdes et des comètes gravitant autour d’elles. Même s’il existe d’autres méthodes pour explorer plus avant ces disques qui laissent présager la présence de systèmes planétaires, il revient à ISO de poser les prochains jalons. Il s’agira d’observer un bien plus grand nombre d’étoiles avec une sensibilité nettement accrue, d’établir la fréquence à laquelle ces disques apparaissent et d’observer pendant combien de temps ils peuvent résister aux processus naturels qui tendent à les détruire.

Les premiers résultats montrent que le satellite ISO détecte, dans certains cas, des disques de faible intensité. Dans d’autres cas, les résultats constituient des valeurs-limites quant à la présense éventuelle de poussière. Certains disques sont détectés dans des longueurs d’onde relativement élevées, ce qui indique qu’ils sont situés assez loin de leur étoile. On procède actuellement à la réduction des données d’observation de nombreuses autres étoiles. Il ressort, en première analyse, que l’existence d’un disque serait une propriété commune à un grand nombre d’étoiles, mais pas à toutes. (Document ESA)

Superbe moisson en astronomie infrarouge - ISO, passe-muraille cosmique

Jusqu’il y a peu, le domaine de l’infrarouge, surtout lointain, constituait la dernière fenêtre encore très peu explorée du spectre électromagnétique, un domaine extrêmement riche puisqu’il englobe tout l’Univers à basse température (grandes longueurs d’onde représentées par la couleur rouge). C’est dire si ISO, l’Observatoire Spatial dans l’Infrarouge de l’ESA, lancé en novembre 1995, était bien l’instrument astronomique attendu par l’ensemble de la communauté internationale des astrophysiciens.

Les résultats obtenus au terme de ses 18 mois de mission l’ont confirmé amplement. Ils ont été présentés le 25 août 1997 aux astronomes du monde entier réunis à Kyoto, au Japon, à l’occasion de la XXIIIème Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale (voir “Le Ciel” du mois d’octobre 1997). Une partie des travaux présentés au cours de cette Assemblée a fait l’objet d’une synthèse diffusée par l’ESA et intitulée “ISO sonde nos origines cosmiques” (voir “Le Ciel” de novembre 1997).

Cette Assemblée fut encore l’occasion de l’annonce officielle de la prolongation de la mission ISO portée à 28 mois au lieu des 18 fixés dans les spécifications. Avec ce tiers de vie en plus, le télescope est resté opérationnel jusqu’en avril dernier. Le 8 avril 1998 à 7 heures, les ingénieurs de la station sol de l’ESA à Villafranca, près de Madrid, ont annoncé que le télescope et les instruments d’ISO commençaient à présenter un échauffement supérieur à leur température normale de fonctionnement, proche du zéro absolu, signe qu’ISO avait épuisé les réserves d’hélium suprafluide servant à maintenir les très basses températures nécessaires aux observations astronomiques dans l’infrarouge.

Les observations se sont interrompues à 23 h 07 lorsque la température des instruments a dépassé -269° C. (Le rayonnement infrarouge provient des régions froides du ciel, et ISO aurait été aveuglé par sa propre chaleur si ses systèmes optiques n’avaient pas été maintenus à une température extrêmement basse. Une lente dispersion de cet hélium dans l’espace a permis de maintenir les basses températures nécessaires au système optique.)

Un cadeau d’adieu
Le 16 mai à 14 heures, l’ESA a mis hors tension son Observatoire spatial dans l’infrarouge au terme d’une mission couronnée de succès. ISO a fait un cadeau de départ aux astronomes. Quelques détecteurs du spectromètre à ondes courtes (SWS), l’un des quatre instruments du télescope, pouvaient en effet continuer de fonctionner après l’épuisement des réserves d’hélium. En prévision de cette possibilité, les chercheurs avaient préparé un programme scientifique spécial qui a été inséré entre les tests technologiques. Ainsi, pendant les quelques 150 heures supplémentaires ainsi dégagées, on a pu mesurer près de 300 étoiles dans des longueurs d’onde comprises entre 2,4 et 4 microns, ce qui a permis aux astronomes d’établir un classement spectral détaillé.

ISO a surpris les chercheurs jusqu’au dernier moment puisque le 10 mai, quelques instants avant minuit, son spectromètre à ondes courtes (SWS) transmettait ses ultimes observations, des raies d’émission d’hydrogène provenant d’une étoile super géante chaude (eta Canis Majoris). Les premiers résultats révèlent que cette étoile, que l’on supposait ordinaire jusqu’à présent, est probablement entourée d’un disque de matière.

La vapeur d’eau détectée sur Titan, le plus gros satellite de Saturne, les galaxies repérées dans l’infrarouge à des distances considérables et la découverte de jeunes étoiles, figurent parmi les derniers résultats de la moisson prolongée d’ ISO. Lors d’une conférence tenue à Londres le 7 avril dernier, Roger Bonnet, Directeur du programme scientifique de l’Agence Spatial Européenne, ne put cacher sa satisfaction : “ISO est l’un des plus grands succès en matière d’observatoires spatiaux et, dans l’infrarouge, il ne connaît pas de rival.”

Les équipes d’exploitation d’ISO à la station de Villafranca ont vraiment fait le maximum pour offrir aux astronomes du monde entier le plus grand nombre possible d’observations. Grâce au prolongement inespéré de près d’un an de la mission, le nombre d’observations conduites par ISO sur des objets cosmiques est passé de 16 000 à environ 26 000. L’exceptionnelle longévité d’ISO a notamment permis d’examiner une vaste zone du ciel à l’intérieur et autour de la constellation d’Orion. Ces observations, qui étaient impossibles au cours de la mission nominale, ont été conduites en deux phases. Nous avons sélectionné quelques résultats dans le bilan de cette partie de mission présenté lors de la conférence de Londres.

Découverte de planètes en formation autour d’une étoile à l’agonie
Des astronomes des universités d’Amsterdam, de Louvain, de Groningue et d’Utrecht ont trouvé une preuve que les planètes peuvent se former autour de vieilles étoiles mourantes. A proximité du Rectangle rouge, vieille étoile binaire de la Constellation de la Licorne, ils ont détecté un anneau de matière correspondant à la première étape de la formation des planètes. Cette découverte a été publiée dans Nature le 26 février dernier. On pensait jusqu’ici qu’il ne pouvait se former de planètes qu’autour d’étoiles jeunes.

Les étoiles jeunes sont fréquemment entourées d’un anneau plat de gaz et de particules, résidu du processus de gestation stellaire. Ces particules peuvent se rassembler et former des amas de plus en plus gros qui finiront par atteindre la taille d’une planète. Des observations faites à l’aide du spectromètre à courte longueur d’onde germano-néerlandais SWS embarqué sur ISO ont montré que ces anneaux sont riches en silicates. On retrouve ces silicates de composition et de forme bien particulières, appelés cristaux d’olivénite, sur Terre et dans les comètes, lesquelles sont des vestiges de planètes avortées. Ils paraissent donc être un constituant important de la formation des planètes.

Il ressort aujourd’hui des observations du SWS que l’anneau de matière gravitant autour du système binaire du Rectangle rouge contient de grosses particules à forte teneur en cristaux d’olivénite. Le Rectangle rouge se compose de deux vieilles étoiles voisines dont l’une, une ancienne géante rouge, est en train de devenir une naine blanche. L’olivénite observée est du même type que celle que l’on trouve dans les anneaux entourant les étoiles nouvellement nées, sur Terre et dans les comètes. C’est la première fois que l’on détecte ce constituant, présent lors de la genèse des planètes, dans l’anneau gravitant autour d’une étoile moribonde. A la fin de leur vie, les étoiles de même type que notre Soleil enflent jusqu’à se transformer en géantes rouges et éjectent de grandes quantités de gaz et de matière. La majeure partie de cette matière échappe à la force de gravitation de l’étoile et se perd dans l’espace. Mais si l’étoile agonisante fait partie d’un système binaire, il se peut que son compagnon empêche le gaz et la matière de s’échapper. Ce phénomène produit autour de l’étoile double un anneau plat stable dont la durée de vie sera considérable. Des planètes peuvent se former dans cet anneau.

Nuage de vapeur très dense dans l’espace interstellaire
ISO a permis à une équipe d’astronomes américains de découvrir une importante concentration de vapeur d’eau dans un nuage de gaz interstellaire proche de la Nébuleuse d’Orion. ISO a trouvé de la vapeur d’eau en de nombreux endroits de l’Univers, des planètes extérieures du Système solaire aux lointaines galaxies, mais la concentration atteinte ici est vingt fois plus importante que celle observée dans d’autres nuages de gaz interstellaires.

Cette découverte, présentée dans un article de l’Astrophysical Journal Letters daté du 20 avril dernier, pourrait contribuer à expliquer la présence de l’eau dans le Système solaire. La vapeur d’eau découverte se trouve dans le nuage moléculaire d’Orion, une masse interstellaire géante composée principalement de molécules d’hydrogène. Grâce à ces observations menées à bien en octobre 1997, les astronomes ont reconnu la signature caractéristique des émissions de vapeur d’eau en examinant les grandes longueurs d’onde dans l’infrarouge.

“Le nuage interstellaire que nous avons observé est constamment soumis à des ondes de choc qui compriment et échauffent les gaz qui le composent” explique l’auteur principal de l’article Martin Harwit, astrophysicien d’origine hongroise, membre de l’Université Cornell et de l’équipe scientifique d’ISO. “La violence qui accompagne la naissance d’une étoile, lorsque celle-ci expulse des jets de gaz à grande vitesse, explique ces ondes de choc. La vapeur d’eau échauffée que nous avons observée résulte de ces collisions.”

Selon Martin Harwit, de telles ondes de choc provoquent aussi bien la naissance d’une étoile qu’elles en résultent. “Elles pourraient déclencher à l’avenir la formation de nouvelles étoiles et planètes, explique-t-il, en comprimant le nuage gazeux que nous avons observé, mais à la seule condition que la chaleur en excès puisse être rejetée. Bien que le gaz interstellaire soit composé principalement de molécules d’hydrogène, la vapeur d’eau joue très efficacement le rôle d’un radiateur dans les longueurs d’onde infrarouge et contribue pour l’essentiel à refroidir le gaz, facilitant ainsi le processus de formation des étoiles. C’est grâce à l’utilisation du satellite ISO que nous avons pu procéder depuis l’espace aux observations dont nous faisons état aujourd’hui. L’humidité de l’atmosphère terrestre et son opacité aux longueurs d’onde qui nous intéressent les auraient rendues impossibles.”

La concentration de vapeur d’eau mesurée par l’équipe américaine dans le nuage moléculaire d’Orion est d’environ une partie par 2000 en volume, ce qui va bien au-delà de ce qui a été constaté jusqu’ici dans l’espace interstellaire. Elle correspond parfaitement, cependant, aux prédictions théoriques.

“Nous nous attendions à détecter une forte concentration d’eau dans ce nuage gazeux”, a souligné l’un des membres de l’équipe, Gary Melnick, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. “Nos observations se sont déroulées dans une région de l’espace interstellaire où les ondes de choc ont anormalement échauffé la masse gazeuse. Cela fait 25 ans que les astrophysiciens affirment qu’une température supérieure à 100° C doit entraîner des réactions chimiques transformant en vapeur d’eau la plus grande partie des atomes d’oxygène contenus dans les gaz interstellaires. C’est précisément ce que nous avons observé dans le nuage d’Orion.”

L’un des autres membres de l’équipe, David Neufeld, de l’Université Johns Hopkins, pense que la forte concentration de vapeur d’eau constatée dans le nuage d’Orion peut expliquer la présence d’eau dans le Système solaire et sur la Terre elle-même.

“On peut comparer ce nuage, explique-t-il, à une gigantesque usine chimique qui produirait en une seule journée suffisamment de molécules d’eau pour remplir soixante fois l’ensemble des océans terrestres. Cette vapeur d’eau peut se refroidir et prendre la forme de petites particules de glace. De telles particules étaient sans doute présentes dans le nuage gazeux dont est issu le Système solaire. On peut penser que la majeure partie de l’eau présente dans le Système solaire a été produite par une colossale usine à vapeur d’eau similaire à celle que nous avons observé dans le nuage d’Orion.”

De la vapeur d’eau sur Titan
Le gros avantage d’ISO par rapport au seul satellite d’astronomie dans l’infrarouge lancé auparavant (IRAS 1983) a été de pouvoir examiner des objets distincts sur une large gamme de longueurs d’onde dans l’infrarouge définie avec précision. Les nombreux spectres représentant des courbes d’intensité aux différentes longueurs d’onde ont permis aux astronomes de déduire la présence de différentes matières dans l’espace interstellaire, à proximité des étoiles et dans d’autres galaxies.

ISO a repéré des matières pierreuses, des composés carbonés et des formations de vapeur et de glace sous forme d’eau et de monoxyde de carbone. Ces découvertes donnent pour la première fois une idée précise de la manière dont sont préparés, à partir des éléments produits par les étoiles, les ingrédients nécessaires à la formation des planètes et à la vie proprement dite. Parmi les résultats les plus intéressants figure la mise en évidence, à plusieurs reprises par ISO, de la présence d’eau dans le désert que représente à nos yeux l’espace interstellaire. Cette découverte permet d’envisager d’autres formes de vie dans l’Univers. De l’eau s’est formée autour d’étoiles en fin de vie, à proximité d’étoiles jeunes, dans l’espace interstellaire, dans l’atmosphère des planètes extérieures et dans d’autres galaxies. Or, on peut établir un lien entre cette eau et celle des océans et des rivières que nous connaissons sur notre propre planète puisque l’on sait depuis longtemps que la glace est l’un des principaux éléments constitutifs des comètes, dont l’origine remonte à l’époque de la formation des planètes.

Autre lien susceptible d’expliciter les origines de la vie, il semble qu’ISO ait détecté de la vapeur d’eau dans l’atmosphère de Titan, la plus grande lune de Saturne. Une première annonce en ce sens a été faite par une équipe internationale placée sous la conduite d’Athena Coustenis de l’Observatoire de Paris et d’Alberto Salama travaillant au Centre des opérations scientifiques d’ISO à Villafranca.

L’équipe s’est servie du spectromètre à ondes courtes d’ISO pendant plusieurs heures au mois de décembre dernier pour observer Titan alors qu’il se trouvait à son point le plus éloigné de Saturne. Les scientifiques ont détecté des émissions dans les longueurs d’onde de 39 et 44 microns, ce qui paraît correspondre à la présence de vapeur d’eau. Cette nouvelle ne manquera pas de susciter un vif intérêt parmi les chercheurs qui travaillent sur la sonde Huygens de l’ESA lancée l’année dernière à bord du satellite Cassini de la NASA. Accrochée à un parachute, elle va être larguée dans l’atmosphère de Titan afin d’observer ce qu’aurait pu être la chimie de la Terre avant l’apparition de la vie (voir “Le Ciel” de janvier et de février 1998).

“La présence de vapeur d’eau augmente beaucoup l’intérêt de Titan”, déclare Athena Coustenis. “Nous savions que l’atmosphère de Titan contenait du monoxyde et du dioxyde de carbone et nous espérions donc y trouver également de la vapeur d’eau. Maintenant que nous pensons en avoir découvert, nous pouvons espérer de mieux comprendre la chimie organique dont Titan est le siège, ainsi que l’origine de l’oxygène dans le système saturnien. Après ISO, la sonde Huygens nous montrera quel est le degré réel de complexité qui caractérise ce mélange de molécules organiques élaborées et qui ressemble étroitement à la soupe primitive qu’a connu la Terre lors de sa formation.”

Un ballet de jeunes étoiles
Les spectaculaires images prises dans l’infrarouge dans la zone de formation des étoiles de la constellation d’Orion à une distance d’environ 1 500 années de lumière ont été obtenues grâce à la prolongation de la mission ISO, véritable passe-muraille cosmique. La nébuleuse d’Orion d’un diamètre de plusieurs années de lumière, contient approximativement un million d’électrons et d’ions par un cm³ (plusieurs centaines de masses solaires en tout) et a une température comparable à celle de la surface du Soleil. La poussière contenue dans cette région absorbe la plupart de la lumière émise par les étoiles et puis réémet cette énergie dans l’infrarouge, à des longueurs d’onde 100 fois plus longues que celles de la lumière visible.

A ces grandes longueurs d’onde, la lumière passe sans encombre à travers des nuages de poussière. Cependant, l’absorption de la lumière visible est si intense que quelques-unes des étoiles ne peuvent être vues directement et ne sont détectables que par la réémission infrarouge.

Dans la nébuleuse de la Tête de cheval, l’observation dans le visible nous montre un grand nuage de poussières sombre duquel émerge une volute noire ayant la forme d’une tête de cheval. Lorsqu’on observe cette même zone avec la caméra ISOCAM, les zones sombres du nuage de poussières se présentent sous la forme de filaments brillants et la tête de cheval disparaît presque complètement. Des étoiles jeunes ont été détectées au niveau du front ainsi, que dans la nébuleuse proche NGC 2023.

Parmi les autres nébuleuses bien connues de cette région figurent NGC 2068 et NGC 2071. Les émissions produites par des composés carbonés (hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA)) donnent dans l’infrarouge une image spectaculaire des nébuleuses avec la caméra ISOCAM. Grâce à la sensibilité de cet instrument et au fait que les rayonnements infrarouges pénètrent plus facilement un nuage de poussières que la lumière visible, un ballet de jeunes étoiles apparaît sous forme de points au centre de ces deux nébuleuses. Ce n’est pas une surprise car les zones de poussières denses dénommées nuages moléculaires sont souvent le lieu d’éclosion de nouvelles étoiles.

“Nous avons utilisé ISOCAM pour recenser des familles d’étoiles jeunes” déclarent Lennart Nordh et Gorän Olofsson de l’Université de Stockholm, qui dirigent une équipe d’astronomes venant de Suède, de France, d’Italie, de Grande-Bretagne et de l’ESA. “En comparant les valeurs d’intensité d’objets ponctuels obtenues à différentes longueurs d’onde dans l’infrarouge, nous pouvons isoler avec certitude l’ensemble des étoiles jeunes encore présentes dans les nuages moléculaires dont elles sont issues.”

En étudiant les premières observations par ISO de quatre nuages de matière interstellaire, les astronomes ont pu détecter de petites étoiles en formation. “Nous avons identifié à ce jour près de 300 étoiles jeunes, dont nombre d’entre elles n’avaient jamais encore été repérées”, déclarent Nordh et Olofsson. “La plupart de ces objets ont une luminosité dix à cent fois plus faible que celle des observations antérieures. Il ressort de nos analyses préliminaires qu’au moins 10 % des étoiles jeunes incluses dans leur nuage deviendront des naines brunes ou de super-planètes isolées d’une masse inférieure au dixième de celle du Soleil.”

Collisions de galaxies
Contrairement aux étoiles, la distance typique entre les galaxies n’est pas très grande comparativement à leur taille. Ainsi, la Voie lactée fait environ 100 000 années de lumière de diamètre. Sa voisine, Andromède, se trouve à environ 2 millions d’années de lumière, c’est-à-dire 20 fois le diamètre de notre Galaxie. Cette proximité relative implique que les collisions ne sont pas rares. On estime que 2 % des galaxies sont présentement en contact.

Si les forces de gravitation qui s’exercent entre les galaxies parviennent parfois à les conduire à un choc frontal cataclysmique, la plupart du temps, elles ne font que les rapprocher. La majorité des galaxies se regroupent ainsi au sein d’amas plus ou moins liés gravitationnellement. Il n’est pas rare de voir les galaxies les plus massives posséder de plus petites en orbite autour d’elles. Il en est ainsi du Petit et du Grand Nuage de Magellan reliés à notre Galaxie par des ponts de matière, ce qui fait que notre Galaxie peut être considérée comme une galaxie en interaction. Un autre bel exemple est la galaxie spirale M51 “Les Chiens de Chasse” (emblème de la SAL) qui possède un compagnon nain de forme irrégulière auquel il est relié par un pont de matière.

Le phénomène des galaxies en interaction est important pour comprendre l’origine des différents types de galaxies, ainsi que pour l’évaluation des galaxies actives comme les quasars. De plus, une collision entre deux galaxies peut durer plusieurs milliards d’années. On n’a donc pas assez de toute une vie pour espérer observer autre chose que la même image quasiment figée correspondant à une étape du processus de rencontre.

Certaines galaxies présentent un éclat inhabituel dans l’infrarouge en raison d’accidents cosmiques qui se traduisent par des collisions avec d’autres galaxies. Il en résulte une flambée de formation d’étoiles à durée de vie courte. Ce phénomène crée un voile de poussières chaudes qu’ISO peut observer dans l’infrarouge. Les mesures d’intensité relatives aux différentes longueurs d’onde permettent aux astronomes de distinguer les flambées d’étoiles d’autres sources de fort rayonnement infrarouge, comme l’environnement d’un trou noir dans le noyau d’une galaxie. Les collisions et les flambées d’étoiles jouent un rôle important dans l’évolution des galaxies.

L’une des observations réalisées par ISO a porté sur un couple célèbre de galaxies en collision dénommé “Les Antennes” (galaxie double NGC 4038 - NGC 4039) à 50 millions d’années de lumière. L’étude en continu de ce phénomène au cours de ces deux dernières années a fait clairement apparaître une flambée d’étoiles situées précisément au point d’intersection des disques denses des galaxies. On a également pu distinguer parfaitement le noyau des deux galaxies.

Source intense de rayons gamma, et de rayons X, Centaurus A (NGC 5128) est une galaxie très étendue, à 10 millions d’années de lumière dans la Constellation australe Centaurus, qui a tout d’abord attiré l’attention des astronomes par l’intensité de ses émissions radio. Observée dans le visible, elle se présente sous la forme d’une grande galaxie ronde (elliptique) barrée d’une bande sombre. Cette dernière s’est également avérée être le résultat d’une collision galactique. Il s’agit en fait d’une galaxie en forme de disque aplati dont on ne voit pratiquement que la tranche. Centaurus A est l’exemple le plus proche de nous d’un phénomène observé ailleurs dans l’Univers par ISO, phénomène dans lequel une galaxie discoïde fusionne avec une galaxie elliptique tout en conservant sa configuration aplatie.

ISOCAM fournit une image de Centaurus A dans laquelle la galaxie discoïde est l’objet le plus intéressant. L’orientation du disque apparaît clairement : il est perpendiculaire à l’axe des émissions radio, qui sont provoquées par des jets d’électrons propulsés par un trou noir situé au centre de la galaxie. La forte activité détectée par le spectromètre ondes courtes d’ISO signale également la présence d’un trou noir actif.

“Centaurus A illustre la magie d’ISO” déclare Catherine Césarsky du CEA Saclay, France, responsable de l’équipe en charge de l’instrument ISOCAM. “ISO transforme des nuages opaques dans le visible en scènes lumineuses dans l’infrarouge. Il fait de même avec les nuages de poussières qui masquent les étoiles à leur naissance et, à une échelle gigantesque, avec les galaxies entourées de nuages de poussières où se produisent des flambées de formation d’étoiles; dans le rayonnement infrarouge, elles deviennent des repères lumineux qui balisent notre route jusqu’au plus profond de l’Univers.”

Dans une note d’information du 14 mai dernier, la NASA publie une série de photos réalisées dans le visible par le Hubble Space Telescope en août 97 et janvier 98 qui montrent en gros plan des agglomérats brillants de jeunes étoiles bleues le long du disque de poussières entourant Centaurus A, la plus proche galaxie active de la Terre.

Des galaxies lointaines observées à travers les trous de l’Univers
Lorsque ISO a été lancé, les astronomes avaient notamment l’espoir de pouvoir détecter des galaxies rendues lumineuses par des flambées d’étoiles ou par l’activité de trous noirs, dans des régions situées à des distances considérables, ce qui équivalait à remonter très loin dans le passé. Or, la poussière présente dans notre propre Galaxie, la Voie Lactée, nous empêche généralement de voir les galaxies les plus lointaines et les moins lumineuses. Toutefois, en effectuant des observations vers le Nord et vers le Sud, perpendiculairement au disque de la Voie Lactée, les astronomes découvrent des trous dans les nuages de poussières à travers lesquels ils peuvent observer des galaxies lointaines.

Pour ISO comme pour le Télescope Spatial Hubble, ces trous ont été considérés comme des cibles privilégiées pour les observations à longue durée d’exposition afin de mettre en évidence des galaxies faiblement lumineuses. Les résultats obtenus par une équipe placée sous la conduite de responsables japonais en pointant la caméra ISOCAM sur le trou nord ont été diffusés l’année dernière. Ils témoignent de la présence de nombreuses galaxies détectables dans l’infrarouge à des milliards d’années de lumière, à une époque correspondant à environ la moitié de l’âge actuel de l’Univers. Il est possible que les observations d’ISO révèlent des galaxies encore plus lointaines et plus anciennes et même certains objets qui n’ont jamais encore été observés dans le visible.

Les résultats comprennent des observations dans l’espace lointain réalisés par des groupes d’astronomes sous la conduite de Catherine Césarsky du CEA Saclay et de Michael Rowan Robinson de l’Imperial College, Londres, qui ont analysé respectivement les images obtenues en direction du Nord et du Sud. Vers le Nord, si l’on superpose les observations ISOCAM à une image prise par Hubble dans la même zone, on découvre des galaxies spirales qui connaissent des flambées d’étoiles. On trouve également de grandes galaxies elliptiques dont les émissions dans le visible ont été décalées vers l’infrarouge du fait de l’expansion de l’Univers. Les astronomes estiment que certains des objets détectés par ISOCAM sont à une distance telle que l’Univers n’avait que le tiers de son âge actuel lorsqu’ils ont émis les rayonnements que l’on observe aujourd’hui.

Les premières images d’ISO prises dans l’espace lointain en direction du Sud montrent des objets similaires situés également à des distances considérables. Une première analyse indique la présence de trente à quarante galaxies lointaines dans une longueur d’onde de 7 microns et vingt-deux à trente autres à 15 microns. On a également découvert une intéressante source de rayonnement infrarouge indétectable dans le visible, même par une observation prolongée au moyen du télescope de 4 mètres CTIO au Chili (A.Walker). Les astronomes pensent qu’il pourrait s’agir d’un objet subissant un épisode particulièrement violent de formation d’étoiles. Cette interprétation pourra être vérifiée lorsque Hubble et d’autres télescopes auront la possibilité d’observer cette scène.

On ne peut clôturer cet éventail sans signaler qu’ISO s’est aussi intéressé de près à la Comète 46P/Wirtanen, objectif de la future mission de la sonde planétaire européenne “Rosetta” qui doit être lancée en 2003 et qui consistera à aller analyser le noyau cométaire en y déposant un module pour faire une étude de sa topographie et de sa composition chimique. Rappelons que les comètes sont réputées pour être représentatives du stade primitif du Système solaire. Cette mission, qui durera pendant 17 mois, d’avril 2012 à septembre 2013, constituera un élément majeur de la science planétaire.

Quand l’homme défie l’Univers
Les activités relatives à ISO se poursuivront à la station de Villafranca jusqu’en 2001, bien après l’achèvement de la phase d’observation de la mission. Au cours des opérations spatiales, le principal objectif était de réaliser un nombre d’observations aussi élevé que possible. L’analyse détaillée et l’interprétation des résultats prendront plusieurs années. Cette longue période de dépouillement des données collectées par ISO est très certainement la plus grisante.

“Nous avons encore du pain sur la planche” déclare Martin Kessler, responsable scientifique du projet ISO à l’ESA. “Notre équipe prépare actuellement à Villafranca des archives complètes des données ISO sur 500 à 1000 disques compacts après un nouveau traitement au moyen d’un logiciel amélioré. Nous diffuserons une partie de ces archives auprès de la communauté astronomique mondiale l’automne prochain et le reste en 1999. Nous allons également conseiller les astronomes qui ont utilisé ISO sur les exigences particulières de traitement des données de chaque instrument et nous allons effectuer nous-mêmes certaines recherches en astronomie. En effet, ISO est loin d’avoir fourni tous ses résultats.”

C’est certain, ISO va manquer aux astronomes, et les réponses qu’il a fournies à leurs questions vont susciter la quête de nouvelles connaissances. C’est la raison pour laquelle les spécialistes européens de l’astronomie dans l’infrarouge préparent déjà activement les missions FIRST et Planck de l’ESA, qui doivent être lancées au début du siècle prochain. FIRST servira à détecter les ondes longues dans l’infrarouge dans la gamme submillimétrique et pourra pénétrer encore plus profondément dans l’inconnu, tandis que Planck établira une cartographie du fond cosmique dans les hyperfréquences avec une précision nettement supérieure à celle de la mission COBE de la NASA afin de mettre en évidence les agrégats de matière qui ont donné naissance aux galaxies. L’ESA étudie également la possibilité de conduire une mission d’interférométrie utilisant une combinaison de télescopes dans l’infrarouge. Elle pourrait en principe permettre l’observation et la caractérisation de planètes en orbite autour d’autres étoiles.

L’année prochaine verra le lancement du satellite XMM de l’ESA qui observera les rayonnements X en provenance de l’Univers à l’aide des télescopes à rayons X les plus ingénieux et les plus sensibles jamais réalisés. Il sera suivi en 2001 par INTEGRAL, qui étudiera le rayonnement cosmique gamma à l’aide de système d’imagerie sophistiqués et de détecteurs ultra-sensibles.

Ces choix peuvent se comprendre aisément. Il faut se souvenir qu’un grand nombre de phénomènes cosmiques n’ont été découverts que dans les cinquante dernières années, surtout grâce à l’introduction en astronomie de techniques liées aux rayonnements radio, infrarouge, X et gamma. Aucun de ces nouveaux phénomènes n’avaient été prévu avant la seconde Guerre mondiale.

Une question nous vient dès lors à l’esprit : combien en reste-t-il encore à découvrir, quel est donc le degré de richesse et de complexité de l’Univers ? Voilà une question qui restera peut-être à jamais sans réponse définitive. Et pour cause. A l’inverse des autres sciences, l’astronomie ne peut rien stimuler. Elle doit se contenter d’observer et d’enregistrer ce qui lui est offert. A elle de toujours inventer des instruments toujours plus perfectionnés pour poursuivre avec toujours plus d’affinement cette observation et cette collecte d’informations que véhicule l’Univers.

Comme le fait très bien remarquer l’astrophysicien hongrois Martin Harwit, déjà cité plus haut, “Toute l’information reçue de l’Univers, au-delà du Système solaire, est transmise au moyen de radiations électromagnétiques (lumière, ondes radio, rayons X, rayons gamma, infrarouge) ou par des particules cosmiques (électrons et noyaux d’atomes). Deux autres vecteurs sont connus en physique, les neutrinos et les ondes gravitationnelles. Tous deux sont extrêmement difficiles à détecter. Même parmi les ondes électromagnétiques et les particules cosmiques, il y en a un grand nombre soit qui ne pourront jamais nous atteindre, soit qui sont tellement transformées qu’il n’est plus possible de retrouver la trace de leur origine.”

Chaque nouvelle mission de l’ESA, comme chaque nouvelle observation, comme chaque nouvelle exploration spatiale, est susceptible d’apporter quelques éléments de réponse à notre question. Mais, d’abord, c’est à chaque fois un nouveau défi de l’homme aux limites naturelles que l’Univers lui impose.

Pierre Bastin

Dans l’œil d’ISO - l’Univers… infiniment!

Joyau de la haute technologie européenne et première mission « type » du programme « Horizon 2000 » de l’Agence spatiale, ISO (Infrared Space Observatory ou laboratoire spatial pour l’infrarouge) fut lancé le 16 novembre 1995 avec pour mission d’observer l’Univers froid dans l’infrarouge, dans les longueurs d’ondes situées entre le visible et les ondes radio, ce qui est réservé aux observatoires spatiaux, l’atmosphère terrestre empêchant quasiment toute observation au sol.

Pour rappel, la mission d’ISO comprenait, entre autres, l’étude des nébuleuses diffuses, l’exploration du centre galactique, l’abondance des éléments dans la Voie lactée, les mécanismes qui président aux ultimes étapes avant l’allumage nucléaire des étoiles, les étoiles qui ne démarreront jamais comme les naines brunes, de masse trop faible, que l’on suppose être nombreuses et dont l’existence n’a encore jamais été confirmée par l’observation.

ISO avait aussi la charge de calculer le taux de formation d’étoiles dans les galaxies, d’étudier les fameuses galaxies infrarouges ultralumineuses, d’effectuer une plongée aux confins de l’Univers avec l’observation de quasars pour remonter jusqu’à la formation des premières galaxies. Il aura été bien au-delà de toutes ses promesses.

Les résultats obtenus au terme de ses 18 mois de mission ont été présentés le 25 août 1997 aux astronomes du monde entier réunis à Kyoto, au Japon, à l’occasion de la XXIIIème Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale à laquelle participèrent plus de 1600 astronomes du monde entier. Une journée entière a été consacrée à une session spéciale pendant laquelle dix-huit présentations distinctes ont illustré l’importance d’ISO pour différents domaines de l’astronomie allant des observations lointaines et de la cosmologie à notre propre Système Solaire en passant par des études du milieu galactique et extragalactique (Voir « Le rouge de l’azur » dans « Le Ciel » d’octobre 1997).

Ces premiers résultats firent aussi l’objet d’une note de synthèse réalisée par l’ESA et publiée dans
« Le Ciel » de novembre 1997 sous le titre « ISO sonde nos origines cosmiques ».

Cette Assemblée fut encore l’occasion de l’annonce officielle de la prolongation de la mission ISO portée à 28 mois au lieu des 18 fixés dans les spécifications. Avec ce tiers de vie en plus, le télescope est resté opérationnel jusqu’en avril 1998 et a augmenté sa moisson d’autant (« Le Ciel » de juin 1998 sous le titre
« ISO, passe-muraille cosmique »).

La première grande conférence scientifique consacrée à ISO depuis la fin de la mission s’est tenue à Paris en octobre 1998 au siège de l’UNESCO. Plus de 400 spécialistes de l’astronomie dans l’infrarouge (IR) se sont réunis pour débattre des découvertes les plus récentes du télescope ISO. Cette conférence dont le thème était
« L’Univers vu par ISO » a été l’occasion de près de 300 communications scientifiques couvrant tous les domaines de l’astronomie, du Système solaire à la cosmologie.

Nous avons déjà eu un avant-goût de ces nouvelles découvertes d’ISO grâce à une note d’information de l’ESA intitulée « Des diamants dans l’espace » et publiée dans « Le Ciel » de mai dernier. Ce n’est certainement pas la plus spectaculaire ni la plus essentielle même si elle peut faire rêver les joailliers. Les quelques résultats que nous avons rassemblés ci-dessous permettent d’en avoir une meilleure idée.

Un baby-boom stellaire
Nous l’avions expliqué en détail en son temps. Le programme d’ISO comportait des missions destinées à pousser la porte des pouponnières que sont les gigantesques nébuleuses, essentiellement composées d’hydrogène, telle que la toute belle nébuleuse d’Orion, joyau de nos nuits d’hiver. La formation des étoiles au sein des nébuleuses apparaît aujourd’hui comme un phénomène complexe mettant en jeu des réactions en chaîne.

Si les mécanismes de formation des étoiles sont aujourd’hui assez bien connus, il existe encore certaines zones d’ombre. Les théories suggèrent notamment que lorsque plusieurs étoiles naissent dans une région particulière de l’Univers, le processus s’étend aux nuages de matières environnant. Grâce au télescope ISO, une équipe d’astronomes européens vient maintenant de confirmer cette hypothèse par l’observation de la nébuleuse Trifide.

Les étoiles se forment dans les nébuleuses par contraction gravitationnelle des nuages de gaz et de poussières. Il y a environ cent mille ans, ce phénomène a conduit à la naissance d’une étoile très massive dans la nébuleuse Trifide, une région située à un peu plus de 5 475 années de lumière de la Voie Lactée. L’énergie émise par cette étoile a modifié les conditions physiques et chimiques de son environnement, accélérant ainsi d’autres contractions gravitationnelles et provoquant la formation d’une nouvelle génération d’étoiles en une sorte de réaction en chaîne.

En pointant le télescope spatial à infrarouge ISO vers cette nébuleuse, l’astronome espagnol José Cernicharo de l’Instituto de Estructura de la Materia (Madrid) et ses collègues ont pu être les témoins privilégiés de ce phénomène rare. « La formation d’une étoile n’est pas un événement isolé, devait expliquer aujourd’hui Diego Cesarsky de l’Institut d’astrophysique spatiale (Paris) et membre de l’équipe. Les observations dans le visible avaient déjà poussé les astronomes à soupçonner ces phénomènes de cascades mais les poussières entourant les plus jeunes étoiles les empêchaient de confirmer cette hypothèse. »

Ce n’est que grâce à des observations dans l’infrarouge qui permettent de passer outre ce voile obscur que les astronomes ont pu établir la présence de plusieurs proto-étoiles d’une masse comprise entre 17 et 60 fois celle du soleil dans la nébuleuse Trifide. Cependant, il n’est pas encore exclu que ces proto-étoiles très massives constituent en fait des regroupements de plusieurs individus. De nouvelles observations dans l’infrarouge seront nécessaires afin de comprendre pleinement les mécanismes de formation des étoiles.

Des anneaux en rotation autour d’Andromède
La galaxie d’Andromède, l’une des plus proches voisines de notre propre Voie Lactée, considérée jusqu’à ce jour par tous les astronomes comme un modèle de galaxie spirale, tenait bien cachée une de ses principales caractéristiques. Aujourd’hui, grâce à ISO, Andromède apparaît comme une spectaculaire galaxie entourée de multiples anneaux concentriques en formation, composés de poussières froides, où règne une température d’environ -206°C.

Les observations - telle cette structure concentrique en rotation - confirme qu’ISO peut dévoiler un visage complètement inconnu de l’Univers. « Avec son aptitude unique à regarder des régions du ciel d’un œil nouveau, ISO a rendu l’invisible visible », comme devait le souligner Martin Kessler, scientifique responsable du projet ISO à l’ESA.

Andromède, aussi dénommée M 31, est située à seulement deux millions d’années de lumière de nous, sa masse se révélant comparable à celle de notre galaxie. Une grande quantité de la poussière ainsi la plupart des gaz d’Andromède se retrouvent concentrés dans l’anneau le plus lumineux dans l’infrarouge. Il est aussi acquis que de nouvelles étoiles sont nées dans cet anneau, d’un radian de 10 kiloparsec, soit une distance équivalente à la position de notre Système solaire par rapport au centre de notre Galaxie ou 30 000 années de lumière.

Les anneaux sont composés essentiellement de poussière froide, de telle sorte qu’ils restent complètement invisibles aux télescopes terrestres conventionnels et ne se révèlent qu’en observation infrarouge. La température de cette poussière froide, presque - 260° C, étant considérablement inférieure aux estimations précédentes pose un nouveau problème aux astronomes qui devront expliquer le déficit de poussière à l’intérieur des anneaux par rapport aux d’étoiles en formations.

Les nouvelles informations fournies par ISO laissent à penser qu’Andromède transite peut-être actuellement par une phase au cours de laquelle elle se transforme progressivement en une galaxie à anneaux, que dans un lointain avenir les télescopes classiques pourront aussi observer comme telle. La formation d’étoiles dans ces anneaux et la lumière qui sera ainsi diffusée permettront de réaliser de telles images dans le spectre du visible.

Arcs gravitationnels et face cachée de l’Univers
Pour la première fois, des arcs gravitationnels ont été détectés dans l’infrarouge par ISO. Ceux-ci représenteraient de jeunes galaxies lointaines en collision, agrandies et déformées, dont l’image remonte à une époque où l’âge de l’Univers n’était que le tiers de son âge actuel, peut-être même moins. En révélant ces images, ISO nous dévoile par là même la face cachée de l’Univers à ses tout débuts.

Avant ISO, aucun arc gravitationnel n’avait été détecté dans ces longueurs d’ondes ; cette découverte constitue donc une belle victoire pour tous ceux qui, en butte à des prévisions pessimistes, avaient parié sur la capacité d’ISO à détecter de tels arcs gravitationnels dans l’infrarouge. Noyés dans la poussière interstellaire, ces arcs n’ont pu jusqu’à présent être détectés par aucun autre télescope.

Les arcs gravitationnels sont produits par la courbure de la lumière au voisinage d’objets extrêmement denses comme des amas de galaxies géants qui se comportent comme une lentille. Un phénomène d’amplification se produit lorsque cette lentille gravitationnelle s’intercale entre l’observateur terrestre et un objet bien plus lointain, qu’elle amplifie d’un facteur compris entre 2 et 10. Cet effet a pour conséquence de déformer l’image de l’objet lointain en l’étirant, d’où l’appellation d’arc gravitationnel.

Pour réaliser cet exploit, les astronomes utilisant ISO ont débuté leurs recherches en direction d’amas de galaxies, et particulièrement Abell 37 où ils ont détecté la présence d’un arc gravitationnel géant, traduisant l’image déformée d’Abell 2390, un ensemble de jeunes galaxies en collision. Dans ce cas très précis d’Abell 2390, le temps d’exposition de la caméra ISOCAM embarquée à bord d’ISO est exceptionnellement long puisqu’il a fallu pas moins de 16 heures pour en recueillir la lumière. Cela représente, considérant les caractéristiques orbitales d’ISO, les capacités maximales d’exposition d’ISOCAM vers une source donnée.

Déjà, les scientifiques d’ISO ont identifié des lentilles gravitationnelles dans d’autres amas et comptent bien consacrer FIRST, le prochain satellite infrarouge de l’ESA, à leur observation.

Grâce à ces résultats, les astronomes ont pu entrouvrir une nouvelle fenêtre en direction d’un Univers encore méconnu et dont les détails sont restés cachés jusqu’à ce jour. L’aptitude d’ISO de lancer un regard à travers la poussière interstellaire nous dévoile un jeune Univers tel qu’il apparaissait peu de temps après l’explosion originelle, celui-ci nous apparaissant beaucoup plus actif que tout ce que nous pensions jusqu’à présent.

Les résultats d’observations telles celle d’Abell 2390 étayent les hypothèses selon lesquelles une population de jeunes galaxies fusionnant entre elles engendrent des explosions d’étoiles, novae ou supernovae. Ainsi dans l’amas Abell 2390, il semble que les galaxies fusionnent intimement entre elles alors que sous l’œil d’ISO, il apparaît que se forme une population d’astres bien distincts.

Mais d’autres domaines de la cosmologie profiteront aussi des résultats d’ISO. Ainsi, il est déjà permis de dégager préférentiellement certaines versions de l’évolution de l’Univers. Les observations découlant d’ISO semblent confirmer le modèle suggérant que les types actuels de galaxie, spirale et elliptique, sont bien le résultat de la fusion de plus petites galaxies en plus grandes, puis en amas. Selon cette hypothèse, les galaxies naines, irrégulières, s’agglomèrent en galaxies spirales qui ultérieurement se transformeront en galaxies elliptiques.

La compréhension de ces processus devrait nous permettre de mieux comprendre l’Univers tel qu’il se présentait aux premières heures de son existence.

La « toile de fond » cosmique
ISO a aussi découvert une nouvelle population de galaxies, les premiers objets que l’on connaisse qui contribuent à la lueur diffuse émise par le fond de l’Univers. Cette découverte va permettre de percer plus facilement le mystère de la formation des galaxies.

Une équipe d’astronomes français utilisant le télescope spatial ISO a ainsi détecté plus d’une vingtaine de galaxies lointaines en pleine évolution, soit qu’elles se mélangent pour former de plus grandes galaxies, soit qu’elles atteignent leur forme définitive. Ce sont les premiers objets connus qui contribuent, par leur énergie, à constituer le fond de rayonnement cosmique dans l’infrarouge, rayonnement qui forme la toile de fond de l’Univers et dont l’émission remonte à l’époque de la formation des galaxies. Les galaxies lointaines que l’on vient de découvrir constituent le « décor » de cette toile de fond.

(Il ne faut pas confondre le fond de rayonnement cosmique dans l’infrarouge et le fond de rayonnement dans les hyperfréquences qui emplit également l’Univers mais qui a été libéré peu après le Big Bang. Le fond de rayonnement dans les hyperfréquences constitue l’écho du Big Bang proprement dit alors que le fond de rayonnement dans l’infrarouge est le vestige du processus de formation des galaxies.)

Cette découverte va, pour la première fois, permettre aux chercheurs de mettre à l’épreuve différentes théories sur la formation des galaxies et donc de s’attaquer à un problème clé de l’astronomie, qui n’est toujours pas élucidé, celui de la naissance des galaxies. En effet, les télescopes actuels ne peuvent remonter aussi loin dans le temps (environ 12 millions d’années).

Cette équipe, sous la conduite de Jean-Loup Puget de l’Institut d’Astrophysique Spatiale de Paris, a pu surmonter en partie cet obstacle du fait, précisément, qu’elle était à la recherche des galaxies primitives en se concentrant d’abord sur l’étude de la toile de fond cosmique, le « fond de rayonnement dans l’infrarouge ».

Cette lueur diffuse qui emplit tout l’univers est un sous-produit de la formation des galaxies, un vestige de l’époque de la naissance des premières galaxies. On avait prévu son existence, il y a trente ans, et on savait qu’on pouvait la détecter uniquement aux longueurs d’ondes de l’infrarouge car la poussière qui entoure les jeunes galaxies les rend à la fois opaques dans le visible et lumineuses dans l’infrarouge. Or cette toile de fond s’est révélé très peu lumineuse : il y a deux ans, l’équipe de Jean-Loup Puget n’a pu la détecter qu’après une analyse poussée des données transmises par le satellite COBE de la NASA.

Le fond de rayonnement dans IR ayant été détecté, l’étape suivante devait consister à l’isoler des sources qui ont contribué à sa formation, c’est-à-dire, des jeunes galaxies en évolution qui forment le « décor » de cette immense toile de fond.

Les quelque 24 galaxies lointaines que l’équipe de Jean-Loup Puget a découvertes sont extrêmement faibles. Leur détection n’est due qu’à l’utilisation du photomètre ISOPHOT embarqué à bord d’ISO et qui est, sans nul doute, le télescope spatial dans l’infrarouge le plus performant et le plus sensible qui a jamais existé.

Parlant de sa découverte, Jean-Loup Puget a expliqué : « A l’origine, les astronomes ne pensaient pas trouver autant de sources mais bien que nous ayons rencontré un grand nombre de galaxies comme nous l’avions prévu, nous savions aussi que ces objets ne sont que la partie visible de l’iceberg. Notre méthode et des instruments plus sensibles, notamment le satellite FIRST de l’ESA qui doit prendre la succession d’ISO, nous permettront de découvrir de nombreuses autres sources ».

Lors de l’exploration du fond de rayonnement dans l’IR et de la recherche des différentes galaxies qui le forment, la tâche la plus difficile que l’équipe ait eu à entreprendre a été d’extraire toutes les émissions infrarouges provenant des sources proches comme la poussière de notre propre galaxie et du Système solaire.

« C’est un peu comme si l’on essayait d’écouter un oiseau dont le chant serait couvert par le bruit de la circulation » explique Jean-Loup Puget. L’une des implications les plus surprenantes de la découverte du fond de rayonnement dans l’IR, récemment confirmée par trois autres groupes d’astronomes examinant des données transmises par COBE, est que des étoiles, beaucoup plus nombreuses que ce que l’on pensait auparavant, se sont formées aux premiers temps de l’Univers.

« L’âge des ténèbres » de l’Univers
Pour détecter les sources de faible luminosité contribuant à la lueur diffuse dans l’IR, il fallait élaborer une méthode spécifique. En un premier temps, les astronomes français ont travaillé sur des modèles informatisés pour déduire les populations de galaxies nécessaires à la production du fond observé, puis, ils ont défini les données de départ d’une étude dans l’infrarouge pour détecter la population prévue. C’est ainsi qu’ont commencé les recherches menées par le satellite ISO.

“Le photomètre ISOPHOT est le seul instrument actuel capable de détecter des objets de faible luminosité émettant dans les longueurs d’ondes avec lesquelles nous travaillons, c’est-à-dire au-delà de 100 microns” précise Jean-Loup Puget. La zone du ciel observée, le champ Marano, se trouve dans l’hémisphère sud ; elle a été explorée sous d’autres longueurs d’ondes, notamment celles qui sont exemptes du bruit des sources de premier plan.

La détection des 24 nouvelles sources infrarouges a prouvé que la méthode était fondée. Cette méthode permettra probablement de sonder les ténèbres de l’Univers, il y a plus de 12 millions d’années, période qui est au-delà de la portée des télescopes actuels et qui a vu la formation des premières galaxies. Cette découverte montre que l’exploration de cette période doit se faire dans les longueurs d’ondes de l’infrarouge.

Mais il reste encore beaucoup à faire, comme découvrir les nombreuses autres sources qui contribuent au fond de rayonnement dans l’infrarouge et calculer l’âge précis de cette nouvelle population de galaxies détectée par ISOPHOT.

« Si possible, nous devrons les trouver dans la lumière visible et mesurer leur distance et leur âge. Nous savons que les galaxies détectées à ces distances contribuent pour moins de 12% au fond de rayonnement dans l’infrarouge, ce qui signifie que la contribution la plus importante vient de sources plus faibles que nous n’avons pas encore découvertes. Nous avons encore beaucoup à faire dans ce domaine. » conclut Jean-Loup Puget.

ISO confirme l’expansion infinie
Comme nous l’écrivions dans notre article intitulé « Orion appelle ISO » publié dans « Le Ciel » de septembre 1995 en détaillant la mission scientifique de cet observatoire spatial européen, ISO pourrait être en mesure de résoudre la question de la densité de matière de l’Univers, une matière qui, du coup, cesserait d’être sombre. Comme on le sait, cette masse obscure (ou masse cachée) représente environ 90 % de la masse totale de l’Univers. Une fois connue, cette masse nous dira si l’Univers est ouvert ou fermé. Ouvert, son expansion ne s’arrêtera pas; fermé, son expansion s’arrêtera pour faire place à une contraction fatale. Jusqu’au lancement d’ISO, les deux possibilités restaient envisagées. Comme on peut le comprendre, la cosmologie pourrait faire un fameux bond en avant et améliorer fondamentalement notre compréhension de l’Univers si ISO arrivait à confirmer l’une ou l’autre de ces deux hypothèses.

Et bien, ici encore ISO a répondu à toutes les attentes. Une équipe internationale d’astronomes vient d’obtenir de nouvelles données sur cette valeur de densité de matière grâce aux données que le télescope européen a pu collecter.

Cette équipe a mesuré pour la première fois l’abondance d’un élément chimique particulier, le deutérium, dans une pouponnière d’étoiles très actives de la nébuleuse d’Orion. Leurs résultats confirment que la quantité totale de matière ordinaire ne suffit pas pour stopper l’expansion de l’Univers et déclencher un jour son effondrement, le « Big Crunch ».

Le deutérium, un isotope de l’hydrogène, est un élément clé pour les astronomes qui étudient l’origine de l’Univers. La totalité du deutérium que l’on peut détecter aujourd’hui a été produite quelques minutes après le Big Bang et résulte d’un processus, dénommé nucléosynthèse primordiale, qui a également engendré quelques autres éléments comme l’hydrogène et l’hélium.

Le Big Bang est la seule et unique source de deutérium connue dans l’Univers. Les astronomes considèrent donc le deutérium comme un « élément fossile » recelant de nombreuses informations sur le cosmos.

L’abondance du deutérium aux premiers moments de l’Univers a un lien direct avec la quantité totale de matière ordinaire existante, dite « matière baryonique », c’est de cette valeur que dépend le sort ultime de l’Univers. En effet, selon les théories les plus couramment admises, si la quantité totale de matière dépasse une certaine valeur, appelée densité critique, l’Univers cessera à très long terme de se dilater et finira par s’effondrer lors du « Big Crunch ». Dans le cas contraire, l’expansion de l’Univers se poursuivra indéfiniment.

Il n’est toutefois pas facile de mesurer l’abondance du deutérium primordial. La quantité initiale de deutérium dans l’Univers au moment du Big Bang, il y a 10 à 15 milliards d’années, a depuis lors beaucoup diminué car cet élément est détruit dans les réactions nucléaires qui se produisent à l’intérieur des étoiles. Les astronomes ont mesuré des valeurs différentes de deutérium d’une région à l’autre et tentent d’en déduire l’abondance du deutérium au moment de Big Bang.

La nouvelle valeur obtenue par l’équipe internationale dirigée par Chris Wright (École de physique, Universty College, Canberra en Australie) et Ewine van Dishoeck (Observatoire de l’Université de Leiden aux Pays-Bas), qui a utilisé le spectromètre à grande longueur d’onde (LWS) embarqué sur ISO, permet pour la première fois de déduire l’abondance du deutérium dans une région de formation active d’étoiles, la Barre d’Orion, dans la nébuleuse du même nom, à 1500 années de lumière environ.

Le deutérium mesuré se trouvait confiné dans du deutérium d’hydrogène, la principale molécule de l’Univers contenant du deutérium. L’équipe a trouvé, dans la Barre d’Orion, un atome de deutérium pour 100 000 atomes d’hydrogène, ce qui correspond à d’autres mesures effectuées dans d’autres régions, qui indiquent que la quantité de matière ordinaire dans l’Univers ne suffit pas pour déclencher l’effondrement de celui-ci.

« Nous avons franchi une étape nous rapprochant du but que nous cherchons tous à atteindre : déterminer l’abondance du deutérium au moment du Big Bang », devait souligner Chris Wright. « Nous avons confirmation que la densité de matière ordinaire (baryonique) est inférieure à ce qu’il faudrait pour que l’Univers se referme ».

Ce résultat démontre également la faisabilité d’une nouvelle technique de mesure de la quantité de deutérium dans les régions de formation active d’étoiles, technique qui sera réutilisée par les prochains télescopes spatiaux dans l’infrarouge comme le télescope FIRST (Far InfraRed Space Telescope, c’est-à-dire télescope spatial dans l’infrarouge lointain et le domaine submillimétrique), que l’ESA doit lancer en 2007.

La communauté scientifique s’attend maintenant à un flot d’autres découvertes grâce à ISO, les données du satellite étant depuis peu accessible aux astronomes du monde entier. Les archives d’ISO, une véritable mine, contiennent en effet environ 30 000 observations scientifiques. Elles se trouvent au Centre des données d’ISO (IDC) à Villafranca, en Espagne et sont accessibles gratuitement.

En attendant, nous avons déjà au moins une certitude, celle que l’Univers ne reviendra pas sur ses pas.

Vous avez dit Univers? Oui, infiniment!

Pierre Bastin

SOHO-CLUSTER et le chant d’Hélios - Pour son bis, le quatuor devient PHENIX

Pierre angulaire du programme " Horizon 2000 " de l’Agence Spatiale Européenne, le projet SOHO-CLUSTER (SOHO: Solar Heliospheric Observatory) s’inscrit dans l’étude des relations Soleil-Terre. Il est consacré à l’étude du Soleil, de son activité physique interne, de la variation de la propagation d’ondes de pression, de sa composition chimique, de sa température et même de la vitesse de rotation à l’intérieur du Soleil, ce qu’on appelle l’héliosismologie, de manière à vérifier si notre étoile est conforme au modèle standard qu’on lui attribue.

SOHO est un projet mené en coopération internationale par l’ESA et la NASA. Le satellite a été conçu et réalisé en Europe, la NASA a fourni le lanceur et assure la conduite et le contrôle du satellite de son centre, le GODDARD SPACE FLIGHT CENTER, dans le Maryland. (Une présentation générale de la mission a été publiée dans " Le Ciel " de décembre 1995)

La mission CLUSTER comprend quatre petits satellites devant être placés au-dessus des pôles de la Terre, à environ une trentaine de rayons terrestres. Ils ont pour missions d’étudier la magnétosphère et l’héliosphère dans les zones polaires et d’effectuer des mesures de ces phénomènes de physique des plasmas (plasma: stade de l’état fluide de la matière après le stade gazeux) dont la magnétosphère est l’objet lorsqu’elle est soumise à un flux de particules et à des variations importantes de l’activité solaire.

Elle a constitué une grande première scientifique et industrielle, à savoir la construction de quatre satellites identiques et leur exploitation simultanée. L’ESA a recouru à quinze sociétés européennes. Deux cents chercehurs d’Europe ont collaboré à la mise au point des instruments scientifiques. D’autre, de la Chine au Canada, de Russie, d’Inde, d’Israël, des USA se sont joints à eux, faisant de ce projet l’un des plus internationaux qui soit pour l’étude des relations Soleil-Terre.

EIT et les promesses tenues
Lancé avec succès le 2 décembre 1995 par une fusée Atlas 2AS depuis le Centre spatial Kennedy en Floride, le satellite SOHO fut placé sans problème, après quatre mois de pilotage, sur sa position de travail autour du premier point de Lagrange du système Terre-Lune/Soleil (https://www.pleine-lune.org), à environ 1,5 million de kilomètres de la Terre, c’est-à-dire là où la force de gravitation de la Terre et celle de notre étoile s’équilibrent, une sorte de " point fixe " d’où le Soleil est visible 24 h sur 24. L’observatoire européen est arrivé à son poste de travail le 14 mars 1996, deux semaines plus tôt qu’il n’était initialement prévu. Par une heureuse coïncidence, c’est la date du dixième anniversaire d’un autre exploit spatial: la rencontre de la sonde Giotto de l’ESA avec la comète de Halley.

Depuis, SOHO poursuit sa croisière en décrivant une trajectoire en ellipse autour de cette position idéale avec un périgée de 200 000 km pour une apogée de 600 000 km et offre aux scientifiques un véritable laboratoire spatial sans précédant. La réalisation de SOHO a d’ailleurs constitué un petit défi. Deux tonnes de haute technologie pour 4 mètres de hauteur: " SOHO est l’un des satellites scientifiques les plus complexes en Europe " de l’aveu même de Roger-Maurice Bonnet, directeur scientifique de l’ESA, soulignant l’importance de la " douzaine d’expériences extrêment sophistiquées " embarquées à bord de la sonde, dont " quatre sont plus volumineuse qu’une cabine téléphonique " et ceci pour une qualité de mesure qui a exigé " des précautions de propreté drastiques impliquant plusieurs nettoyages complets, à la main, poussière par poussière, du satellite chez le constructeur Matra, à Toulouse ".

Et d’ajouter: " Chacun de ces instruments autoriserait à lui seul des avancées majeures dans notre connaissance du Soleil. Ce qui fait de SOHO une mission passionnante, c’est que tous ses instruments travaillent ensemble et nous permettent de découvrir les relations qui peuvent exister entre les phénomènes variés se produisant dans les différentes couches du Soleil et dans le milieu interplanétaire ".

L’une de douze expériences n’est autre que EIT, un télescope imageur dans l’extrême ultraviolet (Extreme Ultra-Violet Imaging Telescope) comportant un télescope Ritchey-Chrétien muni de filtres particuliers et un détecteur CCD spécialement adapté pour les images dans l’ultraviolet. La réalisation de cet instrument a associé des laboratoires belges, français et américains, le maître d’oeuvre belge étant le Centre spatial de Liège (Université de Liège), en collaboration avec l’Observatoire Royale de Belgique à Uccle. L’entreprise Spacebel Instrumentation (Liège) a construit la structure du télescope, pour lequel les Français ont fourni le système optique et les Américains l’électronique. La réalisation a été financée conjointement par l’Etat belge (Service fédéraux des Affaires scientifiques, techniques et culturelles) à 80% et la Direction générale des technologies, de la recherche et de l’énergie (Dgtre), à 20%.

Précisons que dans le cadre de ce programme EIT, les responsabilité du Centre spatial de Liège ont été axées sur les tâches de coordination du projet vis-à-vis de l’ESA; de conception, de développement et de fabrication de la structure mécanique du télescope; de qualification du télescope par des tests d’ambiancce et fonctionnels; de l’étude des instruments de support au sol. Spacebel fut plus spécialement impliquée dans la définition de l’architecture de l’instrument, la réalisation de la structure mécanique du télescope, les mécanismes de la porte, l’interface mécanique avec le satellite, et le contrôle thermique actif. Les données collectées par EIT sont traitées et interpétées à Bruxelles par l’Observatoire d’Uccle.

EIT dont la mission est d’enregistrer des images de l’activité solaire dans l’ultraviolet ( du disque solaire et de la couronne proche dans une gamme de longueurs d’onde correspondant à l’émission d’atomes coronaux ionisés) constitue une expérience de base du programme SOHO dans la mesure où les informations qu’il fournit sont utilisées pour les autres expériences à bord du satellite.

Les informations collectées depuis le lancement de SOHO n’ont fait que confirmer la prédiction de Martin C.E. Huber, chef du Département des Sciences spatiales de l’ESA: " Les spécialistes de la physique solaire n’ont encore jamais disposé d’un observatoire aussi complet, leur donnant littéralement accès à la totalité du Soleil ".

En effet, malgré la complexité de sa charge utile, SOHO tient toutes ses promesses. L’ESA égrenne des communiqués plus enthousiastes les uns que les autres: " SOHO révèle l’existence d’une activité violence sur un Soleil calme. ", " SOHO à l’aube d’une révolution dans la connaissance du Soleil ", " SOHO: premier anniversaire dans l’espace et nouvelles données sur le vent solaire ", " Le Soleil tel que vous ne l’avez jamais vu ", " De l’oxygène à 100 millions de degrés dans la couronne solaire: encore une découverte surprise signée SOHO "… Sa moisson dépasse déjà tous les espoirs, et tout ce que la physique du Soleil compte de spécialistes est à la fête. Nous nous promettons bien d’y revenir pour en présenter un inventaire plus en détail.

Le poids économique dans l’enjeu scientifique
Pourtant, la fête devait avoir une ombre, et une fameuse.

La flotille des quatre satellites jumeaux de la mission CLUSTER a été dévolue comme mission de choix et de confiance au le vol inaugural d’Ariance 5. Le nouveau lanceur lourd avait à placer en orbite une cargaison de très haute valeur scientifique , celle de ce quatuor de l’ESA destiné à mesurer pour la première fois en trois dimensions et avec une très grande précision les phénomènes extraordinairement dynamiques auxquels donnent lieu la rencontre des vents solaires et de l’environnement proche de la Terre.

Enjeu majeur pour les activités spatiales de l’Europe, le premier vol d’essai du lanceur Ariance 5 eut lieu le 4 juin 1996 au Centre spatial européen de Kourou en Guyane française. 39 secondes après la mise à feu, elle partait en fumée cousant la stupeur et la consternation de tous les techniciens et observateurs présents, et avec elle disparaissait sa précieuse charge utile scientifique de 4,8 tonnes et quinze années de travail acharné ayant nécessité un investissement de 2,7 milliards de FF. Et comme la plupart des satellites scientifiques, les quatre CLUSTER n’étaient pas assurés, par souci d’économie. Résultat d’une politique devenue trop spécifiquement économique et industrielle, la pauvreté coûte cher! (Actuellement, le lancement d’une seconde Ariane 5 (vol502) qui doit assurer la validation de la fusée est prévu en septembre prochain).

La communauté scientifique ne s’est pas résolue à abandonner ce projet. Et l’idée d’un sauvetage de CLUSTER, la mission de physique des plasmas la plus ambitieuse du siècle, s’imposa. Cette volonté fut confirmée, dès septembre, par Jean-Marie Luton, directeur général de l’ESA, à l’occasion du salon de Farnborough où l’ESA tenait le " Pavillon de l’espace ", avec l’idée d’utiliser le cinquième CLUSTER (satellite de réserve en pièces détachées), rebaptisé PHENIX pour la circonstance, avec trois autres petits satellites identiques aux modèles d’origine, soit avec trois nouveaux mini-satellites à construire et dont la charge utilite restait à définir.

Autre problème: le coût. Le financement devait être trouvé dans le budget actuel de l’ESA. Gros problème. Il faut en effet savoir que les instruments scientifiques du programme CLUSTER n’étaient pas financés par l’Agence, mais bien par les Etats qui devraient donc financer une nouvelle charge utile.

Le comité du programme scientifique (SPC) devait prendre une décision définitive sur le plan complet de sauvetage de la mission au cours de sa réunion des 6 et 7 novembre. Ce plan fut effectivement approuvé. Restait le financement à décider par les quatorze pays membres de l’Agence et à vaincre les réticences de certains. Nous passerons sur les péripéties qui en disent long sur le poids que les contraintes budgétaires font désormais peser sur les programmes spatiaux, sans compter les répercussions de cette dépense supplémentaires sur l’ ensemble des autres programmes scientifiques.

Le Comité du programme scientifique de l’ESA, réuni le 3 avril dernier, a pris sa décision de lancer à nouveau une mission CLUSTER complète à la mi-2000. Les sondes, PHENIX et trois autres identiques, seront lancées en deux paires par deux lanceurs russes Soyoux à la mi-2000, * avec un bref intervalle, afin de respecter les impératif de la mission en termes d’orbite. Les lanceurs seront approvisionnés via le consortium STARSEM, entreprise commune franco-russe.

Cette dépense supplémentaire pour sauver la mission d’étude des relations Soleil-Terre provoquera des retards dans les autres missions scientifiques postérieures à celles qui sont en cours d’exécution. Cependant, ce sacrifice permettra pourtant de réaliser l’intégralité du programme scientifique Horizon-2000.

Une place à redéfinir dans la polyphonie spatiale
Les quatre satellites perdus avaient un rôle irremplaçable à jouer au sein d’un vaste projet, l’ISTP (International Sonar and Terrestrial Program). SOHO-CLUSTER était intégré dans un projet international sous la coordination du Group consultatif inter-agences pour la science spatiale et pour lequel plusieurs missions conjointes étaient organisées.

Les quatres satellites CLUSTER devaient travailler de concert avec deux véhicules spatiaux de la NASA, WIND et POLAR, ainsi qu’avec un satellite américano-japonais dénommé GEOTAIL, cet ensemble devant être complété par deux véhicule spatiaux de l’Institut de Recherches spatiales de l’Académie des sciences de Moscou. Le projet CLUSTER-2 ne trouve tout son intérêt qu’avant l’an 2000 pour fonctionner en conjonction avec ces autres missions. Reste donc à préciser la place que pourra encore assurer ce nouveau projet dans l’exécution de cette polyphonie spatiale.

L’enjeu peut être facilement résumé. La mission CLUSTER est destinée à comprendre précisément comment le bouclier magnétique terrestre interagit avec le flot du vent solaire et tenter d’identifier les mécanismes de transport de matière et de propagation d’énergie impliqués et ainsi tenter de voir si les conséquences des orages magnétiques peuvent être prévus à l’avance.

Dotés d’instruments de mesure ultrasensibles, utilisant les technologies les plus récentes, les quatre satellites offriront pour la première fois des mesures simultanées depuis quatre points différents de l’espace permettant de séparer les évolutions de la structure du bouclier magnétique terrestre, à la fois dans l’espace et dans le temps.

Les mesures offriront par conséquent une description tridimentionnelle de l’évolution temporelle, du système de gaz, de courants et de champs en perpétuel mouvement d’où les scientifiques espèrent enfin retirer une connaissance plus précise de l’environnement électromagnétique de notre planète.

En attendant, les douze instruments embarqués à bord de l’observatoire européen SOHO étudient en temps réel le Soleil depuis ses profondeurs jusqu’au vent solaire qui baigne tout le Système solaire. Ils écoutent même les sons qui, à la façon de notes de musique, naissent au coeur de notre étoile en enregistrant leurs vibrations au moment où ils atteignent sa surface.

Même si le quatuor Cluster n’est pas là pour nous bercer avec les mélodies d’Hélios (c’est une tâche de SOHO), il méritait bien un bis et un nom aussi évocateur que celui de PHENIX.

Pierre Bastin

Mission Cassini-Huygens

1. L’aventure de la connaissance

Afin d’élucider l’un des derniers grands mystères qui subsistent après l’exploration du Système solaire par les engins spatiaux, la mission d’exploration la plus lointaine que l’ESA ait jamais entreprise a démarré le mercredi 15 octobre dernier. Par une étrange coïncidence, c’est à bord d’une fusée américaine Titan IVB/Centaur que le véhicule Cassini de la NASA a été placé sur l’orbite qui doit lui permettre de gagner Saturne. Cassini emporte la sonde Huygens (voir “Les principaux chiffres de la mission”) de l’ESA ainsi que l’antenne à grand gain fournie par l’ASI, l’Agence Spatiale Italienne. Le module orbital Cassini sera placé en orbite autour de la planète géante pour une mission de quatre ans. Son précieux passager, la sonde Huygens, est un concentré de 350 kg de technologie, pur produit de l’industrie européenne. Dès son arrivée dans la banlieue de Saturne, Huygens se séparera de Cassini, pour plonger à la découverte de Titan, le plus gros satellite saturnien, sorte de terre primitive qui est l’objet le plus étrange du Système solaire. Sixième pierre angulaire de son programme scientifique “Horizon 2000”, Cassini-Huygens est pour l’Europe la première mission interplanétaire avec rentrée atmosphérique.

Tout au long de son voyage, et jusqu’à la fin de sa mission prévue en 2008, Cassini sera suivi par le DSN (Deep Space Network) de la NASA: un réseau d’antennes géantes (70 mètres de diamètre) capable de détecter les faibles signaux qui nous parviendront. Le signal radioélectrique que l’émetteur de Cassini nous enverra de la banlieue de Saturne sera reçu sur Terre 1 heure et 20 minutes après son émission.

“Si vous sautiez en parachute au-dessus de Titan, vous profiteriez d’abord du merveilleux spectacle des anneaux de Saturne, puis vous disparaîtriez dans les brumes oranges de ce monde à nul autre pareil. A vos amis curieux de savoir si l’on atterrit sur une piste solide ou si l’on plonge dans un océan d’hydrocarbures, vous enverriez votre dernier message. Car une fois arrivé, vous finiriez soit par mourir de froid, soit - faute d’oxygène - par périr asphyxié dans une atmosphère de raffinerie de pétrole. Mieux vaut faire appel à un robot pour accomplir ce type de mission.”

C’est par ces lignes que s’ouvre un document réalisé par l’ESA consacré au monde de Titan. Les quelque 500 représentants des équipes européennes ayant participé, au niveau scientifique, technique ou industriel, à la construction de la sonde, qui ont assisté à ce lancement à Cap Canaveral, s’en sont peut-être souvenu alors qu’ils étaient éblouis par la puissance des propulseurs de la fusée Titan qui éclairaient un ciel auroral et par le premier sans-faute de cette mission, un sans-faute d’importance.

Il faut savoir que la date de lancement a été choisie en fonction de la position qu’occupera alors chaque planète du Système solaire afin de bénéficier de l’effet de fronde pour atteindre Titan. La fenêtre de tir était très étroite, moins d’un mois. Si des problèmes étaient venus contrarier le lancement, Huygens aurait dû attendre le mois de juin 1999 pour une nouvelle tentative. Précisons cependant que le voyage ne durerait plus alors 7 mais 9 ans.

On comprendra que les équipes engagées dans cette mission aient été sur pied de guerre afin que Huygens quitte bien la Terre à l’automne 97!

La précision du lancement (0,004 degré) a fait oublier plusieurs événements qui rendirent la phase préparatoire assez mouvementée. En premier lieu, des groupes antinucléaires qui, farouchement opposés au lancement de Cassini-Huygens, avaient menacé d’empêcher le tir de la fusée Titan sous prétexte que le couple orbiter-sonde emporte quelque 33 kg de dioxyde de plutonium embarqué comme source d’énergie, soit la plus importante quantité de matière radioactive jamais envoyée dans l’espace.

Ensuite, il y eut un report de lancement d’une semaine en raison d’une dépollution de la sonde rendue nécessaire suite à une fausse manoeuvre, puis un report de 48 h, du lundi 13 au mercredi 15, suite à une panne de radar de poursuite et des pannes de logiciels. Enfin, si le lancement s’était mal passé, il aurait signifié une perte sèche de plus de 2 milliards de dollars et une catastrophe scientifique de première ampleur.

Périple dans le Système solaire
Avec 3,5 milliards de kilomètres parcourus en 7 ans, ce sera donc bien le plus lointain voyage jamais entrepris par un véhicule européen. Mais pour parvenir à la lointaine planète Saturne, Cassini et son passager Huygens devront donc acquérir un supplément de vitesse grâce à l’accélération gravitationnelle que lui imprimeront les planètes survolées. Aussi, Cassini suivra-t-il un chemin détourné qui le mènera à proximité de Vénus par deux fois, puis au voisinage de la Terre et enfin aux abords de Jupiter qui lui donnera sa dernière impulsion. Cette technique permet d’économiser l’équivalent de 75 tonnes de carburant ou plusieurs dizaines d’années de voyage.

Après avoir atteint la vitesse requise de 12 km/s, soit 43 200 km/h, pour échapper à l’attraction terrestre, Cassini-Huygens a entamé son long voyage en direction de Venus. A sa première approche de l’Etoile du Berger, le 21 avril 1998, le module orbital et sa sonde recevront une poussée gravitationnelle afin d’augmenter sa vitesse. Quelques mois plus tard, le 2 décembre de la même année, une nouvelle manœuvre de changement de trajectoire orientera à nouveau ce véhicule interplanétaire vers Vénus. Second survol de cette planète le 20 juin 1999 où le vaisseau atteindra alors une vitesse 14 km/s, soit 50 400 km/h pour repartir en direction de la Terre qu’il survolera pour la dernière fois le 18 août 1999 avant de mettre le cap sur Jupiter.

C’est à la veille de la Saint-Sylvestre de l’année 2000 que Cassini et Huygens, alors situés dans la banlieue de Jupiter, recevront une ultime poussée gravitationnelle pour repartir en direction de Saturne. Près de trois ans et demie seront alors nécessaires pour que ce vaisseau entre enfin dans le champ de la planète Saturne et commence une période d’orbitation de cinq mois. A la première approche de Titan, Huygens sera largué. Lentement, la sonde perdra de l’altitude pendant environ trois semaines. C’est le 27 novembre 2004 qu’elle commencera sa descente vers la surface mystérieuse de Titan. Sa vitesse sera alors de Mach 20.

150 minutes de travail après un voyage de sept ans
Durant son entrée dans la haute atmosphère de Titan, Huygens subira une chaleur de près de 12 000° C, d’où l’importance de son bouclier thermique conçu par l’Aérospatiale française. Ce disque en matériau haute résistance (nid d’abeille aluminium/carbone avec couches de protections à base de silice) permettra en effet de protéger, durant l’entrée dans l’atmosphère de Titan, la charge utile qui abrite principalement un spectromètre infrarouge, une caméra, un radar altimétrique, un chromographe, un détecteur d’émission radio et un collecteur d’aérosols.

Grâce au freinage aérodynamique, la vitesse de la sonde tombera de 21600 km/h à 1 080 km/h en moins de cinq minutes. A Mach 1,5 commencera une séquence d’ouverture d’une série de parachutes. Le premier de ceux-ci, le plus petit, arrachera le capot arrière de la sonde et tirera le deuxième parachute dont le diamètre est de 8 mètres. Le tissu spécial dont est composé ce parachute lui permettra de résister à la vitesse supersonique. Celle-ci chutera encore pour atteindre environ 366 km/h. Après une période de stabilisation d’une durée de 30 secondes, l’éjection du bouclier thermique sera commandée.

Dans la dizaine de secondes qui suivra le largage de ce bouclier, les instruments, en sommeil durant les sept années qu’aura duré le voyage, entreront alors en action. Le parachute principal réglera la descente de la sonde. Après environ 15 minutes, à 105 km d’altitude, il sera largué à son tour alors qu’un plus petit parachute stabilisateur sera déployé. Deux heures et demi s’écouleront avant que la sonde touche le sol de Titan. Huygens devra alors fonctionner encore environ trois minutes afin de renvoyer vers l’orbiteur les précieuses informations collectées. Resté en orbite autour de Saturne, Cassini servira en effet de relais vers la Terre pour transmettre ces données.

L’exploration du Système saturnien
De son côté, Cassini séjournera quatre ans dans la banlieue de Saturne afin d’étudier avec précision le système saturnien. Il effectuera une trentaine de survols proches de Titan (jusqu’à 950 km) ainsi que de plusieurs autres satellites glacés de Saturne. Tout au long de ces 4 années, ses 12 instruments étudieront en détail :

Le plus étrange des mondes
De nombreuses raisons ont poussé les chercheurs à choisir Titan comme objet d’étude de la mission Huygens. Entre 1979 et 1981, trois sondes américaines, Pioneer 11, Voyager 1 et Voyageur 2 ont photographié en gros plan Saturne, ses anneaux et ses satellites. Le premier objectif était Titan à cause des particularités de son atmosphère. Dès avec les premiers renseignements fournis par Voyageur 1, les astronomes constatèrent, non sans surprise, que cette atmosphère était plus dense que prévue. En effet, à partir de la quantité de méthane qu’ils avaient pu y détecter depuis la Terre, ils croyaient cette atmosphère assez comparable à celle de Mars.

Or, force leur était de constater qu’elle est bien 150 fois plus dense que l’atmosphère terrestre. Cette erreur d’appréciation est facile à expliquer. Le méthane, seul composant détecté depuis la Terre, ne forme que 2 % de l’atmosphère de Titan, le reste étant de l’azote, gaz difficile à détecter à si longue distance, et également composant essentiel de l’atmosphère terrestre. Titan possède une épaisse atmosphère comparable à un brouillard rouge-orange très dense qui s’étend sur une hauteur de 200 km et qui occulte complètement sa surface. Elle n’en reste pas moins intéressante. Le méthane se polymérise facilement (entendez par là que ses molécules se combinent entre elles sans problème) pour former des molécules plus complexes. Dès lors, il n’était pas interdit de penser que Titan possède des océans de corps organiques complexes, un revêtement d’asphalte et des lacs de méthane et d’éthylène et qu’il puisse s’y trouver une certaine forme de vie.

Remarquons cependant que la nature exacte de la surface de Titan reste matière à spéculation et cela pour plusieurs raisons. La première vient du fait que la température est proche de ce qu’on appelle le “point triple du méthane”, c’est-à-dire la température à laquelle le méthane peut aussi bien se retrouver sous forme solide que liquide ou gazeux, comme c’est le cas pour l’eau sur Terre. La surface peut être complètement couverte de méthane gelé ou d’un océan de méthane liquide. La possibilité existe aussi d’y trouver des lacs et des falaises de méthane sur lesquels tombe une fine bruine d’azote liquide. Voilà bien un des endroits les plus étranges du Système solaire.

Son côté le plus fascinant vient donc des caractéristiques de son atmosphère, assez similaire à l’atmosphère terrestre primitive, comportant des molécules organiques comme CH4 (méthane), HCN (acide cyanhydrique), C2H 2 (acétylène), C2H6 (éthane), etc. : c’est-à-dire des composés organiques de type prébiotiques, les premières “briques de la vie” !

L’atmosphère de ce satellite contient en effet de l’azote, du méthane et peut-être de l’argon, de l’hydrogène, des traces d’hydrocarbures et des composés organiques azotés comme de l’acide cyanhydrique composant des acides nucléiques fondamentaux constituant la matière vivante. Pourtant, il règne une température très basse à la surface de Titan. D’où les questions que se posent les chercheurs sur la possibilité de développement d’une forme de chimie prébiotique.

Aujourd’hui, les scientifiques pensent assez généralement que Titan est une sorte de Terre primitive congelée qui abriterait les ingrédients nécessaires au développement de la vie. En raison de la température glaciale qui règne (-180°C), les processus conduisant à l’apparition de la vie auraient été bloqués, et Titan conserverait une partie de la chimie prébiotique qui, sur Terre, a permis l’émergence du vivant, et qui a ensuite totalement disparu.

Six expériences pour en savoir plus sur Titan
Les aérosols, ces gouttelettes microscopiques en suspension dans l’atmosphère de Titan et qui se forment à une altitude d’environ 800 km, intéressent beaucoup les chercheurs. Une des six expériences de Huygens menée par une équipe du CNRS dirigée par G. Israël consistera à collecter ces aérosols et à les analyser par pyrolyse. Existe-t-il des nuages dans l’atmosphère de Titan ? Comment circulent les vents ? Quels sont la nature et le relief du sol ? Autant de questions auxquelles les six expériences embarquées de Huygens, menées respectivement par le CNRS (France), la NASA (Etats-Unis) et les Universités de Rome (Italie), d’Arizona (Etats-Unis), de Bonn (Allemagne) et de Kent (Grande-Bretagne) tenteront d’apporter un commencement de réponse.

Une chose est certaine : pour collecter toutes ces informations et les transmettre à la Terre, via Cassini, Huygens devra faire très vite. Car quoiqu’il arrive, l’orbiteur ne restera à l’écoute que pendant 30 minutes après l’impact. Huygens représente donc un extraordinaire pari d’une grande complexité technologique. Et cette mission est bien une extraordinaire aventure de la connaissance!

Pierre Bastin

2. Pour un signe de vie

Le domaine de l’exobiologie
Evoquer le processus prébiotique ailleurs que sur Terre, c’est entrer dans le domaine de l’exobiologie. Il est important de connaître ses applications comme ses implications. L’exobiologie est l’étude de la vie dans l’Univers et plus généralement de l’origine, de l’évolution et de la distribution de la vie, des structures et des processus qui y sont associés, dans l’Univers. L’étude des premiers stades de l’évolution chimique terrestre qui a conduit à l’apparition de la vie sur notre planète, et l’étude de la chimie et physico-chimie organique dans des environnements extraterrestres font actuellement partie des approches les plus importantes du large domaine qu’est l’exobiologie, domaine thématique hautement multidisciplinaire.

Si le terme fut inventé dans les années 60 par un certain Joshua Lederberg, le concept de l’existence d’une vie extraterrestre est lui beaucoup plus ancien. Il était déjà enseigné dans la Grèce antique. Après le Moyen Âge, il redevint progressivement populaire pour prendre de l’importance au XVIIe siècle, grâce notamment de la découverte des instruments astronomiques, lunettes puis télescopes.

A Rome, en 1600, le philosophe et théologien Giordano Bruno finit sur le bûcher pour avoir pensé que la Terre n’est pas le seul astre à abriter la vie (“L’infini de l’univers et des mondes”). En 1686, Bernard le Bovier de Fontenelle publia “Entretiens sur la pluralité des mondes”. Cette idée sera relayée successivement par Huygens, Emmanuel Kant, Goethe, Pierre Simon Laplace. Mais celui qui contribua le plus à diffuser cette idée est certainement Camille Flammarion, avec des ouvrages comme “La pluralité des mondes habités”, “Les mondes imaginaires”, “Astronomie populaire” ou encore “Contemplations scientifiques”.

Aujourd’hui, cette préoccupation est à l’ordre du jour des scientifiques. Ainsi, dans le cadre de sa politique de création et de développement de programmes nationaux interdisciplinaires, à l’initiative de son Département des Sciences de l’Univers, le CNRS a fortement encouragé la communauté scientifique française à proposer un programme d’exobiologie. Il est actuellement en cours d’élaboration.

En vue de mettre en place, dès 1998, ce programme interdépartemental (nommé “EXOBIO”), et en particulier d’en définir les grandes lignes et les thèmes prioritaires, le CNRS, avec la coordination de l’INSU (Institut National des Sciences de l’Univers) a organisé un colloque de prospective en exobiologie qui s’est tenu du 1er au 4 juillet dernier au Centre CNRS de Roscoff. Parmi les thèmes abordés, on trouve : la vie terrestre comme référence (extensions et limites), la Terre primitive et l’origine de la vie, la vie extraterrestre dans le Système solaire, la vie hors du Système solaire.

En novembre 1996, le Centre de Biophysique Moléculaire (CNRS-Université d’Orléans) a réuni un séminaire consacré à “L’origine moléculaire de la vie” au cours duquel de nouvelles perspectives incluant l’exploration de Mars et de Titan ont été présentées.

Précisons que le cinquième axe de recherche de ce Centre de Biophysique, intitulé “Atmosphère et Cosmos” consiste “à reproduire en laboratoire des peptides catalytiques primitifs à partir d’acides aminés extraterrestres pour mieux comprendre les origines de la vie”. Par ailleurs, la liste des colloques organisés de par le monde en 1998 sur le thème des planètes extrasolaires et autres exoplanètes est déjà longue, et la bioastronomie a le vent en poupe.

La planétologie comparée
Un autre domaine scientifique aussi en pleine expansion est la planétologie comparée. C’est là, sans aucun doute, une conséquence du développement de l’exploration spatiale, d’une part, par les accès nouveaux qu’elle a ouverts dans l’étude des objets du Système solaire (domaines de longueurs d’onde accessibles, études rapprochées, exploration in situ) et d’autre part par l’étude globale qu’elle permet de la Terre considérée comme une planète. Mais c’est aussi lié à l’importance des informations sur les processus physiques et chimiques qui régissent la planète Terre, et sur l’environnement terrestre primitif, que ce nouveau domaine a pu nous fournir, grâce à l’étude des autres planètes.

L’appréhension de la physico-chimie d’autres atmosphères planétaires est une démarche à présent classique pour mieux comprendre notre propre atmosphère. En effet, le développement de la planétologie, en dévoilant l’existence d’une très grande diversité d’environnements planétaires, a offert des possibilités de comparaison, souvent très fructueuses, entre ces environnements, faisant ainsi ressortir les paramètres-clés qui gouvernent leur physico-chimie et les outils théoriques et expérimentaux nécessaires pour les étudier.

Ainsi, le LISA, laboratoire commun aux universités Paris 7 et Paris 12 associé au CNRS qui a inclus la physico-chimie organique spatiale (étude des processus et structures organiques dans des environnements planétaires extraterrestres) dans ses domaines de recherches. Ses recherches sont aussi directement liées à la préparation de la mission Cassini-Huygens. Les programmes qu’il développe se situent à l’interface de la chimie et de la planétologie.

Il s’agit en particulier d’appliquer les outils du physico-chimiste et du chimiste organicien aux environnements extraterrestres, afin de :

Une vie caractérisée
Curieusement, la plupart des dictionnaires de biologie ne fournissent pas de définition de la vie au sens biologique du terme. Cette définition de la vie telle qu’elle fut rappelée à l’ISSOL 96, le 11e Congrès international sur les Origines de la Vie qui s’est tenu à Orléans en décembre 96, peut se résumer ainsi: “Un état organique caractérisé par la capacité de reproduction, de métabolisme et de réaction aux stimulus”, le métabolisme étant défini comme un “processus de dégradation et de synthèse de molécules au cours duquel de l’énergie est consommée et/ou produite”.

Par cette définition, on notera qu’un “être vivant se reproduit, ce qui lui donne la possibilité de se répliquer en plusieurs copies, donc de se multiplier. La reproduction différentielle des individus engendre la possibilité de sélection, qui a joué un rôle fondamental dans l’évolution des premières formes de vie.”

“Il est cependant clair, comme il est précisé dans le document de présentation de ce congrès, que l’ensemble de ces propriétés ne sont pas apparues en même temps et qu’elles ont mis un temps considérable à se mettre en place. Les premiers systèmes “vivants” étaient probablement simplement capable de se reproduire, et encore pas très fidèlement. C’est vraisemblablement dans un second temps qu’ils ont acquis des fonctions (métaboliques) plus complexes. Si bien qu’un système vivant minimum requiert la présence d’une macromolécule porteuse d’information capable de diriger sa propre synthèse.”

François Raulin, professeur à l’université Paris-Val de Marne et directeur du LISA (Laboratoire Interuniversitaire des systèmes atmosphériques) et Daniel Gautier, directeur de recherche au CNRS travaillant à l’Observatoire de Paris-Meudon, sont coordinateurs scientifiques de la mission Cassini-Huygens. Ils sont aussi les auteurs d’un remarquable article intitulé “Sous le voile de Titan, des molécules organiques complexes se fabriquent à l’abri d’une épaisse atmosphère”, publié par la revue “La Recherche” d’octobre dernier. François Raulin qui est chargé de coordonner les études d’exobiologie prévue dans cette mission, a mené des expériences en laboratoire visant à prédire les types de composés carbonés que l’on pourrait trouver sur Titan.

Selon lui, “les spéculations sur l’origine de la vie s’inscrivent dans un univers imaginaire. Nous ne pouvons qu’émettre des suppositions sur les composés chimiques qui existent à la surface de notre planète avant l’apparition des premières bactéries. Aujourd’hui, la possibilité se présente de découvrir enfin dans un univers réel, celui de Titan, les manipulations chimiques que les rayons solaires sont capables d’opérer dans une atmosphère primitive.”

Les queues de comètes pourraient avoir disséminé de telles molécules sur notre planète au moment de sa formation. Mais la lumière ultraviolet du Soleil, les rayons cosmiques et les phénomènes de décharges électriques auraient pu aussi participer à l’élaboration de composés organiques à partir d’éléments simples existant à la surface de la Terre. (On lira avec beaucoup de profit “Les Origines cosmiques de la vie - Du Big Bang à l’Homme”, ouvrage d’Armand Delsemme, président fondateur de la SAL, publié chez Flammarion dans la collection “Nouvelle Bibliothèque Scientifique”, ainsi que les bulletins “Le Ciel” de septembre et octobre 96 publiant en deux parties le texte de la conférence d’Armand Delsemme sur le même thème et donnée à Liège le vendredi 14 juin précédent.)

La sonde Huygens étudiera les différents aspects de cette “alchimie” sur Titan. Un instrument américain permettra d’identifier les molécules complexes en fonction de leur masse et de leur vitesse de transfert à travers divers filtres, tandis qu’un instrument franco-autrichien prélèvera des particules dans l’atmosphère de Titan et les vaporisera dans un four en vue de leur identification.

Malgré les travaux menés depuis une centaine d’années par d’éminents scientifiques, les théories et les expériences relatives à l’origine de la vie n’ont pas abouti à des conclusions bien solides. Le mystère de la formation d’assemblage auto-suffisants d’acides nucléiques, de protéines et de lipides demeure entier. Les chercheurs sortiront peut-être de cette impasse en identifiant les précurseurs chimiques qui pourraient avoir agrémenté la soupe primitive. L’étude des comètes montre qu’il existe dans l’espace cosmique des molécules carbonnées très complexes.

“Les résultats de la mission Huygens relanceront les théories touchant à l’origine de la vie sur Terre”, conclut François Raulin. “Peut-être nous conduiront-ils dans des directions inattendues”.

La vie? On n’en demandera pas tant à Titan. Un simple signe de vie, un tout petit signe de vie serait, pour tous les scientifiques du monde, la plus belle des récompenses.

Pierre Bastin

Cassini

Cassini Jean-Dominique (Prinaldo, comté de Nice, 1625 - Paris, 1712) premier (dit Cassini1) d’une famille de quatre astronomes et de géodésiens français d’origine italienne, véritable dynastie qui gouvernera l’Observatoire de Paris pendant 120 ans.

En 1650, suite à des observations et des publications remarquables, il fut nommé professeur d’astronomie l’université de Bologne. C’est à cette époque qu’il mit au point de très longues lunettes et put observer la surface accidentée des disques plantaires. Ces détails (par exemple la tache rouge de Jupiter) apparaissaient en mouvement, montrant la rotation des plantes et révélant que les axes de rotation de Vénus, de Mars et de Jupiter étaient assez parallèles celui de la Terre. Avec lui, commença une nouvelle astronomie du Système solaire.

En 1668, il vint s’établir Paris, invité par Colbert, ministre de Louis XIV, pour organiser l’Observatoire de Paris alors en construction. Il en prit la direction l’année suivante et devint ainsi premier astronome à Paris où Huygens était président de l’Académie des Sciences. Il se fit naturaliser français en 1673. Il contribua à équiper cet observatoire de moyens particulièrement importants pour l’époque, grâce auxquels il effectua de nombreuses découvertes.

On lui doit la découverte de quatre satellites de Saturne (Japet, 1672 Rhéa, 1672 Téthis et Dioné, 1684). En 1675, il observa que Saturne avait deux anneaux. L’anneau qui paraissait unique avec des lunettes moins performantes est séparé en deux par une raie sombre appelée aujourd’hui la division de Cassini. (En 1980, la sonde américaine Voyager 1 révéla que les anneaux de Saturne sont au nombre d’une centaine et que, de surcroît, les anneaux extérieurs sont torsadés comme une corde.)

Il détermina la période de rotation de Jupiter, de Mars. En 1679, il acheva une carte de la Lune, carte qui reléguait dans l’ombre tous les travaux précédents. Il étudia le mouvement des satellites de Jupiter dont il publia les éphémérides dès 1668. Enfin, il réalisa ce qui est sans doute son travail le plus important, la première mesure du Système solaire.

P.B.

Huygens

Huygens Christian, mathématicien et astronome hollandais (1629-1695). Il vit le jour au moment où le XVIIe siècle était en train de donner naissance à la science moderne (Galilée, Descartes). C’est à lui que l’on doit l’invention d’une combinaison de lentilles permettant l’élimination de l’aberration chromatique, toujours utilisée aujourd’hui sous le nom d’“oculaire de Huygens”.

Très vite, ses recherches dans le domaine de l’optique se focalisèrent sur la construction de lunettes astronomiques dont il augmenta sensiblement la longueur afin d’en accroître le grossissement. Ces améliorations portèrent rapidement leurs fruits.

Ainsi, avec une lentille de très longue focale produite par ses soins, montée sur une lunette d’une focale d’un peu plus de 3,5 m, il découvrit Titan en 1655. La même année, avec une lunette de 7 m, il distingua la structure des anneaux de Saturne, anneaux qui avaient tant intrigué Galilée. En 1656, avec une lunette géante de 37 m, il confirma ses résultats, et publia en 1659 sa description de la planète: “Elle possède un anneau plan, mince et sans aucun point d’attache avec la planète”, ce qui lui conféra une renommée internationale.

Toujours à la même époque, il redécouvrit la nébuleuse d’Orion. Surtout, il inventa un instrument astronomique fondamental, à savoir, l’horloge à pendule qui va permettre d’augmenter la précision des mesures astronomiques. En effet, une horloge exacte est indispensable pour suivre les positions des étoiles au cours de la rotation de la Terre. C’est un instrument presque aussi essentiel que la lunette elle-même.

En 1666, Colbert, ministre de Louis XIV, l’invita à participer à la création de l’Académie royale des Sciences. Il travaillera à l’Observatoire de Paris jusqu’en 1680.

On doit encore à Huygens des travaux sur la rotation de Mars et sa période, une estimation de la distance Soleil-Terre extrêmement précise pour l’époque, des travaux sur la nature relativiste du mouvement. Il fut aussi le premier à soutenir que les étoiles sont en fait d’autres soleils très éloignés dont certains pouvant aussi comporter un système planétaire.

P.B.

Titan

Titan est le seizième satellite à partir de Saturne.

La distance qui les sépare est de 1 222 000 km, soit 3,2 fois la distance Terre-Lune.

Son diamètre est de 5 150 km soit 1,48 fois celui de la Lune.

Son volume est de 3,3 fois celui de la Lune et sa masse de 1,77 fois.

Sa période de révolution sidérale est de 15,945 jours.

Sa température au niveau du sol est d’environ 90 K (-183°); la pression atmosphérique entre 1 500 et 1 600 millibars, soit environ une fois et demie plus grande que celle enregistrée à la surface de la Terre.

C’est le deuxième satellite du Système solaire par la taille. Par bien des aspects, Titan s’apparente aux planètes telluriques. Sa taille est intermédiaire entre celle de Mercure et celle de Mars. Tout comme Ganymède, il est plus gros que Mercure; par sa taille et sa densité moyenne de 1,92, il est le jumeau de Callisto. Mais, de tous les satellites du Système solaire, il est le seul à posséder une atmosphère substantielle, détectée pour la première fois en 1944 par spectroscopie.

En raison de par l’opacité nuageuse de cette enveloppe atmosphérique, la nature exacte de sa surface reste toujours matière à spéculation (voir le texte principal “Pour un signe de vie”). Elle constitue l’une des finalités de la mission Cassini-Huygens.

Les principaux chiffres de la mission

Hipparcos

Hipparcos l’arpenteur - Moisson foisonnante

Depuis plus de deux ans, le satellite d’astrométrie européen Hipparcos poursuit son programme d’arpentage du ciel, programme qui prévoit la mesure de la position de plus de 100.000 étoiles et la constitution d’une carte du ciel d’une précision inégalée, de l’ordre d’environ 0,002 seconde d’arc, soit plus de mille fois supérieur à celui de l’œil nu.

Grâce aux nombreuses mesures effectuées par “l’arpenteur”, les astronomes pourront également étudier les déplacements des étoiles à l’intérieur de notre Galaxie et la distance qui les sépare de notre Système solaire. L’Agence spatiale européenne vient de présenter un premier bilan qui est tout à fait positif.

Lancé dans la nuit du 8 au 9 aout 1989 par une fusée européenne Ariane (*), le satellite Hipparcos (High Precision Parallax Collecting Satellite), a été baptisé ainsi en souvenir de l’astronome grec qui, dès l’an 12O avant J. C., mesura la parallaxe lunaire et en déduisit la distance de la Terre à la Lune. Notons que la parallaxe est le déplacement apparent d’un corps céleste vu de deux points très distants. C’est l’angle très faible mesuré en seconde d’arc, sous-tendu par la base reliant ces deux points. Connaître la parallaxe d’une étoile permet aux astronomes de calculer la distance qui la sépare de la Terre.

Hipparque leva également la première carte des étoiles et, en la confrontant aux observations faites par ses prédécesseurs, parvint à établir que l’axe de rotation de la Terre change lentement de direction dans l’espace.

Rappelons encore que les premiers mouvements d’étoiles au sein de notre Galaxie ont été observés par Edmund Halley en 1718 et que les premières estimations des distances qui nous séparent de quelquees-unes des étoiles les plus proches ont été faites par des astronomes vers 1830.

Voilà près de vingt ans que les astronomes caressent le rêve d’étudier la position des étoiles à partir de l’espace, car des précisions de mesure beaucoup plus grandes peuvent être obtenues si l’on se soustrait à l’atmosphère terrestre dont les turbulences troublent la vision de tous les télescopes au sol.

Une qualité exceptionnelle
Bien des années d’efforts et plus de trois cents millions de dollars ont été investis par l’ESA dans cette entreprise ambitieuse qui a ainsi culminé avec la mise sur orbite d’Hipparcos.

Peu après son lancement, Hipparcos n’avait pu mettre à feu son moteur d’apogée qui aurait dû le placer sur une orbite circulaire à 36.000 km d’altitude. Une mission révisée avait alors été décidée et, depuis le début octobre de la même année, Hipparcos a entrepris sa mission (la mission scientifique proprement dite commença le 26 novembre) sur une orbite elliptique “de rattrapage”, située à 500 km de périgée et 36.000 km d’apogée.

Malgré cette défaillance, le satellite fonctionne maintenant et dans son ensemble mieux que ne le prévoyaient les spécifications. En conséquence, le rendement scientifique espéré de la mission semblaient plus prometteur que ne le laissaient prévoir les premières évaluations après lancement.

Il se confirme aujourd’hui que les données fournies au cours de ces deux dernières années sont d’une exceptionnelle qualité. L’ESA est en mesure de présenter les premiers résultats qui vont permettre aux scientifiques d’établir un véritable catalogue des étoiles qui composent notre Galaxie.

C’est ce que vient de confirmer le Dr. Roger Bonnet, directeur des programmes scientifiques de l’ESA, au siège de l’institution européenne à Paris.

Lors de cette réunion, M. Dietmar Heger, responsable de l’équipe opérationnelle du satellite au Centre européen d’opérations spactiales, l’ESOC, à Darmstadt (Allemagne) a estimé que “les perspectives n’ont jamais été meilleures pour Hipparcos. Au bout de près de deux années et demie en orbite, il fonctionne d’une façon exceptionnelle. C’est environ un milliards de “bits” de données scientifiques de haute qualité qui sont recueillis chaque jour et transmis aux équipes de chercheurs chargés en Europe de leur analyse.” Les équipes scientifiques présentes ont insisté sur l’importance et la qualité des résultats fournis par Hipparcos.

Conséquences spectaculaires
Un rapport de cette réunion indique que, dans son ensemble, le travail d’analyse des données ressemble à un puzzle géant, comprenant plusieurs millions de petites pièces qu’il faut assembler afin d’obtenir une image d’ensemble. Prise isolément, aucune des pièces du puzzle n’a de signification réelle, à moins d’être mise à sa place correcte.

La préparation de ce travail complexe d’assemblage de données a occupé une centaine de chercheurs européens, issus de nombreuses disciplines scientifiques. Le travail de ces équipes depuis le lancement a consisté à vérifier si toutes les pièces étaient disponibles, si elles étaient toutes d’une qualité suffisante et si elles pouvaient s’ajuster correctement.

La conclusion est revenue au Dr. Michael Perryman, responsable scientifique du programme : “Nous savons désormais que les pièces sont là et qu’elles s’adaptent. Nous pouvons affirmer que les conséquences pour notre connaissance de ce qui se passe dans notre Galaxie seront spectaculaires. Hipparcos jette les bases de l’astrophysique future, prouvant les capacités d’innovation de la communauté scientifique et de l’industrie européenne.”

Il subsiste pourtant une dernière inconnue qui préoccupe tous les responsables de la mission : la prévision fiable de sa durée de vie fonctionnelle. En effet, seule cette durée de vie sur l’orbite “révisée” pourrait constituer un facteur limitatif à la mision, pourtant scientifiquement réussie. A l’Agence, on garde le cap sur l’optimisme. Selon des dernières mesures effectuées, les panneaux solaires devraient pouvoir remplir leur rôle, sauf accident, jusqu’à la fin de la mission. L’enthousiasme reste de mise.

Pierre Bastin

Geminga, l’horloger des Gémeaux, épinglé par Hipparcos l’arpenteur - Moments forts d’une longue traque

Les étoiles à neutrons, détectées pour la première fois en 1967 sous forme de radiopulsars, sont de fantastiques objets issus d’explosions stellaires qui ont failli donner naissance à un trou noir.

Une étoile à neutrons est créée par la force que l’explosion d’une supernova applique à une grande étoile dont elle écrase le noyau pour le porter à une densité inimaginable. Une masse plus grande que celle du Soleil se trouve ainsi comprimée dans une boule qui n’est guère plus grande qu’une ville. La pesanteur et les champ magnétiques sont des milliards de fois plus intenses que ceux de la Terre. L’étoile à neutrons tourne rapidement sur elle-même et de ce fait clignote à la façon d’un phare cosmique lorsqu’elle expose et cache alternativement ses pôles magnétiques à la Terre. Ce type d’étoile à neutrons en rotation rapide est appelé pulsar. Un des plus célèbres est celui de la nébuleuse du Crabe, reste d’une supernova qui a explosé, au terme de son évolution stellaire, en l’an 1054.

Lors de sa formation avec l’explosion d’une supernova, l’étoile à neutron est dotée de deux principales formes d’énergie. La première est la chaleur, une température qui se chiffre par millions de degrés, que l’étoile à neutrons émet principalement sous forme de rayons X et dont seule une faible proportion émerge sous forme de lumière visible. La seconde provient de la rapidité de sa rotation sur elle-même, et du ralentissement progressif de celle-ci. En raison d’une série de processus où interviennent le champ magnétique et les particules accélérées à proximité de l’étoile à neutrons, l’énergie de sa rotation sur elle-même est convertie en rayonnement dans de nombreuses longueurs d’onde différentes allant des ondes radios aux rayons gamma.

C’est le cas de Geminga qui a pourtant la particularité de ne pas être détectable par ses pulsations radio mais l’est en raison de la puissance de son rayonnement gamma évalué à 15 % de son rayonnement total.

Bien que Geminga soit la deuxième source la plus intense dans l’émission des rayons gamma (ondes électromagnétiques correspondant aux plus hautes énergies et témoignant des conditions les plus extrêmes et violentes existant dans l’Univers), son image optique est extrêmement faible, ce qui a empêché longtemps les spécialistes de cerner la véritable nature de cet objet énigmatique qui ne cessait pas d’alimenter d’âpres débats. Dans les années quatre-vingt, certains allèrent jusqu’à la soupçonner de faire “vibrer” notre bon vieux Soleil! Il s’en est suivi une longue traque particulièrement riche en rebondissements.

Insaisissable étoile
Geminga fut d’abord découverte en 1974, comme étant une source puissante de rayons gamma, grâce à des instruments placés à bord du satellite américain SAS-2, lancé en 1972, puis par ceux du satellite européen COS-B, lancé en août 1975, la localisant dans le ciel avec une précision de 0,8°.

Surnom de la désignation technique 2CG 195+04, Geminga est une contraction dérivée de l’expression anglaise “Gemini gamma-ray source”. Le hasard veut que Geminga signifie aussi phonétiquement “il n’y a rien” en patois milanais.

Les instruments de l’époque avaient bien enregistré cette énergie gamma sans pouvoir la localiser de façon assez précise. Il était donc impossible d’arriver à identifier l’image optique de Geminga parmi celles reçues par des milliers d’objets se trouvant dans la région du ciel où avait été détectée la source de rayons gamma.

Il fallut attendre 1983 pour que Giovanni F. Bignami et ses collaborateurs à Milan arrivent à préciser l’emplacement de Geminga dans le rayonnement X grâce aux observations des satellites Einstein (NASA) et Exosat (ESA), ce qui limita sensiblement l’aire du ciel où il fallait rechercher son rayonnement optique. De longues expositions de ce coin de ciel furent réalisées au moyen de cameras CCD très sensibles, d’abord, en janvier 1984 avec le télescope franco-canadien de Hawaii, puis, en février 1986, au télescope américain du mont Palomar.

Ces photos montraient la présence de nombreuses images stellaires très faibles. Une d’entre elles avait une couleur plus bleue que toutes les autres étoiles du champ photographié. Son intensité lumineuse correspondait à la magnitude 25,5, c’est-à-dire à peu près 100 millions de fois plus faible que ce qui peut être perçu à l’œil nu, ce qui est comparable à la lumière d’une bougie placée sur la Lune. Restait à faire la preuve que cette source bleue était l’image optique de Geminga.

Un objet énigmatique
Suivant ces différentes indications, il devint évident que Geminga devait être un objet très particulier comme une étoile à neutrons, objet très compact, ayant une masse comparable à celle du Soleil pour un diamètre de 10 à 20 km, ce qui peut donner une masse volumique moyenne de l’ordre de 100 millions de tonnes par cm³. Ce n’est pas facile à imaginer.

Début 1992, les chercheurs découvrirent de faibles variations d’intensité dans les émissions gamma et X reçues de l’objet pouvant être Geminga et confirmèrent que cette étoile à neutrons se comportait bien comme un pulsar, sans pour autant observer d’émission en onde radio généralement associée à ce type d’objet et sans mettre en évidence une nébuleuse (reste de l’explosion de la supernova) dans son voisinage.

Il manquait encore aux astrophysiciens une observation cruciale, celle qui permet de donner la distance qui nous sépare de l’objet énigmatique dont la proximité peut être envisagée dans le cas d’une étoile à neutrons.

C’est bien connu, plus un objet est proche d’un observateur, plus son mouvement lui paraît rapide. Il suffit de prendre le train et de regarder par la fenêtre pour observer le défilement rapide des poteaux électriques proches par rapport à une vitesse plus lente de tout ce qui défile dans un plan moyen et pour une impression de quasi immobilité de l’arrière-plan. Ce phénomène est aussi valable dans l’espace. Plus un objet est proche et plus il paraît bouger rapidement, ceci par rapport à d’autres objets célestes beaucoup plus distants.

Les premières bonnes observations réalisées furent possibles lorsque les chercheurs européens de l’ESO (European Southern Observatory), à La Silla au Chili, découvrirent, puis mesurèrent avec précision, le mouvement de l’objet étudié depuis déjà si longtemps, les renforçant dans leur conviction que Geminga était plus que probablement une étoile à neutrons assez proche de nous, de l’ordre de 300 années de lumière, soit guère plus éloignée que la belle étoile qu’est l’Epi (Spica) dans la constellation de la Vierge.

Jour faste pour l’astronomie liégeoise
Le 5 novembre 1992 fut un jour faste pour la connaissance de Geminga et pour l’astronomie liégeoise. Alain Smette, de Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’Université de Liège, travaillant à l’Observatoire de La Silla, réalisa en onde optique une dizaine d’expositions du champ de Geminga au moyen du fameux NTT (Télescope de Nouvelle Technologie) et dans de très bonnes conditions.

Ses images furent alors comparées avec celles réalisées en janvier 1984 et aussi avec une image plus récente obtenue avec un autre télescope de l’ESO, en janvier 1987, par des astronomes italiens. L’évidence éclata. Par rapport aux autres objets dans le champ d’observation, Geminga avait bougé! La direction du mouvement va vers le Nord-Est. La distance couverte par Geminga entre janvier 84 et novembre 92 est de l’ordre de 1,5 seconde d’arc. En d’autres termes, Geminga bouge avec une vitesse relativement grande et inhabituelle de 0,2 seconde d’arc.

En clair, cela signifie que dans le ciel, Geminga couvrirait une distance égale au diamètre apparent de la Lune (30 minutes d’arc) en près de 10 000 ans. Peu d’étoiles bougent aussi vite. Voilà une indication certaine que Geminga est bien un objet proche, d’un ordre de distance d’environ 300 années de lumière. Il devient, par conséquent, le pulsar connu le plus proche de nous.

Pendant ce temps, le satellite germano-américano-britannique Rosat révélait que Geminga émettait des bouffées X quatre fois par seconde et, plus précisément, toutes les 237 millisecondes. Des pulsations gamma de même fréquence furent ensuite détectées par GRO, l’observatoire du rayonnement gamma de la NASA. Bignani et ses collaborateurs retournèrent alors aux données sur le rayonnement gamma qu’avait recueillies le satellite COS-B de l’ESA. Ils y décelèrent les pulsations qui y étaient cachées et réussirent à calculer leur ralentissement. A partir de celui-ci, ils estimèrent l’âge de Geminga à 340 000 ans.

Le HST poussé à ses limites
Par la suite, les astrophysiciens italiens, poussant le Télescope spatial Hubble aux limites de ses possibilités de détection, sont parvenus à mesurer plus justement la distance de Geminga, objet ponctuel situé à 500 années de lumière de la Terre. Dans le domaine du visible, l’éclat de Geminga est si faible qu’il a fallu à Hubble plus d’une heure de pose pour obtenir une image convenable. Grâce à cette mesure directe de la distance de Geminga, les astrophysiciens étaient en mesure d’évaluer l’énergie de cette étoile à neutrons ainsi que la vitesse qui l’anime. Pour eux, cette tâche équivalait en difficulté à évaluer à partir de la Sicile le diamètre d’une pièce d’un franc qui se serait trouvée place de la Concorde à Paris. Le faible éclat de Geminga rendait le travail plus délicat encore.

L’équipe italienne put avoir recours à la caméra à grand champ (WFPC2) de Hubble pour trois observations prolongées de Geminga. Ces trois observations conduites à six mois d’intervalle ont fait apparaître de légers décalages dans la position de l’étoile à neutrons. Quelques étoiles plus brillantes mais plus éloignées situées à l’arrière-plan dans le champ de la caméra de Hubble ont servi de cadre de référence. En un an, Geminga s’était déplacée vers le Nord-Est de 0,17 seconde d’arc ce qui équivaut à un degré tous les 21 millénaires. Ce décalage provient du déplacement très rapide de Geminga à travers la Galaxie. Mais l’étoile à neutrons donnait également l’impression d’osciller de part et d’autre des trajectoire interstellaire en raison de la modification de l’angle de visée de Hubble avec la rotation de la Terre autour du Soleil.

A six mois d’intervalle, au printemps et à l’automne dans le cas présent, la Terre occupe autour du Soleil des positions opposées, éloignées de 300 millions de kilomètres. Il en résulte que le gisement des étoiles observées se modifie légèrement par un effet dit de parallaxe. Les étoiles proches apparaissent davantage décalées que celles qui sont très éloignées. Les astronomes peuvent mesurer leur distance par trigonométrie.

Même avec Geminga, le Télescope spatial Hubble a enregistré un déplacement latéral de 0,00636 seconde d’arc, soit moins de deux millionièmes de degré. Sur la base de ce nombre, les astronomes italiens ont calculé que Geminga se situe à 512 années de lumière (157 parsecs) de la Terre, avec une incertitude de l’ordre de 100 années de lumière. L’intense rayonnement gamma et le faible éclat lumineux qui nous parviennent aujourd’hui ont été émis par Geminga à peu près à l’époque où Christophe Colomb découvrait l’Amérique.

Hipparcos confirme
Geminga était donc démasquée. La mesure de sa distance complète le long cheminement qui a fait d’une source gamma énigmatique un objet aux caractéristiques bien définies. L’équipe italienne a calculé que Geminga se déplace à la vitesse d’au moins 120 kilomètres par seconde. Les émission de rayons X et gamma de cette étoile à neutrons équivalent en termes d’énergie à dix fois la lumière visible du Soleil. Et, ce qui est plus important, on connaît maintenant, la répartition de l’énergie libérée par Geminga aux différentes longueurs d’onde.

Les mesures collectées par le satellite d’astrométrie de l’ESA Hipparcos, combinées aux observations faites par le télescope Hubble permettent aujourd’hui d’affiner encore la position de Geminga avec une précision d’environ 10 millionièmes de degrés (0,04 seconde d’arc). Après un rapport préliminaire présenté à Venise en mai 1997 lors d’un symposium sur les résultats d’Hipparcos, tous les détails relatifs à la localisation de Geminga viennent d’être consignés dans un article publié en janvier dernier dans la revue “Astronomy and Astrophysics”.

Les astronomes sont maintenant en mesure d’affirmer que, le 17 mars 1995, date de l’image prise par Hubble, Geminga se trouvait à une longitude céleste de 98,47563 degrés et à une latitude céleste (ou déclinaison) de 17,77025 degrés dans le référentiel Hipparcos. L’incertitude n’est plus que de plus ou moins 1 sur la dernière décimale.

A la manière d’un phare à feu tournant, Geminga, située dans la constellation des Gémeaux, renvoie vers la Terre un faisceau de rayonnements gamma et X à une fréquence de 252 fois par minute. Elle s’apparente à une horloge qui retarderait de moins d’une microseconde par an.

En attendant XMM, INTEGRAL et le VLT
Mais Geminga est loin d’avoir livré tous ses secrets. Par exemple, la question de savoir si elle possède une planète n’est pas dénuée de tout fondement. En tous cas, on constate une légère modification du rythme de pulsion de Geminga sur un cycle de 5 ans, modification mise parfaitement en évidence lors des récents observations de Compton Gamma Ray de la NASA. Même s’il peut s’agir d’une coïncidence due à des erreurs compte tenu de la faible quantité de données disponibles, certains chercheurs avancent une explication physique par la présence éventuelle d’une planète deux fois plus massive que la Terre, décrivant une orbite autour de l’étoile à neutrons sur une période de 5 ans, ce qui provoquerait les oscillations constatées.

Les étoiles à neutrons ne sont des radiosources que pendant une petite fraction de leur vie. Si quelque 700 pulsars ont déjà pu être répertoriés, il existe probablement des millions d’étoiles à neutrons qui, comme Geminga, n’émettent pas dans le domaine radio. Des milliers d’entre elles pourraient faire partie des sources de rayonnement X déjà connues mais non identifiées à ce jour.

Le prochain chapitre sera la recherche d’autres étoiles à neutrons sans émissions radio semblables à Geminga au moyen de XMM, satellite ultra-sensible de l’ESA conçu pour l’astronomie dans le rayonnement X qui doit être lancé en 1999. Deux ans plus tard, XMM sera rejoint en orbite par Intégral, un satellite d’astronomie dans le rayonnement gamma réalisé par l’ESA.

Sans compter l’apport de la formidable machine astronomique qu’est le Very Large Telescope, (VLT) de l’ESO au Chili. La première lumière de la première de ses quatre unités (de 8,2 m de diamètre chacune) est prévue durant la nuit du 25 au 26 mai prochain. Dès que ce premier télescope sera mis en service, il sera capable d’en faire l’analyse spectroscopique, donc de nous fournir les propriétés chimiques, de Geminga. La traque continue.

Pierre Bastin

INTEGRAL

INTEGRAL, prochaine mission de l’ESA - Les monstres du bestiaire céleste

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, pratiquement, toute l’information que nous possédions sur l’Univers nous la devions à l’observation de la lumière visible. Et pour cause! Les observations astronomiques ne sont possibles à l’aide de télescopes “au sol” que dans quelques portions du spectre électromagnétique.

Le spectre électromagnétique comprend une vaste gamme d’ondes, de fréquences et de longueurs d’onde très diverses : la fréquence va des grandes valeurs, de l’ordre de 1023 hertz jusqu’aux plus petites, vers 103 hertz, et les longueurs d’onde correspondantes vont de 10-14 à 105 mètres.

Il n’est jamais inutile de le rappeler. La lumière est constituée d’ondes qui se déplacent dans l’espace à la vitesse de 300 000 km par seconde (299 792,458 km exactement), et qui présentent certaines analogies avec les vagues. La distance entre deux crêtes est la longueur d’onde. Le nombre de crêtes passant par seconde devant un observateur est la fréquence. Le produit de la longueur d’onde, en mètre, par la fréquence, en herts, vaut c=3 108 m/s.

Les ondes électromagnétiques
Les ondes électromagnétiques, constituées d’ondes rayonnées dans l’Univers tant par la matière condensée d’astres comme les étoiles que par la matière diffuse des espaces interstellaires, consistent en des variations du champ électromagnétique se propageant dans le vide.

Les ondes électromagnétiques sont produites par des charges (particules chargées) électriques accélérées. Elles sont constituées d’un champ électrique et d’un champ magnétique oscillants, perpendiculaires entre eux et perpendiculaires à la direction de propagation de l’onde. Elles peuvent être détectées à de très grandes distances. En outre, elles transportent de l’énergie, ce qu’on appelle de la quantité de mouvement.

En effet, les ondes électromagnétiques ont des effets énergétiques selon leur fréquence. Lorsque celle-ci est basse, leur énergie est faible et le moindre obstacle les arrête (c’est le cas des ondes hertziennes, des infrarouges, de la lumière visible et des ultraviolets); les radiations de haute fréquence (rayon X, rayons gamma) sont beaucoup plus énergétiques. On connaît assez les effets destructeurs des rayons gamma issus des transformations nucléaires.

Une loi importante de la physique, la loi de Wien, exprime que la longueur d’onde d’un rayonnement est inversement proportionnelle à la température du corps qui l’émet. Ainsi, les rayonnements gamma, X et ultraviolets sont émis par des objets très énergétiques ou très chauds alors que les rayonnements infrarouge et radio sont caractéristiques d’objets plutôt froids.

On peut rappeler aussi que la lumière visible couvre une gamme de longueurs d’onde allant d’un peu moins de 400 nm à environ 700 nm ( 1 nanomètre, nm, vaut 10-9 mètre) et que l’œil humain distingue des différentes longueurs d’onde de cet intervalle comme des couleurs. Le violet et le bleu sont les longueurs d’onde les plus courtes, tandis que l’orange et le rouge sont les plus longues.

Dans la plupart des domaines spectraux, la radiation est absorbée dans les couches supérieures de l’atmosphère terrestre et ne peuvent pénétrer jusqu’au niveau des observatoires d’altitude. D’où la naissance de l’astronomie spatiale.

Les outils de l’exploration
Comment accéder aux autres informations? La mise au point de fusées de plus en plus puissantes a permis la naissance et l’essor de l’astronomie spatiale. Nous avons aujourd’hui une meilleure maîtrise de l’information que nous recevons de l’Univers. Mais celle-ci est encore loin d’être complète. Chaque particule des rayons cosmiques est un véritable “reporter” des événements cosmiques. Il reste à se donner les moyens d’enregistrer les informations avec toujours plus d’acuité et de passer du stade de la simple collecte au stade de l’exploration.

Les différentes missions de la NASA et de l’Agence Spatiale européenne attestent de cette volonté d’obtenir progressivement une couverture de plus en plus complète du rayonnement électromagnétique. La cohérence du programme spatial de l’ESA est particulièrement remarquable en ce domaine. Ce programme, dénommé
“Horizon 2000”, offre la possibilité d’explorer l’Univers dans l’ensemble des longueurs d’onde du spectre électromagnétique, depuis les ondes radio jusqu’aux photons gamma.

Ce programme “Horizon 2000” comprend : - dans le domaine sub-millimétrique et infrarouge lointain : FIRST (Far Infrared Space Telescope), lancement prévu pour l’an 2002. Il succédera à ISO;

En 1975, le premier satellite lancé par l’ESA était l’observatoire gamma COS-B, initialement prévu pour une mission de deux ans, il restera opérationnel pendant 80 mois. Deuxième satellite dédié à l’observation du ciel dans cette frange du spectre, il succédait à l’américain SAS-2 (small Astronomical Satellite, allias Explorer 48) lancé en 1972.

Forts de ces premiers succès, Américains et Européens étudièrent des satellites qui devaient prendre leur succession. Aux USA, le satellite GRP (Gamma Ray Observatory) fut lancé par la navette en avril 1991 sous le nom d’ “observatoire Compton”. En Europe, un projet similaire, baptisé GRASP (Gamma Ray Astronomy with Spectroscopy and Positioning) était présélectionné par l’ESA en 1988, mais finalement non retenu. Cependant qu’en Russie, en 1989, le satellite Granat emportait le télescope gamma français SIGMA (Système d’Imagerie Gamma à Masque Aléatoire). Pour compléter et poursuivre leurs travaux, les Européens décidèrent, lors de la réunion du comité du programme scientifique de l’ESA des 3 et 4 juin 1993, de mettre en chantier l’ambitieux projet INTEGRAL.

Repousser les frontières
Le mardi 22 septembre dernier à son Centre d’essai ESTEC (Noordwijk, Pays-Bas), l’ESA a levé le voile sur INTEGRAL, son observatoire d’astronomie dans le rayonnement gamma et dont la mission pilotée par l’ESA aura un caractère international : la Russie fournit le lanceur et la NASA assure la poursuit avec son Réseau pour l’espace lointain. INTEGRAL sera lancé de Baïkonour en 2001 par une fusée russe Proton. Les instruments qu’il emportera, de 10 à 50 fois plus sensibles que ceux de précédentes missions, permettront de repousser les frontières de l’astronomie gamma.

Mesurant cinq mètres de hauteur et pesant plus de quatre tonnes, INTEGRAL passera la plus grande partie de sa vie orbitale au-delà des ceintures de radiation, à une altitude minimum de plus de 46 000 kilomètres. Il fera le tour de la Terre en 48 heures et pourra observer l’Univers en permanence.

Il comporte deux instruments principaux pour observer les rayons gamma. Un dispositif imageur fournira des images extrêmement piquées des rayons gamma. Les rayons gamma ne peuvent pas être réfléchis par une lentille de verre ou un miroir, c’est pour cette raison qu’INTEGRAL produira ses images au moyen d’un masque codé. Pour l’essentiel, un télescope à masque codé se présente sous la forme d’une caméra de type sténopé (petit trou percé dans une plaque très mince et faisant office d’objectif photographique), avec toutefois une ouverture plus grande, c’est-à-dire qu’elle comporte de nombreux “trous d’épingles”.

Un spectromètre mesurera avec une très grande précision les énergies des rayons gamma et sera cent fois plus sensible que le précédent instrument spatial à haute résolution spectrale. Cet instrument se compose d’un détecteur en cristal de germanium, de haute pureté, qu’il faut refroidir à moins 188 degrés Celsius.

L’imageur et le spectromètre sont complétés par deux autres instruments de surveillance qui jouent un rôle essentiel dans la détection et l’identification des sources de rayons gamma. Un moniteur de rayons X, observera ces rayons.

Les objectifs de la mission
INTEGRAL aura pour mission première l’observation du plan et du centre galactique riche en sources gamma, mais devra également rechercher des sources gamma extragalactiques, telles que des noyaux de galaxies actifs ou des amas de galaxies. L’une de ses priorités sera également l’étude des “objets compacts” comme les étoiles à neutrons, les trous noirs, les novae et supernovae.

Décrypter les phénomènes alchimiques de l’Univers qui fabriquent les éléments constitutifs des étoiles et des galaxies et percer le mystère de la fin de vie des étoiles, telles seront les tâches d’INTEGRAL. Les rayons gamma sont un millions de fois plus énergétiques que la lumière visible et nous renseignent sur les phénomènes physiques stupéfiants qui sont à l’origine de la nucléosynthèse et de l’apparition de la vie dans l’Univers.

Comme nous l’avons vu, les rayons gamma constituent la forme d’énergie la plus élevée du rayonnement électromagnétique. L’astronomie dans le rayonnement gamma explore donc les phénomènes les plus énergétiques se produisant dans la nature et s’attaque à quelques uns des problèmes fondamentaux de la physique. Nous savons, par exemple, que la plupart des éléments chimiques de notre organisme proviennent d’étoiles mortes de longue date. Mais, comment ces éléments se sont-ils formés? INTEGRAL aura pour mission de prouver que les rayons gamma ont un rôle à jouer dans l’apparition de ces éléments.

La plus grande partie du temps d’observation sera ouverte à la communauté astronomique mondiale, notamment grâce à un programme d’ “expérimentateurs invités” qui fera l’objet d’un appel à propositions. Le reste de la mission sera réservé aux instituts de recherche ayant développé la charge utile.

Les rayons gamma se manifestent également lorsque la matière pénètre dans les champs gravitationnels extrêmes des compressions stellaires ou des trous noirs. L’un des objectifs scientifiques majeurs de la mission INTEGRAL sera d’étudier ces objets compacts que sont les étoiles à neutrons et les trous noirs. Outre les trous noirs stellaires, il existe probablement des spécimens beaucoup plus gros de ces objets extrêmement denses. La plupart des astronomes pensent qu’au cœur de notre galaxie, la Voie Lactée, tout comme au centre d’autres galaxies, se trouvent probablement des trous noirs géants. INTEGRAL devra prouver l’existence de ces objets exotiques.

Les sursauts gamma
Les bouffées de radiations extrêmement puissantes qui apparaissent brusquement dans le domaine gamma pour disparaître quelque temps après sont encore plus étranges que le rayonnement hautement énergétique émanant du centre de galaxies distantes. Ces sursauts gamma semblent être les plus grosses explosions jamais observées dans l’Univers. Personne n’en connaît l’origine. INTEGRAL aura ainsi pour mission de percer ce mystère.

En effet, on ne sait encore rien de l’origine des émission intenses et imprévisibles, telles des sources transitoires, de rayonnement gamma observé dans l’Univers, et appelés sursauts gamma.

Une fois par jour, un sursaut de rayonnement gamma d’une incroyable intensité est émis dans l’espace, et toujours à un endroit totalement imprévisible. Ces manifestations, aussi brèves que violentes durent généralement de une à dix secondes.

D’abord, l’intensité de ces émissions augmente pour devenir détectable, puis cette intensité varie avant de disparaître. Sauf dans quelques rares cas, on n’a jamais enregistré plus d’une émission dans une direction donnée, et on n’est jamais parvenu formellement à identifier aucune de ces émissions avec une source déjà connue dans d’autres rayonnements électromagnétiques.

Lorsqu’ils atteignent leur intensité maximale, ces sursauts gamma sont de loin les émissions de rayonnements gamma les plus intenses du ciel. Pour se donner une petite idée, les émetteurs de rayons gamma produiraient plus d’énergie en une seconde que le Soleil en une semaine.

INTEGRAL devrait aider les chercheurs à répondre à certaines questions fondamentales sur les propriétés de ces émetteurs gamma qui pourraient bien être, dans un certain nombre de cas, des étoiles à neutrons.

Les étoiles à neutrons
Rappelons qu’une étoile à neutrons est une étoile très petite et très dense, qui se forme pendant les dernières étapes de son évolution. Son rayon est d’une dizaine de km, sa densité centrale peut dépasser 10-10 kg par centimètre cube. Des champs gravitationnel et magnétique très intenses règnent à sa surface et constituent certainement une source énergétique suffisante pour être à l’origine d’une émission de rayons gamma.

Si l’on prend comme exemple le célèbre pulsar du Crabe, issu d’une explosion de supernova et qui a engendré la nébuleuse du même nom dans la constellation du Taureau, la masse de celui-ci est environ 300 000 fois supérieure à celle de la Terre et son rayon 400 fois plus petit, ce qui implique que la force gravitationnelle à sa surface devrait être de l’ordre de 48 milliards de fois supérieure à celle que nous subissons sur Terre. A la surface de cette étoile à neutrons, un homme pèserait quelque 4 milliards de tonnes!

Cousins des étoiles à neutrons, les pulsars et autres radio pulsars, sont aussi de fantastiques objets issus d’explosions stellaires qui ont failli donner naissance à un trou noir. Étranges toupies cosmiques, elles tournent sur elles-mêmes jusqu’à plusieurs centaines de fois par seconde. En véritables prédateurs, les pulsars peuvent se livrer à des festins cannibales en se nourrissant des étoiles géantes qui se trouvent dans leur voisinage.

Il existe aussi les systèmes doubles d’étoiles à neutrons. La collision d’étoiles à neutrons pourrait être la dernière étape de la vie d’un système double. Les ondes gravitationnelles émises par le système emporte de l’énergie : les deux étoiles se rapprochent jusqu’à leur fusion. Cette fusion entre deux étoiles à neutrons pourrait être la source des rayonnements les plus énergétiques de l’Univers. Et certains voient dans cette fusion une cause possible des fameux sursauts de rayons gamma que nous venons d’évoquer.

Les trous noirs
Le terme de trou noir a été inventé par le célèbre physicien de Princeton, John Archibald Wheeler, voici une trentaine d’années, dans un article paru en 1968 dans la revue American Scientist sous le titre que nous traduirons par “Notre Univers : le connu et l’inconnu”. Depuis, le sujet n’a cessé d’exciter l’imagination du grand public et se range parmi les quelques sujets astronomiques les plus “cotés” (avec la théorie du Big Bang et la question de la possibilité de vie extraterrestre).

Ce vocable désigne des objets aux propriétés encore plus stupéfiantes que celles des étoiles à neutrons et qui ressemblent à des gouffres cosmiques sans fond dont plus rien ne peut s’en échapper, ni matière ni rayonnement, engloutissant de façon inexorable tout ce qui l’approche de trop près. Comme il retient jusqu’à sa propre lumière, il demeure invisible, ce qui justifie son nom.

Selon la théorie, des trous noirs de toutes tailles et de toutes masses peuvent exister : les plus petits auraient, concentrée dans le volume d’une particule élémentaire, la masse d’une montagne; les plus gros rassembleraient une masse équivalente à celle de plusieurs centaines de millions d’étoiles dans une sphère de rayon comparable à celui du Système solaire. Entre ces deux extrêmes, se trouveraient les trous noirs stellaires, issus de l’effondrement gravitationnel d’étoiles trop massives.

Cependant, les trous noirs les plus spectaculaires sont ceux que l’on envisage comme étant le moteur énergétique des quasars et des galaxies à noyau actif. Ces objets très éloignés émettent à toutes les longueurs d’onde y compris dans le rayonnement gamma, des quantités d’énergie colossales, car ici, le trou noir pourrait atteindre une masse de centaines de millions d’étoiles. INTEGRAL pourrait bien faire quitter les trous noirs du domaine des spéculations pour les faire entrer dans celui de la certitude.

On peut mieux comprendre, dès lors, toute l’importance de la mission de cet observatoire spatial européen qui va scruter les phénomènes alchimiques de l’Univers qui fabriquent les éléments constitutifs des étoiles et des galaxies, qui devrait percer le mystère de la fin de la vie des étoiles, qui devrait aborder d’une manière tout à fait nouvelle les phénomènes physiques stupéfiants qui sont à l’origine de l’apparition de la vie dans l’Univers.

Le ciel gamma, comme le ciel X, est le ciel des hautes énergies et les astres qui émettent ce type de rayonnement sont sujets à des phénomènes d’une extrême violence et dont le moteur est toujours d’origine nucléaire. L’Europe s’est dotée d’un formidable outil d’étude des expressions les plus cataclysmiques de l’Univers.

INTEGRAL devrait nous livrer les monstres de ce bestiaire céleste fascinant.

Pierre Bastin

VLT (Very Large Telescope)

Le temps du rêve

Ce n’est un secret pour personne. Les astronomes et autres astrophysiciens sont avides d’observations, d’images, d’analyses, de résultats, de théories. Un Pantagruel bien né dort en chacun d’eux.

La formidable moisson déjà engrangée par le HST (Hubble Space Telescope), ESA-NASA, alimente chaque mois la presse spécialisée et monopolise l’attention de bon nombre de chercheurs. Les familiers d’Internet en savent quelque chose, et ceux qui ont la bonne idée de visiter régulièrement le site de la Société astronomique de Liège, sont récompensés par de très belles images. Il n’est pas rare que celles-ci soient le fruit du HST. Sous les doigts experts d’Eric Darchis, la " Photo du mois " est devenue hebdomadaire et mérite donc des détours plus fréquents. Nous en voulons pour preuve l’image de la semaine du 15 janvier, qui nous donnait à découvrir la " Hourglass Nebula ", objet quelque peu magique qui dût intriguer plus d’un visiteur.

Il s’agit, en fait, d’une nouvelle découverte du HST qui a pu révéler la véritable forme de MyCn18, celle d’un sablier, d’où le nom inconnu jusqu’alors, de " Hourglass " que la NASA vient d’attribuer à cette jeune nébuleuse dite " planétaire " qui entoure une étoile mourante, localisée à quelque 8.000 années lumière. Nous avons pu obtenir ses coordonnées équatoriales (J2000): AD=13h39m29.679s, Dec.=67d22’38.786’’. Les observateurs liégeois n’ont pas de chance. C’est dans l’hémisphère sud.
Voilà ce qui confirme, s’il le fallait encore, la nécessité, pour les Européens, d’avoir un observatoire pour le ciel austral. Fort heureusement, grâce à l’ESO, ils l’ont et pas n’importe lequel.
Le paradis astronomique européen
Sans trop s’étendre, on peut rappeler que l’ESO, organisation intergouvernementale européenne, a été fondée en 1962 " pour installer, faire fonctionner un observatoire astronomique dans l’hémisphère austral, promouvoir et organiser la coopération dans la recherche astronomique en Europe. Ses Etats membres sont la Belgique, le Danemark, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la République fédérale d’Allemagne, la Suède et la Suisse. " Le siège principal de l’ESO, avec ses départements scientifiques et techniques, se trouve à Garching, près de Munich, en Allemagne.

Le personnel de l’organisation compte près de 300 personnes. L’observatoire se trouve au Chili, sur la montagne La Silla, à 2.400 m d’altitude, environ 600 km au nord de Santiago. Quatorze télescopes optiques, dont le plus grand a un miroir de 3,60 m de diamètre, ainsi qu’un radiotélescope submillimétrique de 15 m sont actuellement en service. Ce site, visité par 350 astronomes par an, offre quelque 300 nuits annuelles parfaitement claires.

L’instrument le plus récent (achevé en 1989) est le NTT (New Technology Telescope), un télescope de 3,50 m à nouvelle technologie, qui est le télescope optique le plus avancé du monde. Un télescope géant, le Very Large Telescope (VLT), est en cours de construction au sommet du Cerro Paranal, à 2636 mètres d’altitude, dans la zone la plus sèche du désert de l’Atacama au Chili, dans la Cordillère des Andes, et à 400 km au nord de La Silla.

Le VLT est un projet combinant quatre télescopes de 8m20 de diamètre. Ces télescopes pourront fonctionner indépendamment ou en association, totalisant alors la puissance d’un télescope de 16 m avec une surface totale de 200 m². Ils permettront même, en mode interférométrique (l’interférométrie optique est une technique qui utilise les interférences de la lumière des étoiles, ou de sources de petit diamètre apparent, en vue d’améliorer la résolution des observationsneffectuées au moyen d’un télescope), d’atteindre une résolution spatiale de 0,0005 seconde d’arc. De quoi faire blêmir les concepteurs, les techniciens du Hubble Space Telescope. En voie de réalisation, la première unité devrait pouvoir être opérationnelle dès 1998. Lorsqu’il sera terminé, à la fin de ce siècle, le VLT sera le plus grand télescope optique du monde.

Premières jubilations
Le Conseil de l’ESO s’est réuni à Milan le 28 novembre dernier et a pu découvrir la structure mécanique achevée de l’unité 1 du VLT. Cette structure pesant 430 tonnes accueillera le premier miroir primaire en verre céramique de 23 tonnes, moulé d’une seule pièce (une première) en Allemagne et poli en France avec une précision de forme à 20 millionième de millimètre près.

Président du Conseil de département de l’Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège, Jean-Pierre Swings assistait à cette réunion en tant que vice-président du Conseil de l’ESO.

C’est donc avec le plus grand intérêt que nous avons suivi la conférence qu’il a présentée le vendredi 26 janvier à la tribune de la Société astronomique de Liège, avec, comme partenaire, Jean-François Claeskens, jeune chercheur du même Institut.

Ce fut l’occasion d’avoir un aperçu passionnant, fort détaillé et très imagé de l’évolution récente de l’ESO, des observations sur le site de La Silla et de la construction du Very large Telescope sur le site du Cerro Paranal.

Notre intention n’est pas d’en rendre compte, mais de nous en servir comme point de départ pour une petite série d’articles sur ce sujet qui mérite d’être actualisé pour l’ ensemble des lecteurs du " Ciel ".

Ainsi, avant même de détailler quelque peu les caractéristiques principales de ce qui sera le plus grand télescope optique de la planète, de faire le point sur l’état de sa réalisation, de vivre par témoignage interposé, une observation sur le site de La Silla, nous avons pensé qu’il n’était pas inutile de rappeler, dans un premier article, les principaux objectifs scientifiques du Very Large Telescope.

Avant de répondre à la question de savoir de quoi il est fait et comment il fonctionnera, on peut avancer quelques réponses à celle de savoir à quoi il va servir. Y répondre, c’est aller à la rencontre des rêves, des espoirs de tous les astronomes et astrophysiciens. C’est aussi et d’abord aller à la rencontre d’une constante que l’on retrouve dans l’intérêt des chercheurs européens de l’ESO.

Origine, évolution, structure, répartition
Chaque année, environ 600 projets d’observation sont proposés à l’ESO par des centaines d’astronomes professionnels européens. Une partie de ces projets seulement, triés par un comité d’experts, débouche sur des observations célestes. Les domaines de recherche aux télescopes en fonction actuellement sur le site de La Silla se sont confirmés d’année en année. Ils rencontrent bien les questions les plus importantes de l’astronomie contemporaine.

Ces recherches portent sur l’origine et l’évolution de notre Système solaire, sur l 'évolution du Soleil et d’autres étoiles, sur la nature du gaz interstellaire diffus à l’origine de nouvelles étoiles, sur la structure de notre galaxie et d’autres galaxies, sur les processus énergétiques se produisant dans les noyaux des galaxies et des quasars, sur la répartition des galaxies dans l’espace, sur l’évolution des galaxies et finalement, en conclusion, sur la nature de l’Univers, son évolution et ses origines premières, et le processus suivi pour la concrétisation de la matière en myriades de galaxies et d’étoiles aperçues de nos jours.

Comme le soulignait déjà l’ESO en 1981, " en dépit de tout l’intérêt qu’il y a de découvrir les composantes de l’Univers, l’objectif le plus ambitieux est peut-être de pénétrer les secrets des lois de la nature, qui régissent la matière rencontrée dans l’Univers et l’Univers lui-même. "

A la lumière de ce schéma un peu général, on peut subdiviser les principaux programmes d’observation poursuivis jusqu’à présent sur le site de La Silla:

L’Univers primordial
Parmi les multiples programmes scientifiques que l’ESO a assigné au VLT, nous en avons retenu quelques-uns, bien faits pour donner une première idée de l’ampleur de ses moissons futures.

La découverte astronomique la plus importante du siècle est vraisemblablement le fait que notre Univers n’est pas statique, mais en évolution et en expansion. L’étude des phases initiales de son évolution nécessite l’observation des galaxies et des quasars très éloignés, par conséquent faibles.

Ces études nous renseigneront sur les conditions régnant dans l’Univers lorsqu’il n’avait que le quart de son âge actuel, sur la formation des galaxies et sur les énormes sources d’énergie des quasars. Voilà qui permettra d’améliorer nos connaissances sur les toutes premières phases qui ont suivi la naissance de l’Univers, lorsque la matière était si énergique que la physique des particules et l’astrophysique se confondaient.

La nucléogénèse
Quelques éléments chimiques ont été formés aux débuts de l’histoire de l’Univers. Presque tous les autres sont nés plus récemment au cours de longs processus de nucléosynthèse (formation des éléments chimiques par réactions nucléaires au sein des étoiles).

L’étude de notre Galaxie nous a déjà beaucoup appris. Il devient maintenant nécessaire d’observer des étoiles dans d’autres galaxies. Seul, le VLT possédera une surface collectrice suffisante pour permettre d’effectuer ces observations.

L’analyse de la lumière de quasars faibles, situés au-delà de galaxies lointaines, et qui permettra d’étudier ces galaxies aux premiers stades de leur évolution, tout au début de la synthèse des éléments, est du plus grand intérêt.

Le formation du Système solaire
L’origine de notre Système solaire est encore enveloppée de mystère. L’étude de systèmes semblables, actuellement en cours de formation dans la Galaxie, peut apporter beaucoup d’informations essentielles. La lumière visible nous parvient difficilement à cause de la densité élevée du gaz et de la poussière qui entourent ces objets.

Il est nécessaire de pouvoir analyser le rayonnement infrarouge avec une grande sensibilité et une haute résolution angulaire, ce que va permettre le VLT. Ces recherches sont également importantes pour étudier l’évolution primitive de la Terre et de tout ce qui touche à la vie dans l’Univers.

La matière obscure
Une grande quantité de matière dans l’Univers (près de 90%) semble être obscure et, par conséquent, invisible. Une partie de cette matière se présente sous la forme de trous noirs. Etant donné que la matière qui tombe dans un trou noir peut être lumineuse durant un temps très court, son étude peut permettre d’élucider la structure des trois noirs. Pour un trou noir ayant une masse de l’ordre de la masse solaire, le temps de l’effondrement final n’excède pas quelques millisecondes. Seul un télescope optique comme le VLT peut recueillir assez de lumière durant un temps aussi court.

De la matière obscure semble aussi être répartie en grande quantité dans les galaxies et les amas de galaxies. Son origine reste inconnue. On ne peut pas voir cette matière obscure, mais on peut déduire sa présence par la force d’attraction qu’elle exerce sur les objets visibles ou sur la lumière de sources lointaines. Une analyse spectroscopique précise et des études à haute résolution angulaire d’objets faibles sont nécessaires. Voilà bien un domaine scientifique dédicacé pour le VLT.

L’astroseismologie
Les caractéristiques intrinsèques d’une étoile (masse, luminosité, rayon) ne fournissent qu’une information limitée sur sa structure interne. Mais, lorsque l’étoile est en pulsation, on peut recueillir une information supplémentaire à partir des périodes et des amplitudes de l’oscillation. Il n’y a pas si longtemps, on a détecté plusieurs modes oscillatoires du Soleil. Leur analyse a eu un profond retentissement sur notre connaissance des structures internes de notre astre du jour.

Avec le télescope de 3,6 m de l’ESO, on a détecté un mode d’oscillation dans une étoile très brillante. Cependant, la surface collectrice de ce télescope hautement perforant est encore insuffisante pour pouvoir traiter un échantillon de quelques douzaines d’étoiles. Avec le VLT, cela deviendra possible, et une grande quantité d’informations nouvelles sur l’intérieur des étoiles aussi bien naines que géantes en résultera.

Les noyaux de galaxies
Beaucoup de galaxies possèdent un noyau actif qui émet une grande énergie dans une gamme étendue de longueurs d’onde. Les quasars en sont une forme spectaculaire malgré leur faible activité apparente. Le mouvement du gaz immédiatement situé autour des noyaux et ses propriétés émissives dans le visible et l’infrarouge pourra enfin être étudié grâce à la haute résolution angulaire et à la très grande sensibilité des instruments scientifiques dont le VLT sera doté.

De telles observations aideront à élucider la nature des conditions physiques extrêmes dans les noyaux et leur rôle au cours de l’évolution galactique.

Sans aucun doute, le Very Large Telescope apportera une abondante moisson de résultats scientifiques dont l’importance sera certainement plus grande que celle que nous évoquons brièvement ici, plus grande aussi que ce qu’il est possible d’imaginer à l’heure actuelle. Le VLT garde sa part de rêve.

Le destin de l’Univers
" Avec le Télescope spatial, on prévoit de voir le passé " titrait la presse en 1990, à l’époque de son lancement largement médiatisé. Faute d’avoir précisé lequel, c’est-à-dire faute d’avoir pu prévoir jusqu’où le HST pourrait porter son regard dans le fin fond de l’Univers, on peut dire qu’il y a réussi. C’est en tout cas ce que donne à penser le docteur Robert Williams, directeur du Space Telescope Science Institute de Baltimore. Le lundi 15 janvier, devant 1.200 scientifiques réunis à San Antonio (Texas) par la Société américaine d’Astronomie, il a présenté la dernière moisson en date du HST, une image d’une infime parcelle de ciel sur laquelle il s’est concentré pendant une dizaine de jours.

Le cliché définitif, résultat de 342 photographies, révèle " le point le plus éloigné
jamais observé par l’homme. "
" Il s’agit, devait conclure le docteur Williams, de l’incursion la plus détaillée dans la partie la plus lointaine de l’Univers jamais atteinte par l’astronomie optique. " Et effectivement, l’image est époustouflante!

Que dira-t-on au moment de la mise en service du VLT qui sera, au début du XXIe siècle la plus puissante machine astronomique de la planète? La connaissance même du destin de l’Univers sera à notre portée. En rêver? Certes, il en est encore temps. Mais il est plus que temps. La réalité VLT et son cortège de découvertes les plus attendues comme les plus inattendues sont maintenant toutes proches.

Pierre Bastin

Petite page d’histoire

Le VLT, c’est-à-dire le Very Large Telescope dont les Européens sont occupés à se doter, sera bien le plus grand télescope du monde, puisque formé d’un ensemble de quatre télescopes de 8,20 m, ce qui équivaut à un télescope de 16 m avec une surface collectrice totale de 200 m². Dans un premier article, paru dans le numéro de février de la revue " Le Ciel ", nous nous sommes penché sur les principaux objectifs scientifiques qui lui seront assignés, avant même de répondre à la question de savoir de quoi il est fait et comment il fonctionnera. Ceci devait être le sujet principal de ce deuxième article.

Cependant, en cours de route, nous avons changé quelque peu notre fusil d’épaule. Le vendredi 26 janvier dernier, la Société astronomique de Liège invitait à sa tribune Jean-Pierre Swings, Président du Conseil de Département de l’Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège, mais aussi Vice-président du Conseil de l’ESO (European Southern Observatory), l’Organisation Européenne pour des Recherches Astronomiques dans l’Hémisphère Austral. Le second conférencier était un jeune astrophysicien du même Institut, Jean-François Claeskens.

Ce fut l’occasion d’avoir un aperçu de l’évolution récente de l’ESO, des observations actuelles sur le site chilien de La Silla et de la construction du Very Large Telescope sur le site du Cerro Paranal. La série d’article entreprise n’était pas destinée à en rendre compte mais plutôt de s’en servir comme point de départ pour une actualisation plus vaste, plus fouillée de la problématique des recherches astronomiques européennes d’aujourd’hui et de demain.

Finalement, nous avons jugé fort utile de nous arrêter quelque peu sur le bref historique de l’ESO présenté par Jean-Pierre Swings, également ancien président du Very Large Telescope Advisory Committee. Il est nécessaire d’en avoir connaissance pour bien comprendre les mécanismes qui ont présidé aux choix et aux décisions qui valent aujourd’hui à l’Europe de se retrouver à l’avant-plan de l’observation astronomique. D’où le thème de ce second article qui reprend, dans les grandes lignes, cette relation historique présentée à l’occasion de cette conférence.

Prise de conscience européenne
En fait, l’ESO n’est pas, comme on pourrait le penser, une organisation récente. L’Observatoire Européen Austral a fêté son premier quart de siècle le 5 octobre 1987! C’est en effet le 5 octobre 1962 que des représentants officiels de cinq pays européens, la Belgique, la France, les Pays-Bas, la République Fédérale d’Allemagne et la Suède ont signé la " Convention portant Création d’une Organisation Européenne pour des Recherches Astronomiques dans l’Hémisphère Austral ". Le Danemark les rejoindra cinq ans plus tard. Les deux derniers membres du groupe actuel, la Suisse et l’Italie feront leur entrée en 1982.

L’idée d’un grand observatoire européen remonte aux années 50, et l’idée de base est partie d’une constatation: dans l’hémisphère nord, on trouvait les grands télescopes de Californie comme celui du mont Wilson, le Lick au mont Hamilton et le fameux observatoire du mont Palomar; dans l’hémisphère sud, il n’y avait rien, hormis quelques petits télescopes en Australie et en Afrique du Sud.

Notamment sous l’impulsion de quelques grands astronomes comme Baade, Oort, les Européens ont pris concience de la nécessité de posséder des instruments pour étudier, d’une part, le centre galactique qui, comme on le sait, est dans l’hémisphère sud, et les fameux Nuages de Magellan, deux petites galaxies voisines de notre Voie Lactée. Et il fallait les installer dans l’hémisphère sud.

Les premières propositions faites visaient à recopier un peu ce qui existait en Californie, c’est-à-dire, penser un télescope d’une taille de l’ordre de 3 m comme celui qui existait au Lick, et aussi de faire un genre de copie du télescope de Schmidt, donc d’un grand télescope, destiné à l’observation des grands champs, comparable au grand Schmidt du mont Palomar. Et, ce n’était pas du tout pour aller les ériger outre-Atlantique, mais bien en Afrique du Sud où se trouvaient déjà des stations d’observations anglaises, hollandaises et allemandes.

Sortie à l’anglaise
Avoir des idées est une chose. Il fallait encore trouver les moyens de les concrétiser et définir des bases de fonctionnement. Dès 1954, plusieurs gouvernements (Belgique, Allemagne, Hollande, France, Suède, Grande-Bretagne) émirent un certain nombre de recommandations. Il faut dire que, dès le départ, la France réclamait un accord international, un accord intergouvernemental.

Ce ne fut pas chose facile. Fin des années 50, en France à cause du conflit algérien, le mot " Afrique " créait une association avec l’Afrique du Nord et ne faisait pas que des partisans. Malgré tout, les tests ont été fait en Afrique du Sud. La Belgique y a participé et a joué un rôle non négligeable pour tenter de trouver un endroit où planter le décor du futur observatoire européen austral.

Tests après tests, négociations après négociations, discussions après discussions, les choses ont commencé à se décanter pour déboucher, au début des années 60, sur le retrait de l’Angleterre qui opta pour une collaboration australienne en Australie, après avoir essuyé le refus de ses partenaires de la suivre dans ses préalables. Les Anglais voulaient que le temps d’observation soit proportionnel à la contribution financière du pays à l’organisme qui allait se créer. Ils exigeaient également que, dans l’organisation créée, les votes soient pondérés, c’est-à-dire que le nombre de voix par pays soit proportionnel à la contribution financière. C’était encore moins acceptable.

Aujourd’hui encore, à l’ESO, sauf pour certaines questions au Comité financier, il reste entendu que c’est une voix par pays. " Lorsque nous allons dans des Comités de l’ESO, souligna Jean-Pierre Swings, pour discuter au niveau financier, ou au Conseil, chaque pays a une voix, et ce n’est pas proportionnel à la taille ni au produit national brut, ni à la contribution du pays ".

La Fondation Ford
Par ailleurs, dans le cadre de l’effort d’après-guerre, la Fondation Ford qui avait été approchée, donna son accord pour investir de l’argent dans un observatoire européen à concurrence, - cela remonte au début des années 60,- d’un million de dollars, ce qui représentait à peu près 20 % de l’investissement qu’il fallait consentir pour construire un télescope de 3 m et un Schmidt. Cet accord s’assortissait cependant de la condition qu’au moins *quatre pays soient signataires de l’accord. Il fallut pas mal de temps pour qu’enfin les pays précités se mettent d’accord.

Heureusement, quatre pays ont donné finalement leur consentement. C’était en 1964, dix ans après les premiers pourparlers du colloque de Groningen auquel participaient les astronomes Badde et Oort. La signature entraîna la donation promise par la Fondation Ford: un million de dollars pour le démarrage de l’ESO. " Pour le petite histoire, nota Jean-Pierre Swings, il est bon de savoir qu’actuellement, l’Australie est en train de frapper à la porte de l’ESO pour y entrer. Des négociations doivent commencer la semaine prochaine. C’est assez amusant de voir comment il peut y avoir des évolutions dans l’attitude
de certains pays… ".

Avantage au Chili
Toujours à la même époque, les tests de sites se poursuivaient en Afrique du Sud. Parallèlement, l’organisation qui allait devenir l’ESO entreprit des contacts avec l’Association des Universités américaines pour la Recherche en Astronomie (AURA), Association qui avait décidé de créer ce qui est maintenant l’observatoire interaméricain de Cerro Tololo au Chili. Des recherches de sites ont commencé à se faire au Chili.

Là, on s’est vite rendu compte, en comparant les données obtenues en Afrique du Sud et au Chili, qu’on avait des différences de température beaucoup plus importantes en Afrique du Sud. Cela voulait dire que la mise à température et l’adaptation du miroir au point de vue thermique, au ciel de nuit, était plus lente qu’au Chili, donc qu’il allait s’en suivre une qualité d’images moindre. Le nombre d’heures photométriques était nettement moins bon en Afrique du Sud qu’au Chili. Et si la qualité d’images était OK en Afrique du Sud, elle était particulièrement bonne sur certains sites du Chili. Résultat: l’Afrique du Sud fut abandonnée au profit du Chili.

De site en site
La fin des années 60 vit l’installation progressive des premiers télescopes à La Silla. Ainsi, en 1966, le télescope de 1 m destiné, à l’époque, avant tout à la photométrie et, maintenant, utilisé pour l’infrarouge. Le quartier général chilien de l’ESO s’installa à Santiago; les bureaux de Hambourg furant transférés à Genève, dans le contexte des accords avec le CERN, pour préparer le grand télescope de 3,60 m, et puis à Garching, près de Munich.

Des accords furent également conclus avec le CERN pour réaliser l’atlas, c’est-à-dire la cartographie du ciel austral en différentes couleurs, en commun avec les Anglo-australiens de l’époque. Les années 73-74 voient l’installation du télescope de Schmidt. Dans des années 70, le 3,60 m était en fonction.

C’est à la même époque que débutèrent les études concernant un télescope de 3,50 m de technologie nouvelle avec l’espoir de voir arriver des fonds nouveaux. Vers les années 78-79, en parallèle à des études faites aux Etats-Unis de télescopes de la taille des 10, 12, 16 m, l’ESO a commencé à penser sérieusement à un très grand télescope.

L’idée du Very Large Telescope fit son chemin. Les Européens commencèrent également à se demander si, réellement, le site de La Silla était bien le meilleur site chilien, et s’il ne fallait pas regarder d’autres endroits où construire un très grand télescope. L’idée d’installer le VLT à La Silla fut abandonnée au profit d’un autre site: le Cerro Paranal, une montagne de 2550 m d’altitude, en plein désert d’Atacama et seulement à 12 km de la côte du Pacifique.

En 1982, la Suisse et l’Italie ont rejoint l’ESO. Grâce à l’apport financier de ces deux nouveaux venus, l’ESO fut à même de créer le NTT, le télescope de 3,5 m de technologie nouvelle, tout en poursuivant des études approfondies concernant le VLT. En 1987, les huit pays membres de l’ESO prenaient l’engagement financier de le construire. Deux ans plus tard, le site du Cerro Paranal était définitivement choisi. A l’heure actuelle, l’enceinte de l’unité 1 du VLT est en voie d’achèvement.

Fonctionnement…
Pour clôturer cette page d’histoire, nous avons retenu un autre passage de la conférence de Jean-Pierre Swings qui, fort judicieusement, expliqua comment fonctionne une organisation internationale comme l’ESO, gérée par différents comités. On trouve tout d’abord un comité directeur qui chapeaute le directeur général et toute l’organisation. C’est le Conseil. Dans ce Conseil, se retrouvent deux délégués par pays: un scientifique (astronome) et un administratif représentant du gouvernement. Les réunions de ce Conseil sont souvent préparées par un comité du Conseil, via un délégué par pays.

A côté de ce Conseil, on trouve un comité des finances où il y a un représentant, parfois plus, par pays, représentant qui est très souvent un délégué administratif qui vient du ministère qui paye la contribution à l’ESO. Ensuite, il y a toute une série de comités qui sont plus scientifiques, qui s’occupent plus d’astronomie.

Il y a un comité scientifique et technique qui fait la prévision des instruments à installer derrière les grands télescopes, le comité des programmes d’observation, comité qui examine toutes les demandes de temps de télescope qui lui parviennent. Il fait un tri et propose une répartition du temps d’observation. Il faut dire que sur les grands télescopes de l’ESO, il y a ce qu’on appelle un facteur de pression de l’ordre de 4, c’est-à-dire qu’il y a de l’ordre de 4 fois plus de demandes que de temps disponible sur ces grands télescopes. Ce comité a donc un rôle très important à jouer.

…et présence liégeoise
On trouve aussi un comité des utilisateurs qui concerne tous ceux qui utilisent des télescopes ou des facilités aussi bien à Garching qu’au Chili, et qui ont leur mot à dire sur la gestion de l’ensemble. Enfin, il y a toute une série de groupes de travail, de comités consultatifs, pour, par exemple, le VLT, pour les différents instruments du VLT, pour le choix du site, pour les instruments auxiliaires destinés à être placés derrière le miroir primaire de chacun des quatre télescopes du VLT, etc.

Dans tous ces comités, on retrouve, en général, un délégué par pays, si pas plus. On notera, avec le plus vif plaisir, qu’en général, les Liégeois y sont relativement bien représentés, des groupes de travail jusqu’au Conseil avec Jean-Pierre Swings.

Pierre Bastin

Les Dalton au Paranal

Pas un brin d’herbe, pas un insecte, pas un oiseau. Pas une goutte d’eau. Le vide le plus vide.

Quel est le désert le plus désert de la planète? S’il vous reste quelques souvenirs de votre cours de géographie, vous répondrez: le désert de Gobi, en Asie centrale. Et bien, sachez que ce n’est plus exact depuis une quinzaine d’années, depuis la découverte par les Européens, dans le nord du Chili, du désert d’Atacama, en vérité le plus hostile de tous.

A l’est, l’imposante Cordillère des Andes. A l’ouest, à quelque douze kilomètres, l’océan Pacifique, refroidi par un fort courant venant en ligne droite de l’Antarctique, le Humboldt, et enfoui dans un éternel océan de nuages. Les nuages nés de l’évaporation océane baignent une bonne partie de la côte, mais ils sont arrêtés dès les premiers contreforts de la Cordillère. L’Atacama les surplombe comme une île vue d’avion.

Au coeur de ce désert d’Atacama, une montagne se distingue parmi d’autres: le Cerro Paranal. Il a l’aspect d’un cône et sert de repère aux aviateurs. L’horizon n’a que le bleu invariablement bleu du ciel. Le sol est à l’image de vagues de rochers ocres et cuivrés, figés dans l’incandescence du jour, dans l’âpreté absolue. La sécheresse est inexprimable. Une seule consolation pour le visiteur aventureux, le ciel de nuit, le plus beau du monde, environ 350 nuits par an.

C’est dans ce décor d’apocalypse, qui n’a vraiment rien du péplum hollywoodien, qu’a débuté l’extraordinaire aventure des frères Dalton.


Il n’est pas une semaine où le HST (Hubble Space Telescope) ne fournisse à la communauté scientifique internationale et au monde entier de nouvelles images, les unes aussi sensationnelles que les autres. Cette mission d’observation étant une mission conjointe NASA - ESA, les Européens y trouvent leur compte, en partie du moins. Il n’en reste pas moins vrai que le regard de tous les astrophysiciens européens est autant tourné vers le ciel que vers le site chilien de La Silla, l’observatoire actuel de l’ESO.

Organisation intergouvernementale européenne, l’ESO a été fondé en 1962 " pour installer, faire fonctionner un observatoire astronomique dans l’hémisphère austral, promouvoir et organiser la coopération dans la recherche astronomique en Europe ".

Du NTT au VLT
Est-il nécessaire de le rappeler, le site de La Silla, à 2.400 m d’altitude, et à environ 600 km au nord de Santiago, avec ses 300 nuits annuelles parfaitement claires, compte, à l’heure actuelle, quatorze télescopes optiques, dont le plus grand a un miroir de 3,60 m de diamètre, ainsi qu’un radiotélescope submillimétrique de 15 m. L’instrument le plus récent (achevé en 1989) est le NTT (New Technology Telescope), un télescope de 3,50 m à nouvelle technologie, qui est le télescope optique le plus avancé au monde. C’est déjà presqu’un instrument du 21e siècle. Il fait appel à des technologies entièrement nouvelles, tout particulièrement dans les domaines de l’optique, de la mécanique, de l’électronique, et même de l’informatique.

Ainsi, ce NTT est muni du premier système d’optique active en astronomie, système qui assure en permanence, par une correction active du miroir primaire, un fonctionnement optimal de l’optique du télescope. Son second " must " est l’optique dite "adaptative " qui peut lui être adjointe et qui permet de s’affranchir, dans une mesure importante, de la dégradation de la qualité de l’image par la turbulence atmosphérique.

Tout le monde en a fait l’expérience: la lumière provenant d’une étoile est déviée par l’atmosphère terrestre, et l’oeil humain perçoit une scintillation. L’optique adaptative du 3,6 m ou du NTT par exemple va déjouer les effets de la turbulence atmosphérique en compensant la distorsion de la lumière produite lors de sa traversée de l’atmosphère. Cette optique adaptative compense aussi la dégradation des images dues à certaines aberrations optiques dues à des imperfections du miroir primaire. Les images qu’elle permet d’obtenir depuis le sol sont aussi nettes que si elles avaient été réalisées dans l’espace au moyen d’un télescope au miroir irréprochable.

Le NTT n’est pas la seule raison de l’attention des astronomes européens. Le NTT, aussi performant soit-il, n’est qu’un télescope de transition, une sorte d’étape intermédiaire avant le Très Grand Télescope (VLT pour Very Large Telescope) actuellement en cours de construction au sommet du Cerro Paranal, à 2.636 mètres d’altitude et à 400 km au nord de La Silla, choisi en 1990 pour le nombre de ses nuits photométriques, la qualité de son atmosphère très faible en teneur d’eau (indispensable pour l’observation dans l’infrarouge), et sa transparence. Toutes ces nouvelles techniques développées pour le NTT seront particulièrement précieuses au VLT.

Au 20 millionième de millimètre près
Le VLT est un projet combinant quatre télescopes de 8,20 m de diamètre. Ces télescopes pourront fonctionner indépendamment ou en association, totalisant alors la puissance d’un télescope de 16 m avec une surface collectrice totale de 200 m². En mode interférométrique (l’interférométrie optique est une technique qui utilise les interférences de la lumière des étoiles, ou de sources de petit diamètre apparent, en vue d’améliorer la résolution des observations effectuées au moyen d’un télescope), ces quatre télescopes permettront d’atteindre une résolution spatiale de 0,0005 seconde d’arc.

Le VLT a déjà été le sujet de nos deux articles précédents parus respectivement dans " Le Ciel " du mois de février et du mois de mars dernier. En février, nous nous sommes plus particulièrement intéressé aux principaux objectifs scientifiques qui seront assignés à ce télescope géant du troisième millénaire. En mars, nous avons brossé un historique de l’ESO (European Southern Observatory) afin de mieux comprendre les mécanismes qui ont présidé aux choix et aux décisions qui valent aujourd’hui à l’Europe de se retrouver à l’avant-plan de l’observation astronomique. Il restait à faire le point sur l’état d’avancement de ce projet qui génère si bien l’impatience de tous.

Tout naturellement, nous nous sommes adressé (interview de janvier 96) à Jean-Pierre Swings qui est, depuis 1995, Vice-président du Conseil de l’ESO, organe suprême de gestion, de contrôle, de décision, de planning à long terme de cette Organisation Européenne pour des Recherches Astronomiques dans l’Hémisphère Austral, ancien Président du Very Large Telescope Advisory Committee et du VLT Site Selection Working Group.

Sur le site de Paranal, l’enceinte de l’unité 1 du VLT est achevée, la seconde est en voie d’achèvement. En Europe, les quatre miroirs en verre céramique Zerodur (une céramique dont le coefficient d’expansion thermique est nul, et bien connue des astronomes amateurs qui ont le courage de polir le miroir de leur télescope), ont été moulés d’une seule pièce (une première) par la société de Verreries Schott à Mainz, en Allemagne, puis transportés en France par barge à l’usine de polissage REOSC à Saint-Pierre-du-Perray , dans l’Essonne.

Deux ans ont été nécessaires à cette entreprise française pour polir le premier miroir (de 23 tonnes et de 17 cm d’épaisseur) avec une précision de forme à 20 millionième de millimètre près. Le polissage des deux premiers miroirs est terminé .

" C’est une véritable feuille de papier à cigarette, note Jean-Pierre Swings: fort heureusement, chaque miroir sera muni d’un support actif pour le maintenir parfaitement. N’oublions pas que le but est de collecter un maximum de photons dans une surface minimale pour obtenir les meilleures images possibles, pour faire de la photographie ou pour amener la lumière sur la fente d’entrée d’un spectrographe. Il y a intérêt à avoir la meilleure résolution possible qu’on puisse obtenir au sol."

Et d’ajouter: “Chaque miroir sera recouvert d’aluminium, comme d’habitude. Il se peut que certains soient optimisés pour l’infrarouge. Dans ce cas, ils seront recouverts d’un matériau un peu différent, tel de l’or qui réfléchit mieux dans le visible et l’infrarouge. Cela n’arrangera pas tout le monde, par exemple, ceux qui veulent faire des observations extragalactiques et qui désirent, bien évidemment, aller le plus loin possible dans le bleu et le violet, de façon à observer les objets avec les redshifts (décalage spectral vers le rouge) les moins élevés possibles. Il faut s’attendre à un beau débat!”

Le Conseil de l’ESO, auquel participait Jean-Pierre Swings, s’est réuni à Milan le 28 novembre dernier (depuis une autre réunion s’est tenue en juin) et a pu découvrir, dans les ateliers de la firme Ansaldo, la structure mécanique achevée de l’unité 1 du VLT , une superbe structure de 430 tonnes au pied de laquelle les représentants européens avaient un air de visiteurs lilliputiens! La construction des structures suivantes se poursuit activement.

Première lumière début 98

Une ère nouvelle pour l’astrophysique

Comparaison n’est pas raison

Le devenir du site de La Silla

L’observation à distance

Implications liégeoises


Le Cerro Paranal. Planté sur son décor surréel, le Very Large Telescope prend la forme d’un défi. C’est vers le ciel devenu le plus envié du monde que vont s’ouvrir, bientôt, les immenses pupilles du plus puissant des télescopes de l’an 2.000.

Il faut peut-être y voir plus qu’un simple défi technologique. Ses quatre miroirs se sont vu attribuer les noms des frères Dalton: Joe, Jack, William et Averell (donc rien à voir avec le dalton qui, en physique, est l’unité de masse égale au seizième de la masse d’un atome d’oxygène!). Pourquoi avoir choisi les noms de ces quatre desperados? Cette compétition prendrait-elle des allures de western? Allez savoir. Une sorte de bras d’honneur au Keck Telescope, érigé à Hawaï au sommet du Mauna Kea?

Avec son miroir segmenté, véritable dallage hexagonal de dix mètres de diamètre et composé de 36 miroirs de 90 cm de côté, le télescope Keck est actuellement le plus grand instrument optique de la planète, aujourd’hui en phase opérationnelle. A peine terminé, les Américains ont entrepris de lui adjoindre un frère jumeau, en vue de coupler les faisceaux des deux instruments pour synthétiser un télescope encore plus puissant. Et pourquoi ne les appellerait-on pas tous deux Lucky Luke et Jolly Jumper?

Le Keck Telescope est le télescope optique et infrarouge le plus puissant et le restera jusqu’à la mise en service du VLT. Après, comme Lucky Luke à la fin de chaque aventure, il pourra chanter: " I’m a poor lonesome cow-boy and a long way from home " (*), mais en sachant que ce n’est plus lui qui tire plus vite que son ombre…

Pierre Bastin

L’œil ouvert

La “Première Lumière” du Very Large Telescope était attendue avec impatience par l’ensemble de la communauté européenne des astronomes. Avec quelque anxiété aussi.

Le VLT, télescope géant de 16 m, qui comprend le couplage de quatre télescopes de 8,20 m, est en cours de construction sur le mont Cerro Paranal à 600 km au Nord de Santiago du Chili. Il est l’œuvre de l’ESO, (Observatoire européen Austral). Lorsqu’il sera terminé pour le début du troisième millénaire, il sera le plus grand télescope optique du monde. La première des quatre unités du VLT (UT1) est enfin opérationnelle.

Les premières images ont en effet été obtenues avec le UT1 du VLT, pendant la nuit du 25 au 26 mai 1998. Ces images étaient d’abord destinées à tester les performances du télescope et de son logiciel de contrôle. La science, tout comme les grandes découvertes, viendront plus tard… ce qui n’empêche pas de déjà pouvoir admirer quelques beaux objets célestes sans plus attendre.

Ces résultats ont été présentés au cours de conférences de presse organisées le mercredi 27 mai simultanément au Chili, au Danemark, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, au Portugal, en Suède, en Suisse et en Belgique, au Planétarium de Bruxelles et en présence d’Yvan Ylieff, ministre fédéral de la Politique scientifique et en présence d’une centaine d’invités. Y prirent notamment la parole : le professeur C. Waelkens, président du Comité belge de l’ESO et le professeur Jean-Pierre Swings, membre du Conseil de l’ESO et président du Conseil de département de l’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’Université de Liège.

Parmi les images collectées durant cette nuit mémorable, on trouve celle de l’Amas globulaire OMEGA du Centaure, celle du quasar du “Trèfle à quatre feuilles”, une image de la région centrale de l’amas globulaire M4, celle de la structure dans la nébuleuse du Papillon. Une autre nous révèle les filaments à grande vitesse dans Eta Carinae. La dernière met en évidence la bande de poussières de Centaurus A. Sans oublier celle du jet de M87 que nous vous offrons de découvrir ci-dessous déjà rien que pour le plaisir des yeux.

A chaque pose, le VLT a obtenu une qualité d’image exceptionnelle démontrant ainsi sa qualité optique parfaite et sa capacité à révéler des détails de faible brillance. Les spécifications ont été atteintes avec une précision qui n’était prévue, pour certaines d’entre elles, que d’ici à deux ou trois ans. Il est donc permis de continuer de rêver aux formidables possibilités futures de cette fabuleuse machine à “démonter” l’Univers.
Aujourd’hui, encore le rêve; demain, la jubilation.

Le jet de M87

Image composite de la région centrale de la galaxie M87 dans l’amas observable dans la constellation
de la Vierge, obtenue pendant la nuit de la Première Lumière, mais avec des conditions atmosphériques
très moyennes. Galaxie elliptique géante, M87 dont le cœur est un trou noir massif, est aussi l’une des plus puissantes radiosources connues. Comme nous le fait découvrir cette image réalisée avec le VLT,
le trou noir central est alimenté par un petit disque de gaz et constitue la source d’énergie
pour le jet (en bleu) qui pénètre la galaxie. (© Document ESO)

De l’Univers

Non au “prêt-à-penser”

Pour son magazine “Noms de dieux” de ce mercredi à 23h15, sur la RTBF1,
Edmond Blattchen a un invité de rêve. Il s’agit de l’astrophysicien Hubert Reeves. Surnommé, non sans raisons, “le poète de l’astrophysique”, Hubert Reeves a conquis depuis longtemps le grand public grâce à son immense talent de vulgarisateur.
En nous restituant “enfants de l’Univers”, il nous émerveille, tout simplement.
Ce sera encore le cas ce soir où il sera, cette fois, autant question du cosmos
que d’un dieu qui ne se pose plus en certitude mais bien en interrogation.
Avec un sérieux plein de malice, avec la plus grande simplicité, à l’aide de quelques métaphores et de quelques idées fortes, Hubert Reeves sait rendre accessibles les parcours les plus difficiles qui interrogent le passé et le futur de l’Univers et de l’homme.

Nous auront la chance de l’avoir ce soir en notre compagnie grâce au magazine d’Edmond Blattchen “Noms de dieux”. Pour rappel Hubert Reeves, né À Montréal, vit en France depuis près de trente ans. Docteur en astrophysique nucléaire, il est directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique, conseiller scientifique au Commissariat à l’Energie atomique à Saclay, près de Paris, et enseigne à l’université de Paris VII.

Des chefs-d’œuvre de vulgarisation
Grâce à ses livres, films et cassettes de vulgarisation, cet éminent scientifique est aussi bien connu du grand public, à tel point qu’il est devenu l’un des scientifiques les plus médiatiques et les appréciés.

Ces livres, chefs-d’œuvre de vulgarisation, comme “Patience dans l’azur” (l’évolution cosmique), “L’heure de s’enivrer” (l’Univers a-t-il un sens?), “Malicorne” (réflexions d’un observateur de la nature), “Poussières d’étoiles” (histoire de l’Univers depuis le big bang) ont tous rencontré la faveur, sinon la ferveur, d’un très large public.

Son dernier ouvrage, “Compagnons de voyage”, est un hymne à l’harmonie entre l’homme et le cosmos. (Voir nos éditions du vendredi 6 novembre 92).

Des certitudes aux interrogations
Le titre que Hubert Reeves a choisi pour l’émission est le titre du dernier paragraphe de “Malicorne” : “Dieu n’est plus ce qu’il était”. Et d’ajouter : "C’est tout ailleurs que Dieu maintenant se situe. On le rencontre au niveau des interrogations et plus au niveau des certitudes. Il prend sa place dans le voyage intérieur de chacun d’entre nous.

Il est la trame secrète de ce parcours qui se poursuit tout au long de l’existence. On le retrouve mêlé à nos angoisses et à nos questions sur le sens profond des choses."

Pour Reeves, c’est un peu là le résumé de l’histoire de notre civilisation. Pendant longtemps, dans les religions révélées, dieu était la vérité, l’autorité, celui qui donnait un sens à la vie. Après leur déclin, on s’est tourné vers la science en disant : il suffit de savoir, de connaître pour être heureux.

Il a fallu attendre le XXe siècle, explique Reeves, pour que l’homme s’aperçoive que ce n’était pas vrai non plus. La science, c’est ce qui nous dit comment cela marche dans le monde, mais elle ne nous dit pas comment il faut vivre. La science ne nous donne pas de valeurs. Les problèmes subsistent.

C’est cela le sens de “Dieu n’est plus ce qu’il était”. On ne le retrouve plus au niveau des certitudes. On le trouve au niveau des interrogations. Nous sommes devant un profond mystère, le mystère de notre existence.

La science peut nous dire comment cela s’est passé, comment nous en sommes arrivés là, mais les questions profondes autours de notre existence, la science ne peut rien nous dire.

Une lamentable histoire
Pour Reeves, cette évolution est en fait un passage à l’état adulte. "Pour moi, dit-il, les religions révélées, c’est un peu le “prêt-à-penser”. Notre civilisation a eu ce défaut de penser qu’on pouvait identifier la vérité en terme de mots, de concepts, de faire des crédos et d’essayer d’y convertir les gens et, au besoin, de les obliger par la force. C’est une lamentable histoire.

On a cru longtemps que la réalité profonde de l’Univers pouvait être enfermée dans quelques mots, c’est ce qui a donné lieu à cette idée de la vérité qui sur ce plan est une pauvre idée dont nous devons nous débarrasser au plus vite."

Un second thème abordé est une suite logique du premier. La science et la religion, constate Edmond Blattchen, n’ont pas toujours fait bon ménage. Pour Hubert Reeves, c’est la conséquence “d’intrusions territoriales”. Quand l’église fait un procès à Galilée parce qu’elle pense qu’elle sait comment cela se passe dans le ciel et bien elle est en dehors de son domaine.

Donner un sens à la vie
Le domaine de la science, poursuit Reeves, c’est comment ça marche dans le monde. Le domaine de la religion, de la philosophie, de la morale, c’est le comment vivre. Ce sont deux discours totalement différents. Chacun chez soi.

Ce qui ne veut pas dire que les connaissances scientifiques ne sont pas importantes pour arriver à se faire une idée de notre place dans l’Univers…

Bien d’autres sujets seront abordés comme la nécessité de replacer la création artistique dans l’évolution du monde, création qui donne un sens à la vie et ajoute à la beauté du monde, comme le sublime et le cruel, l’un comme l’autre de plus en plus efficaces… Nous vous laissons découvrir le meilleur.

Notre grande romancière Marguerite Yourcenar a écrit : “Il n’est pas difficile de nourrir des pensées admirables lorsque les étoiles sont présentes.” Avec nos cieux peu cléments, nous n’avons pas souvent la chance de leur présence.

Nous en aurons une ce soir sur nos petits écrans, aussi admirable que toute la constellation d’Orion :
Hubert Reeves.

“Compagnons de voyage” de Hubert Reeves
La Nature a besoin des hommes
Le Reeves nouveau est arrivé et même bien arrivé. Depuis plus d’une semaine,
il est en bonne place dans la vitrine des libraires. L’arrivée d’un nouveau livre
de l’astrophysicien nucléaire Hubert Reeves constitue toujours un événement éditorial.
Ce n’est pas sans raisons. Son immense talent de vulgarisateur au service
de la connaissance scientifique a conquis le grand public. Avec le plus grand sérieux
et avec la plus grande simplicité, à l’aide de quelques métaphores et de quelques idées fortes, il sait rendre accessibles les parcours les plus difficiles qui interrogent le passé
et et le futur de l’Univers et de l’homme. Le Reeves nouveau est arrivé.
Il a pour titre “Compagnons de voyage”.
Après le succès de “Patience dans l’azur” et de “L’Heure de s’enivrer”, Hubert Reeves, qui depuis 1966, est directeur de recherche au CNRS et travaille au Centre d’études nucléaires de Saclay, près de Paris, publiait, il y a tout juste deux ans, “Malicorne. Réflexions d’un observateur de la nature”. (1)

Ne l’ayant pas reçu, nous n’avions pas été en mesure, malheureusement, de le présenter. Notons que, dans cet ouvrage qui rencontra aussi la faveur d’un très large public, Hubert Reeves s’interroge sur les rapports entre science et culture, "entre ce qu’on sait et ce qu’on fait " : en quoi les nouvelles connaissances scientifiques modifient-elles le regard que nous portons sur notre activité d’humains ?

Ce livre, comme il l’écrit, il le doit “aux traînées de lumière dorée sur le tapis luisant des pervenches dans la pénombre du sous-bois” de Malicorne, un petit village de Puisaye, au nord de la Bourgogne, qui lui permet de “se sentir vivant, à la surface de la planète Terre, à l’instant présent de l’évolution de l’Univers”. Et c’est pour lui l’occasion de proposer un certain nombre de réflexions qui prennent valeur de témoignage et d’inspiration.

Hubert Reeves dédiait “Malicorne” “à ceux qui sont épris de science et de poésie”. Il dédie “Compagnons de voyage” à “une grande éclaire jaune qui a fleuri, le printemps dernier, sur une muraille en ruine”. Il s’agit, en fait, d’un voyage à deux, puisque son texte s’ouvre en ailes de papillons grâce à de superbes photographies en couleurs de Jelica Obrenovitch. (2)

Ce livre, explique Hubert Reeves, dans un court texte repris sur la jaquette du livre, "est né d’une rencontre dans le Sahara, au sud de Tamanrasset. Assis dans le sable, je parlais des étoiles à un groupe de voyageurs. Au-dessus de nous, splendide, la Voie Lactée se profilait d’un horizon à l’autre. C’est là que j’ai fait la connaissance de Jelica Obrenovitch.

La beauté de la vie
Photographe, depuis des années, elle parcourt la planète et traque sa beauté. Inspiré par ses images, j’ai tenté, dans ce livre, de faire parler nos “compagnons de voyage”, les êtres vivants qui nous accompagnent sur notre planète pendant notre brève existence et partagent avec nous son insondable mystère. Parler de quoi ? Du ciel, de la Terre, de la fragile puissance de la vie, et de la face sombre du monde".

En fin d’ouvrage, dans ses remerciements, Jelica Obrenovitch confirme les points de convergence qui présidèrent à leur rencontre et à la réalisation de ce livre : “A la recherche de réponses à de nombreuses questions que je me suis toujours posées, j’avais lu ses ouvrages. (…) La façon simple, claire et poétique dont il traitait les sujets qui m’intéressaient me plaisait. Il me semblait y déceler l’essentiel de ce qui me fascine tant : la beauté du monde et de la vie…”.

En réponse, Hubert Reeves avait déjà écrit en ouvrant le livre : "L’œil du photographe est celui qui, d’un contexte apparemment banal, extrait des images éloquentes. Comme le poète (selon Tristan Tzara), il “donne à voir” là où rien ne semblait digne d’attention. Ce qu’il a vu saute aux yeux. Mais seulement après qu’il nous l’a montré…

Comme les questions les plus simples sont souvent celles qui nous mènent le plus loin - pour quoi la nuit est-elle noire? pourquoi l’Univers est-il si grand ? - , les images les plus immédiates sont souvent porteuses de riches messages. Une plante à demi asséchée dans le désert saharien, une toile d’araignée perlée de la rosée du matin laissent deviner des correspondances aux dimensions cosmiques. Muettes, elles nous parlent un langage que, selon le conseil avisé de Charles Baudelaire, il nous faut tenter de déchiffrer".

Des voyageurs essentiels
“Pour nous, écrit Hubert Reeves dans sa préface, le départ, le but et le sens de notre aventure terrestre nous échappent. Nous sommes des voyageurs essentiels, des passagers du cosmos. L’altération de notre corps au cours des ans en marque pour nous l’inéluctable progression. Mais vers où ?”

Reste à interroger ce qu’il appelle “nos compagnons de voyage” qui nous accompagnent dans notre brève existence, qui partagent avec nous son insondable mystère", c’est-à-dire, les fleurs, les plantes, les animaux, de l’éléphant au martin-pêcheur, et ce bonheur d’être aimé d’un chat…

Cela dit, nous aurions bien du mal à résumer, mieux que Hubert Reeves, ce livre magnifique, tant est profonde l’empreinte de sa lecture, tant il est peu facile de reprendre un minimum de recul nécessaire. Il faut le lire, s’y laisser couler, comme dans la lecture d’un poème, comme dans un quatuor de Schubert, comme dans le silence d’une forêt, comme dans la féérique beauté du ciel étoilé d’un soir de décembre où trône la fascinante Orion.

"La première partie du livre s’appelle : Le langage des choses muettes, nous précise Hubert Reeves. Le premier chapitre “Cantate du minéral et du végétal” illustre l’admirable persévérance des plantes, en apparence si fragiles, toujours en sursis, perpétuellement menacées par la rigidité minérale. Elles nous mettent en garde contre les agressions infligées à la biosphère par notre civilisation industrielle. Nous risquons le retour aux paysages lunaires. Dans le second chapitre “Le nombre des fleurs”, nos compagnons de voyage nous parlent du cosmos qui nous a façonnés et dont ils portent encore les traces dans leur configuration.

Hominisation, humanisation
La seconde partie du livre “Le sublime et le cruel” prend la forme d’une grande fresque allégorique en quatre chapitres. Nos compagnons de voyage vont nous rappeler les deux faces de la réalité, la “claire” et la “sombre”, associées dans le langage aux éternels problèmes du “bien” et du “mal”. “Reprenant, quelque trois mille ans plus tard, le réquisitoire de Job, nous tenterons à notre tour d’éclairer notre lanterne sur cette aventure cosmique qui est la notre sans que nous l’ayons choisie”.

A l’échelle cosmique ou à l’échelle humaine, y a-t-il plus de raisons de se réjouir que de désespérer ? Telle est bien la question que Hubert Reeves repose à l’occasion de chacun de ses livres. Pour cet amoureux fou des étoiles qu’il sait encore regarder avec des yeux d’enfant, et qui se définit plus comme un historien du cosmos que comme un scientifique qui observerait une réalité fixe (pour lui l’histoire de l’Univers est l’histoire de la croissance de la complexité), l’hominisation mène à la catastrophe, et l’humanisation est la seule façon d’y échapper.

Sachons comme lui, avec lui, prendre cette route que nous tracent ses et nos “compagnons de voyage”, condition du possible émerveillement, de possibles espoirs. Hubert Reeves et Jelica Obrenovitch nous aident à porter sur ces “compagnons” un autre regard et nous révèlent l’importance de la solidarité avec ceux qui vivent avec nous la grande aventure cosmique. “La Nature dit Reeves, et c’est sa dernière phrase, a besoin des hommes pour poursuivre son projet”.

Dans cette “invention à deux voix”, (textes et images), entre science et poésie, à contrechamp de l’inexorable destinée humaine, apprenons à retrouver, sinon à reconnaître les richesses du monde. Chacun, à sa mesure, peut le rendre plus beau. (“Les destins, dit Reeves, ne sont pas écrits d’avance. Tout est à inventer”).

Ecoutons ses “compagnons de voyage” qui nous disent le plaisir d’exister, de demeurer dans la beauté des choses. La vie sera jubilation ou ne sera plus.

En découvrant la galaxie “normale” la plus distante
connue à ce jour, une équipe d’astrophysiciens de l’ESO
apporte une importante contribution à notre compréhension
de l’évolution de l’Univers
La nouvelle est d’importance. Des astronomes de l’ESO (Organisation Européenne pour des Recherches Astronomiques dans l’Hémisphère Austral) travaillant à l’observatoire de La Silla au Chili viennent peut-être d’avoir la surprise de leur vie. Ils viennent en effet de découvrir la galaxie “normale” la plus lointaine dans l’Univers connue aujourd’hui.

Cette distance est estimée à quelque 10 milliards d’années de lumière. Ce qui revient à dire, en tenant compte que l’âge de l’Univers se situe entre 15 et 20 milliards d’années, que la lumière que nous recevons de cette galaxie a été émise alors que l’Univers n’avait que le tiers de son âge actuel. Ses découvreurs l’ont baptisée
“G 0102-190”.

Il est facile de comprendre et l’intérêt de cette découverte et celui de son observation. Une galaxie est un ensemble d’étoiles (plusieurs milliards), de gaz et de poussières. L’Univers en comporte plusieurs milliards.

Le constituant fondamental
Les galaxies apparaissent donc comme le constituant fondamental de l’Univers. Il existe différents types de galaxie que l’on classe suivant trois grandes catégories : elliptiques, spirales (barrées ou non, comme la Voie Lactée) et irrégulières. Il s’agit là d’une classification essentiellement morphologique. Ce sont des galaxies dites normales.

Un faible pourcentage de ces objets présente des caractéristiques anormales. Il s’agit des galaxies à noyau
actif : radiogalaxies (émettrices d’un fort rayonnement radioélectrique), galaxies de Seyfert (forte émission dans le domaine de l’infrarouge), quasars (très grande luminosité, de l’ordre de mille fois plus grande que celle émise par une galaxie ordinaire).

Comme a dit Hubert Reeves, regarder loin, c’est voir tôt. Observer l’Univers lointain, c’est le voir au moment de sa jeunesse. En d’autres termes, plus on regarde loin et plus on remonte dans le temps. Et que peut-on observer à de telles distances? On ne peut observer que les objets les plus brillants et ceux qui dégagent une formidable énergie, comme les quasars, comme les radiogalaxies, les seuls à pouvoir être détectés à des distances aussi grandes.

Cependant, comme on vient de le voir, ces galaxies “anormales” dont l’intérêt est indéniable, ne représentent qu’une faible proportion des objets lointains. Observer les galaxies “normales” est d’une autre urgence. Le problème est que ces galaxies “normales”, peu spectaculaires, deviennent très rapidement indécelables à de grandes distances même pour les plus puissants des télescopes.

Nous touchons là les préoccupations de l’astrophysique moderne : arriver à interpréter la formation et l’évolution des galaxies pour comprendre la formation et l’évolution de l’Univers dont la matière est en majeur partie contenue dans ces galaxies “normales” sans activité particulière, d’où leur importance cruciale pour la compréhension globale de l’Univers.

Effet Doppler et loi de Hubble
On l’aura compris, des galaxies suffisamment éloignées que pour être observées au moment où l’Univers avait le tiers de son âge actuel, sont extrêmement faibles et très difficiles à trouver. Détecter une source lumineuse, en obtenir des images sont une chose. Son analyse en est une autre. Celle-ci exige qu’on puisse analyser son spectre (ensemble d’un rayonnement complexe résultant de la décomposition d’une lumière) afin d’estimer sa distance et ses propriétés physiques.

Cette observation spectrale est bien plus complexe encore et ne peut être réalisée que grâce à des objets encore plus lointains et beaucoup plus lumineux : les quasars et les radiogalaxies, par la mise en évidence de leurs raies d’absorption dans les spectres de ces formidables objects énergétiques que sont les quasars et les radiogalaxies.

En effet, quand la lumière d’un de ces objets traverse le gaz contenu dans cette galaxie, certaines longueurs d’ondes sont atténuées. Les spectres des objets lointains révèlent de cette manière toute une série de raies d’absorption dont les longueurs d’onde caractérisent le gaz absorbant et sa distance.

Cette distance peut être estimée au moyen de l’effet Doppler (changement apparent de la longueur d’onde de la lumière dû au mouvement de la source lumineuse par rapport à l’observateur. Le décalage vers le rouge signifie l’éloignement; et vers le bleu, l’approche.

L’effet Doppler, dans le cas présent, modifie la longeur d’onde en fonction de la vitesse de récession (vitesse d’éloignement) de la galaxie observée. Ce décalage spectral vers le rouge d’une galaxie (redshift) varie, bien entendu, en proportion de sa distance, selon la célèbre loi de Hubble, sur laquelle repose, en partie, la théorie d’un Univers en expansion.

Plusieurs études ont déjà permis l’observation des raies d’absorption de l’hydrogène et d’autres éléments d’objets placés devant des quasars. Voilà pour ce qui est de la théorie. Que montrent les observations réalisées à ce sujet par les astrophysiciens de l’ESO ?

Un halo gazeux comme vestige
Parmi celles-ci figurent celles réalisées, dès 1985, au télescope de 3m60 à La Silla par l’astronome Jacqueline Bergeron de l’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS). Celle-ci arriva à détecter l’existence d’une galaxie “normale” présentant un décalage par effet Doppler de 0,4, ce qui correspond à un âge égale aux deux tiers de celui de l’Univers, grâce à la présence de raies d’absorption dans le spectre d’un quasar lointain. Cette identification fut réalisée en collaboration avec un autre astronome français Patrick Boissé, de l’Ecole Normale Supérieure de Paris.

Les deux astronomes français analysèrent toute une série de cas semblables pour en arriver à la conclusion que le spectre et la luminosité de ces galaxies sont typiques des galaxies “normales”. Les galaxies étudiées (on les appelle aussi galaxies de champ parce que très isolées dans l’espace) laissent apparaître d’immenses halos gazeux, au moins trois fois plus étendus que la partie galactique contenant les étoiles.

Ceci a pu être démontré par le fait qu’on observait des raies d’absorption même lorsque la ligne de visée du quasar servant de “révélateur” s’écartait de plusieurs secondes d’arc (de 5 à 10) du centre de la galaxie observée. Les galaxies plus proches de nous ne possèdent pas une telle extension gazeuse (c’est vrai aussi pour la Voie Lactée). Cette constatation suggère que ces halos des galaxies lointaines sont, en quelque sorte, des vestiges de leur formation.

Encouragée par le résultat de ses recherches sur les galaxies “normales” présentant un redshift de 0,4, Jacqueline Bergeron décida de poursuivre son travail en collaboration avec Stefano Cristiani (Osservatorio di Asiago, near Padava, Italy) et Peter Shaver (ESO) et en élargissant ses recherches sur des galaxies “normales” très éloignées dont le redshift serait de l’ordre de 1 à 1,5.

Une observation menée de mars à septembre 1990 au NTT (New Technology Telescope) de l’ESO À La Silla permit de mettre en évidence, fin septembre, une galaxie “absorbante” à un redshift de 1,025 mesuré dans le spectre d’une émission d’atomes d’oxygène ionisés, à l’occasion d’une exposition de 4 h 30. Cette galaxie appelée G 0102-190 est située dans la direction du quasar UM 669 d’un redshift de 3,035. La galaxie “normale” la plus lointaine connue à ce jour venait d’être découverte.

Regarder encore plus loin
Le cliché qui illustre ce texte montre ces deux objets. Au centre, en haut, le plus lumineux, le quasar UM 669 (fortement surexposé) et juste en-dessous la galaxie G 0102-190. De part et d’autre, deux autres galaxies plus proches. La galaxie est située à 4,8 secondes d’arc, en dessous du quasar. Seule la partie stellaire de cette galaxie est visible. Le halo qui l’entoure n’est détectable que par les raies d’absorption qu’il produit dans le spectre du quasar.

L’identification de cette galaxie “normale” de redshift de 1,025, du bout de ses 10 milliards d’années de lumière, révèle que les dimensions de son halo sont comparables aux dimensions des halos de galaxies de redshift de 0,4, alors que l’âge de l’Univers est deux fois moindre. Ceci permet de conclure que cette importante caractéristique des galaxies lointaines n’a que peu évolué durant le second tiers de l’existence de l’Univers.

Ce premier succès a déterminé les chercheurs européens de l’ESO à poursuivre leur étude de galaxies encore plus lointaines afin de tenter de vérifier cette constante intrinsèque (le halo) des propriétés des galaxies “normales” lointaines et de préciser la période sur laquelle elle s’étend.

A n’en pas douter, cette première européenne et ce présent programme d’observation constituent une contribution tout à fait essentielle au problème crucial de la compréhension de l’évolution de l’Univers.

Ils donnent aussi à cette phrase clairvoyante de Jules Verne une toute nouvelle dimension :
“Regarde, me dit-il, et regarde bien ! Il faut prendre des leçons d’abîme.”

P/Halley
Une comète bien vivante
Le surprenant regain d’activité de la comète de Halley à deux milliards de kilomètres
du Soleil, découvert par deux jeunes astrophysiciens liégeois, n’affecte en rien
son devenir immédiat, même si Albert Ducrocq a déjà rédigé sa nécrologie.
La comète de Halley aura peut-être raison du célèbre chroniqueur spatial Albert Ducrocq ou, à tout le moins, de sa crédibilité scientifique. C’est ce qu’on peut en déduire à la lecture du numéro d’avril de la revue “Le Ciel”, bulletin de la Société Astronomique de Liège. Sous le titre “Un scoop d’Air & Cosmos”, l’auteur de la chronique “L’Astronomie dans le monde” prend Albert Ducrocq en flagrant délit de fausse nouvelle.

"C’est sous le titre accrocheur de “Halley : la feue comète” qu’Albert Ducrocq, le célèbre chroniqueur spatial, annonce dans “Air & Cosmos” la mort de la comète de Halley, désintégrée en poussières. A. Ducrocq se réfère au télégramme astronomique d’Olivier Hainaut, Alain Smette et Richard West, daté du 15 février, et qui faisait état d’un sursaut de la comète de la magnitude 25 à 19 (soit un accroissement de luminosité de 200 à 300 fois).

Mais l’éditorialiste d’“Air & Cosmos”, emporté par sa fougue habituelle, parle de la magnitude 9, ce qui aurait rendu la comète trois millions de fois plus lumineuse qu’auparavant. L’oubli de ce petit chiffre 1 fait toute la différence entre une éruption et un cataclysme fatal.

Rassurons donc nos lecteurs. Halley est toujours là. Comme annoncé dans “Le Ciel” de mars (page 97), la comète s’est effectivement réveillée (mais d’un seul œil) alors qu’elle se trouvait à la distance respectable de plus de deux milliards de kilomètres. Elle a alors libéré une faible quantité de gaz et de poussières. Celles-ci, en s’éparpillant autour du noyau, forment un embryon de queue, une coma, et augmentent ainsi l’éclat de la comète.

Les observations menées depuis le 12 février et le 21 mars concordent toutes pour situer la magnitude aux alentours de 20. Malgré des variations d’aspect d’une nuit à l’autre, le phénomène ne semble pas s’éteindre. Après plus d’un mois, le nuage de poussières continue donc à être régénéré par une ou plusieurs sources du noyau. Il est clair que la quantité de matière ainsi perdue par la comète est bien plus faible que lorsqu’elle se trouvait à proximité du Soleil, il y a cinq ans."

Et le spécialiste liégeois de conclure, en toute connaissance de cause : “On ne connaît toujours pas la cause exacte de ce sursaut, mais l’ampleur qu’on lui observe ne met pas en péril l’existence de P/Halley.”

La découverte liégeoise
Pour notre part, nous avions brièvement fait état des observations faites le 12 février en nous promettant de revenir plus longuement sur ce phénomène décrit dans un “press release” reçu de l’ESO (European Southern Observatory), c’est-à-dire l’Organisation Européenne pour des Recherches Astronomiques dans l’Hémisph£re Austral. Après la néchrologie commise par Albert Ducrocq, ce “bulletin de santé” tout à fait rassurant nous en donne l’occasion.

Il était tôt, au matin du mardi 12 février. Olivier Hainaut et Alain Smette, astrophysiciens de l’Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège, détachés à l’ESO, ne savaient vraiment que penser des observations qu’ils venaient d’effectuer au moyen du télescope danois de 1,54 m à l’Observatoire de La Silla, au Chili. Ils venaient juste de terminer une pose d’une heure d’une portion du ciel dans la constellation de l’Hydre, dans le cadre du programme de contôle de la célèbre comète périodique § dont l’astronome anglais du nom de Halley calcula, le premier, l’orbite. Ils avaient la conviction que quelque chose d’anormal s’était produit.

Lorsque cette comète passa près du Soleil au début de l’année 1986, à l’occasion de son retour périodique de 76 ans, elle apparut comme un objet brillant, visible à l’œil nu, avec une queue spectaculaire. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, elle s’est éloignée de plus de 2,140 milliards de kilomètres du Soleil, pour regagner progressivement son aphélie (son point le plus éloigné du Soleil), à environ 5,3 milliards de kilomètres du Soleil, soit un peu au-delà de l’orbite de Neptune. La lumière que réfléchit cette petite “boule de neige sale” de 15 kilomètrs de diamètre est devenue si faibe qu’il était très difficile de la détecter encore, même au moyen des télescopes les plus modernes et les plus puissants.

Un émoi justifié
Mais quel était la raison de l’étonnement des astrophysiciens liégeois ? Olivier Hainaut et Alain Smette, au lieu de trouver une très faible source lumineuse, se sont retrouvés subitement en présence d’une sorte de nébuleuse brillante (avec une vague ressemblance avec l’amas globulaire M 13 dans la constellation d’Hercule) au beau milieu de l’image que restituait l’écran de leur ordinateur. En fait, cet objet était 300 fois plus brillant que l’image du noyau de Halley tel qu’il aurait dû être.

Pouvait-il s’agir d’un autre astre, voire d’une nébuleuse de la Voie Lactée, ou encore d’une autre comète ? Pouvait-il se faire que l’une ou l’autre puisse se trouver à la position exacte que devait occuper la comète de Halle ? Ou bien avaient-ils affaire tout simplement à un reflet parasite dans le champ du télescope ?
On comprend l’émoi des chercheurs liégeois. Celui-ci fut pourtant de courte durée. Une seconde pose, beaucoup moins longue, confirma rapidement l’identité de l’objet observé qui se déplaçait selon l’orbite et à la même vitesse que la comète de Halley. Dès lors, il n’y avait plus aucun doute possible. Mais il fallait alors lui admettre un pénomène tout à fait inattendu. La comète de Halley était sous le coup d’un sursaut (accroissement brusque et transitoire du rayonnement d’un astre) pour le moins extraordinaire et tout à fait imprévu.

On peut le déviner aisément, cette observation plongea les spécialistes cométaires dans la plus grande excitation. Jusqu’à cette observation liégeoise, jamais, au grand jamais, ne s’est trouvée une comète dans un tel état d’activité, dû normalement au rayonnement solaire, aussi loin du Soleil. On a beau quitter le télescope pour passer la théorie au microscope. Rien ne prédit pareil phénomène. Qu’était-il donc arrivé à la comète de Halley ?

Le noyau cométaire

L’observation et l’étude du noyau de la comète de Halley eurent lieu en mars 1986, grâce notamment à la sonde cométaire européenne Giotto. Elles ont permis de déterminer avec une certaine certitude la composition de ce noyau. On sait qu’il est constitué principalement de glace et de poussières de différentes tailles. Certaines de ces poussières sont d’origine minérale. Mais des analyses chimiques réalisées par les instruments de bord de Giotto ont montrés que nombre de ces grains de poussière sont riches en carbone et par conséquent contiennent des composants organiques. Ce sont ces derniers qui donnent au noyau sa coloration sombre, ce qui a pour conséquence pour le noyau, de ne réfléchir que 4 % du rayonnement solaire.

Autrement dit, quand la comète se rapproche du Soleil, la surface de son noyau absorbe la majeure partie du rayonnement solaire et sa température augmente rapidement. Les glaces en surface et sous la croûte du noyau cométaire commencent à se sublimer (sous l’effet de la chaleur, passer de l’état solide à l’état gazeux sans passer par l’état liquide) et à former une sorte de nuage enveloppant en même temps que des grains de poussière s’échappent en expansion rapide, créant progressivement une nébulosité diffuse puis lumineuse, à l’origine de la chevelure, rendant la comète visible. Par la suite, la queue se développera sous l’effet du vent et du rayonnement solaire.

Quand la comète est à son périhélie, donc au plus proche du Soleil, il n’est pas rare qu’on assiste à des variations de brillance de la comète. Cette activité consiste en des sortes de sursauts réactifs qui dégagent d’importantes quantités de gaz et de poussières. Ce type d’activité est tout à fait passager et s’estompe au fur et à mesure que la comète s’éloigne pour quitter la banlieue solaire. L’astre se refroidit pour se figer à nouveau dans la nudité inerte de l’hibernation.

Expliquer ce comportement
Jusqu’aux récents événements, la comète de Halley s’est comportée exactement selon le modèle décrit ci-dessus. En 1988, le noyau ne comportait plus qu’un fin nuage enveloppant. En 1989, le nuage était encore là, mais néanmoins plus faible, et, en 1990, seul le noyau pouvait encore être vu. La comète de Halley fut considérée comme définitivement endormie et peu d’astronomes, sinon aucun, pensaient qu’on pourrait observer un quelconque changement de comportement à partir d’un tout petit point de lumière, avant son retour prochain, prévu en l’an 2061.

A cause de leur faible éclat, seules deux autres comètes ont pu être observées aussi éloignées du Soleil, c’est-à-dire à plus de deux milliards de kilomètres. Il s’agit des comètes nouvelles Cernis et Bowell. La comète de Halley est bien la seule à avoir pu être jamais observée à une aussi grande distance alors qu’elle connaissait une activité.

A l’examen, le cliché montre une structure du nuage qui laisse supposer que cette toute récente activité à déjà une certaine durée. Ceci implique une production constante en gaz et en poussières.

Au moment des observations réalisées par l’équipe liégeoise, la comète de Halley se trouvait à mi chemin entre les orbites de Saturne et d’Uranus. A une telle distance, le rayonnement solaire y est évidemment fort atténué. La température à la surface du noyau de la comète de Halley est de l’ordre de -200° C. En clair, cela signifie qu’on est en présence d’une masse de glaces et de poussières solide très dure qui ne laisse guère de possibilité à un quelconque sursaut d’activité. Expliquer celle de Halley n’est donc pas une mince affaire.

Trois hypothèses furent alors émises:

  1. il pouvait s’agir d’une collision avec un aute objet céleste non identifié;
  2. avait-on affaire à la libération d’une grande quantité d’énergie emmagasinée à l’intérieur du noyau ?
  3. assistait-t-on à une interaction avec des particules de haute énergie du vent solaire ?
    En ce qui concerne la première hypothèse, on connaît très peu de choses sur la présence de petits objets circulant si loin dans le Système solaire. Il se peut qu’il s’en trouve en grand nombre; mais les chances d’une collision avec le noyau relativement petit de Halley semblent infimes. De plus, cette collision ne peut expliquer la persistance du halo.

De manière identique, on ne connaît rien avec certitude de la structure interne des noyaux cométaires. Jusqu’à présent, une douzaine de théories ont été proposées sur les propriétés chimiques et physiques du mélange glace-poussière, mais aucune d’elles ne peut expliquer facilement comment une grande quantité de chaleur ou d’énergie mécanique a pu être emmagasinée durant l’approche du Soleil et comment elle a pu être libérée après une aussi longue période.

Enfin, même si le Soleil est à ce moment dans une phase d’activité maximale et qu’il émet, de ce fait, de grandes quantités de particules d’énergie à des intervales fréquents, il est douteux que ces particules soient porteuses de suffisamment d’énergie pour chauffer la surface du noyau de Halley et pour produire les effets spectaculaires observés, à une aussi grande distance du Soleil.

Intensifier les observations
Deux choses sont cependant claires. Les astrophysiciens spécialisés en théorie cométaire doivent revoir leurs modèles théoriques concernant les noyaux cométaires. Seconde chose certaine, Halley a une nouvelle fois mérité son titre de la plus célèbre des comètes.

Cela dit, un plan intensifié d’observations de Halley est en train d’être mis en place par l’ESO. La comète est à présent suivie aussi souvent que l’utilisation des télescopes le permet, sans compromettre les autres missions.

Des observations photométriques effectuées par l’astronome de l’ESO Edmond Giraud, au moyen du télescope de 2,20 m ont montré que la couleur de la coma est très similaire à celle du Soleil. Ceci indique que le nuage se compose essentiellement, sinon exclusivement, de grains de poussière qui réfléchissent la lumière solaire. Ceci a d’ailleurs été confirmé par Alain Smette qui a obtenu un spectre de Halley avec le télescope NTT de 3,5 m, le 22 février tôt le matin. L’examen de ce spectre ne montre aucune trace d’émission qui pourrait être attribuée à du gaz.

Cette observation spectrale constitue un record absolu en astronomie cométaire, car jamais auparavant on avait obtenu avec succès un spectre d’une comète à une telle distance du Soleil.

On ne peut donc que se féliciter de cette double première réalisée par les deux jeunes astrophysiciens liégeois. Quant à la comète, soyons tous rassurés. Elle est en excellente

Embryologie stellaire

Etoiles jeunes dans la Nébuleuse d’Orion. Cette image réalisée par le télescope spatial Hubble
d’une petite partie de la Nébuleuse d’Orion (large de 0,14 années-lumière) révèle cinq jeunes étoiles.
Quatre sont entourées de gaz et de poussière capturés lorsque les étoiles se sont formées.
Ce sont des disques protoplanétaires ou “proplydes”, qui peuvent continer à évoluer
en systèmes planétaires. Les étoiles les plus proches et les plus chaudes de l’amas sont brillantes,
alors que celles qui sont plus éloignées sont sombres (© NASA)
Ce 29ème Colloque International se donne comme objectif d’étudier le domaine
couvrant l’infrarouge lointain et la région sub-millimétrique, dernière fenêtre
non explorée du spectre électromagnétique.
L’Institut d’Astrophysique de l’Université de Liège organise son prochain collogue international du 3 au 5 juillet à l’Observatoire de Cointe. Notons que cet Institut qui, de la sorte et depuis longtemps, porte le renom de notre Alma Mater aux quatre coins de la planète Terre, organise des colloques internationaux deux années consécutives sur trois, la troisième année étant réservée à la réunion de l’Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale.

Le présent colloque est le 29ème de la série depuis sa création, en 1949, par le regretté Professeur Pol Swings, astrophysicien mondialement connu, entre autres, pour avoir découvert, en 1937, la première molécule interstellaire, le radical CH.

Aux fil des années, ces colloques sont devenus des manifestations très bien cotées parmi les grandes réunions scientifiques internationales.

Généralement, les colloques liégeois abordent des thèmes hautement théoriques. On peut citer les derniers: en 1983, Etudes des Quasars et des Lentilles gravitationnelles; en 1984, en hommages au Professeur Paul Ledoux, Problèmes théoriques en Stabilité et Oscillations stellaires; en 1986, Etudes des premières Phases de l’Univers; en 1987, Observations astrophysiques à haute Précision.

En 1989, avec le thème "Notre atmosphère en mutation ( Our Changing Atmosphere), les scientifiques liégeois avaient sensibilisé plus directement le grand public en rencontrant les préoccupation de survie de l’homme sur la planète: trou d’ozone, effet de serre, etc… (La Wallonie du 26 juin 1989).

Deux Prix Nobel
Cette année encore, ce colloque international, co-parrainé par l’Agence Spatiale Européenne (ESA), va réunir une centaine d’experts mondiaux, mais autour de problèmes beaucoup plus théoriques. Il sera présidé par le Professeur Ch. Townes (Berkeley, USA), lauréat du prix Nobel. Il consistera en une série importante d’exposés présentés par des personnalités invitées (dont un par un second lauréat du Nobel, Robert Wilson) en présence de représentants des grandes agences spatiales d’Europe, des USA, d’URSS et du Japon.

Le Comité scientifique est composé de CH. Townes (Berkeley, USA), Président; P. Encrenaz (Paris, France); R.Genzel (Garching, FRG); M. Harwit (Washington, USA); R. Hills (Cambridge, UK); H. Okuda (Kanagawa, Japon,); T. Philiips (Passadena, USA); J-L Puget (Paris, France); J. Storey (Kensington, Australia);
J-P Swings (Liège); S. Volonté (Paris, France).

Le Comité scientifique local comprend J-P Swings (Liège); R. Zander (Liège); D. Fraipont (Liège);
S. Volonté (ESA, Paris).

En quoi consiste le thème de ce colloque “L’astronomie sub-millimétrique: du sol à l’espace” ? Les organisateurs font remarquer avec raison que le domaine couvrant l’infrarouge lointain et la région sub-millimétrique constitue la dernière fenêtre non explorée du spectre électromagnétique. En effet, l’absorption par l’atmosphère terrestre, la difficulté de produire des détecteurs sensibles, et l’émission thermique importante des récepteurs et des éléments optiques ont, jusqu’à présent, maintenu cette fenêtre quasi opaque.

Les quelques observations effectuées au sol ou à partir d’avions et/ou de ballons, ainsi que les calculs théoriques, montrent cependant que ce domaine spectral est extrêmement riche: il englobe en effet de nombreux phénomènes physiques et chimiques qui permettront aux astrophysiciens d’explorer l’Univers à basse température.

Décrire, comprendre
Comme nous le rappelle l’astrophysicien français Pierre Léna (“Méthodes physiques de l’observation” (1), le but de l’astrophysique est de décrire, de comprendre et de prévoir l’ensemble des phénomènes physiques qui se produisent dans l’Univers: composition, processus physico-chimiques, nature de la matière cosmique, des astres, interaction nucléaire, composition isotopique de la matière, etc…

C’est à partir de l’information reçue par l’observateur que s’établissent les classements, les modèles physiques, les prédictions qui en font la valeur. Le but de l’observation est d’élaborer une stratégie de collecte de cette information. Le rayonnement électromagnétique occupe une situation très largement dominante puisqu’il transporte la quasi-totalité de l’information sur laquelle est aujourd’hui bâtie l’astrophysique. En d’autres termes, notre connaissance de l’Univers provient presque exclusivement de l’étude du rayonnement électromagnétique.

Les ondes électromagnétiques
Le spectre électromagnétique comprend une vaste gamme d’ondes, de fréquences et de longueurs d’onde très diverses: de 10-³ à 10²² hertz ou cycles/sec et de longueur d’onde de 10-¹³ à 105 mètres
(de 0,000 000 000 0001 à 100.000).

Rappelons-nous. La lumière est constituée d’ondes qui se déplacent dans l’espace à la vitesse de 300.000 kms par seconde et qui présentent certaines analogies avec les vagues. La distance entre deux crête est la longueur d’onde, et elle est mesurée en milliardièmes de mètre ou nanomètres (nm). Le nombre de crêtes passant par seconde devant un observateur est la fréquence.

Les ondes électromagnétiques, constituées d’ondes rayonnées dans l’Univers tant par la matière condensée d’astres comme les étoiles que par la matière diffuse des espaces interstellaires consistent en des variations du champ électromagnétiques qui se propagent dans le vide.

Les ondes électromagnétiques sont produites par des charges (particules chargées) électriques accélérées; elles sont constituées d’un champ électrique et d’un champ magnétique oscillants, perpendiculaires entre eux et perpendiculaires à la direction de propagation de l’onde. Elles peuvent être détectées à de très grandes distances. En outre, elles transportent de l’énergie et ce qu’on appelle de la quantité de mouvement.

En effet, les ondes électromagnétiques ont des effets énergétiques selon leur fréquence. Lorsque celle-ci est basse, leur énergie est faible, et le moindre obstacle les arrête (c’est le cas des ondes hertziennes, des infrarouges, de la lumière visible et des ultraviolets); les radiations de haute fréquence (rayons X, rayons gamma) sont beaucoup plus énergétiques. On connait assez les effets destructeurs des rayons gamma issus des transformations nucléaires, et qui sont les radiations de plus haute fréquence connue.

Une loi importante de la physique, dite loi de Wien, exprime que la longueur d’onde d’un rayonnement est inversément proportionnelle à la température du corps qui l’émet. Ainsi les rayonnements gamma, X et ultraviolet sont émis par des objets très énergétiques ou très chauds alors que les rayonnements infrarouge et radio sont caractéristiques d’objets plutôt froids.

On peut rappeler aussi que la lumière visible couvre une gamme de longueurs d’onde allant d’un peu moins de 400 nm à environ 700 nm, et l’oeil distingue des différentes longueurs d’onde de cet intervalle comme des couleurs. Le violet et le bleu sont les longueurs d’onde les plus courtes, tandis que l’orange et le rouge sont les plus longues.

L’accès à l’espace
Cependant, la lumière visible ne représente qu’une étroite bande du spectre électromagnétique. La lumière de longueurs d’onde plus courtes que le visible est dite ultraviolette (ultraviolet proche et lointain). Les ondes encore plus courtes constituent les rayons X et les rayons gamma.

Les ondes plus longues que le visible sont l’infrarouge (infrarouge proche et lointain), les ondes sub-millimétriques (entre 50 microns et 1 mm : 0,000 050 à 0,001 étant entendu que 1.000 microns = 1 mm), puis les micro-ondes et enfin, les ondes radio ou ondes hertziennes, les plus longues de toutes.

L’astronomie au sol est limitée au visible, au proche infrarouge avec de nombreuses absorptions, ainsi qu’aux longueurs d’ondes millimétriques et centimétriques. Les ondes de grande énergie ne sont observables que par les engins spatiaux.

L’observation infrarouge et sub-millimétrique est possible dès l’altitude de 12 km, donc à partir d’un avion ou d’un ballon. On s’oriente vers l’utilisation d’observatoires en orbite de manière à maîtriser les conditions d’observation permettant de s’affranchir, comme pour le visible ou les autres longueurs d’ondes, de l’absorption atmosphérique (vapeurs d’eau surtout pour l’infrarouge lointain, entre 25 et 700 microns), variation de l’ozone (ultraviolet), le gaz carbonique, l’ionisation de la haute athmosphère, la température, les turbulences…

L’accès à l’espace permet d’ouvrir à l’observation la totalité du spectre électromagnétique. Et c’est bien ce qui caractérise l’astrophysique aujourd’hui: la possibilité d’explorer l’Univers dans l’ensemble des longueurs d’ondes du spectre électromagnétique, depuis les ondes radio jusqu’aux photons gamma.

Infrarouge, sub-millimétrique
L’astronomie infrarouge a un champ d’application particulièrement fertile: la composition et la physique des atmosphères des planètes géantes, la composition et la photométrie des étoiles froides, la spectrophotométrie des régions du milieu interstellaire où le gaz est ionisé, la répartition de la poussière et des molécules interstellaires et celle des étoiles de grande masse. De plus, la connaissance de la distribution des sources infrarouges extragalactiques constitue actuellement l’un des meilleurs indicateurs de la structure à grande échelle de l’Univers.

L’examen de l’infrarouge lointain (sources infrarouges froides) et du domaine sub-millimétrique permet l’étude des nébuleuses, des poussières et des nuages interstellaires, des premières phases de la formation des étoiles au travers de nuages interstellaires obscurs, des activités stellaires précoces, des éjections de matière des protoétoiles; de mesurer l’âge des sources émettant dans l’infrarouge lointain (quelques dizaines de millions d’années).

Le domaine sub-millimétrique, encore largement inexploré, est vraisemblablement très riche en raies spectrales, notamment d’origine moléculaire dans le milieu interstellaire. Il est à retenir que les développements les plus marquants sont dûs à des progrès d’ordre technologique comme la réalisation de détecteurs à hélium liquide de plus en plus sensibles et performants.

Embryologie stellaire
Il n’est pas inintéressant d’ouvrir une petite parenthèse sur la naissance des étoiles. Quelles sont les premières étapes de la formation d’une étoile ? Pourquoi un nuage interstellaire primitif se transforme-t-il en étoile ? Il est impossible de répondre à ces questions à partir des seules observations directes, car des nuages de gaz, de poussières voilent les étoiles entre le moment initial du processus et l’étape finale de leur naissance.

Des modèles mathématiques arrivent à séquencer les différentes étapes de l’évolution d’une étoile et permettent une compréhension quelque peu affinée de la formation de notre propre système solaire.

Les étoiles se forment par effondrement des nébuleuses, nuages interstellaires de gaz et de poussières. On peut observer les nébuleuses où des étoiles sont sur le point de se former, grâce au rayonnement millimétrique. L’étape finale de la naissance d’une étoile qui vient de se former au sein de la nébuleuse “mère” peut être observée dans le domaine de l’infrarouge.

Entre ces deux possibilités d’observations, c’est le degré zéro de la connaissance. C’est un peu comme si, en biologie, on avait connaissance, d’une part, du spermatozoïde et de l’ovule et, d’autre part, du beau poupon qui vient de naître, sans rien connaître de la division méiotique, du processus de fécondation, des divers stades du développement embryologique, de la nidation à la parturition en passant par la phase fœtale, c’est-à-dire la grossesse.

Les astrophysiciens ne désespèrent pas de pouvoir arriver à “regarder” et comprendre l’évolution embryologique et fœtale stellaire grâce à l’imagerie infrarouge et sub-millimétrique et donc de mieux comprendre aussi la genèse de notre Système solaire.

Les buts principaux du 29ème Colloque d’Astrophysique de Liège peuvent se résumer en trois points principaux. Ils consistent en:

Les travaux de cette réunion scientifique liégeoise seront fructueux, nous n’en doutons pas. Serait-ce déjà à la lumière de cette phrase sur l’astrophysique, science au confluant de toutes les sciences, phrase pleine de vérité et de profondeur, d’un autre prix Nobel de physique (1977): Steven Weinberg, Professeur à l’Université de Harvard, l’un des meilleurs théoriciens de la physique contemporaine. (2).

“S’efforcer, dit-il, de comprendre l’Univers est l’une des rares choses qui élève la vie humaine au-dessus du niveau de la farce et lui accorde un peu de grâce, de tragédie.”

On l’aura compris, nous sommes tous concernés.